Communiqué de presse
Dès l’annonce des finalistes de l’ADISQ 2004 en septembre, un contact a été établi avec l’organisation du gala afin d’aviser que Richard Desjardins ne pourrait être présent au Théâtre Saint-Denis, étant en tournée dans le Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie. Dans l’intervalle, Richard Desjardins avait pris des mesures pour être représenté au gala. C’est une option qui, à deux jours d’avis, a été écartée par l’ADISQ…Dans ce contexte, les propos de Guy A. Lepage sont non seulement choquants mais injustes. Et son lancer du Félix en coulisses a été aussi très blessant: "Celui-là, il appartenait à toute la gang", a dit Richard Desjardins depuis le Pub Bayou à New Richmond où il suivait le gala avec toute l’équipe de Kanasuta, des amis et le diffuseur de la salle de spectacle de l’endroit.
Vous connaissez Richard Desjardins? C’est le bum sympathique qui se foutait du système il y a dix ans, qui s’en fout aujourd’hui et s’en foutra encore dans dix ans; c’est le poète qui crie dans son micro "Quand j’va être un bon gars", sachant dans toutes les fibres de son être que ce ne sera jamais le cas; c’est l’auteur-compositeur et interprète qui continue d’être lui-même, c’est-à-dire un grain de sable dans l’engrenage du hachoir à idées libres, quand la plupart des autres qu’on croyait de sa trempe vont jouer de la dent blanche et de la main molle à Star Académie ou reprennent leur nom légal après avoir joué les désœuvrés carnassiers jusqu’au dernier cent; enfin, c’est le gars qui a fait un film sur la voracité inassouvissable des industries papetières, L’Erreur boréale, dans lequel il osait même questionner le père de l’autre sur la conduite scandaleuse de sa lucrative entreprise. La scène valait d’ailleurs mille mots: on y vit Séraphin dans toute sa cupidité, Harpagon dans toute son avarice et Midas dans toute sa bêtise.
Hé bien! Ce gars-là a eu l’audace de ne pas venir chercher son "nonosse" à l’ADISQ! Ne possédant pas l’immunité de Céline ou de Garou, et n’ayant pour seule arme que son talent et sa persévérance dans le vrai, il a osé ne pas fouler du pied le tapis rouge que la Sainte Église Médiatique déroulait généreusement devant lui. Résultat: l’animateur, qui ne pouvait pas faire de montage cette fois, a clairement déclaré que Desjardins ne méritait pas le respect et, fort de ses talents reconnus d’acteur, a carrément lancé la statuette au bout de ses bras! Le message était on ne peut plus clair: Monsieur Desjardins, considérant que tout indique que vous n’êtes pas avec nous et que nous ne parviendrons pas à faire de vous un fantoche de poche, considérant qu’il est évident que vous continuerez de mépriser les manigances mercantiles de notre épicerie de la chanson, considérant qu’il vous est impossible, de par votre condition d’artiste libre qui ne doit et ne veut rien devoir à personne sauf à lui-même, de vous soumettre à nos lois du succès, par les pouvoirs qui me sont conférés par la Sacrée Clique, ses fidèles banquiers, ses acolytes financièrement concernés et son troupeau abasourdi d’applaudisseurs à plat ventre, moi, Guy A. Lepage, ancien perturbateur repentant, nouvellement admis dans le cercle des faiseurs de vues ridicules subventionnées et animateur d’émission d’échanges d’idées contrôlées, je vous excommunie officiellement. Sinistre et pathétique.
Il a bien essayé de se reprendre, notre ancien escogriffe ramolli, quand Desjardins a remporté le titre d’auteur-compositeur de l’année. Sans doute poussé en coulisses par de hautes instances à racheter sa faute qui pouvait coûter des sous s’il se mettait à dos le gagnant de trois trophées ou peut-être seulement parce qu’une bulle d’insurrection ayant échappé à l’appât du gain et de la gloire venait d’éclater, il a joué de la pancarte à visage du poète en se rendant ridicule de triste manière. Tant qu’à être le bouffon du roi, il eût mieux valu qu’il conservât ses grelots insignifiants jusqu’à la fin. Mais non, il a tenté le tout pour le tout, agitant son carton en guise de réponses à ses propres questions. "Me pardonnes-tu, Richard?" a-t-il demandé avant de supposer une réponse négative de l’artiste de Rouyn-Noranda. Demande inutile s’il en est une, car les préoccupations de Desjardins sont sans aucun doute à cent lieues de celles de Lepage. Mais ce serait trop long à lui expliquer.
Il se trouvera bien quelques vierges offensées pour nous sangloter du "respect du public" par-ci et du "donnant-donnant" par-là. Il se pointera assurément quelques-uns de ceux qui ont ricané quand Chapleau a montré, une fois de plus, son intelligence raffinée en traitant avec le plus grand mépris un Raël calme et poli pour scander que la vie est un spectacle et que s’ils payent, ils ont bien le droit de manger de l’artiste rôti quand il leur plaît. Et si ça ne lui plaît pas à l’artiste? M’enfin? Pourquoi se plaint-il? Il vend des disques et nous les achetons. Offre et demande. Alors quand nous lui demandons de venir se pavaner, qu’il vienne. Toi y en a vouloir des sous? Toi y en a venir au Gala! On ne lui demande pas grand-chose en échange de son succès: juste un soupçon d’allégeance. Sinon, qu’il reste chez lui pour de bon, avec ses disques! Et les voilà qui s’emportent et s’enflamment en parlant de loi du marché, de minimum de retour et de nécessité de jouer un peu la game. Encore un peu et ils parleront des bienfaits de la société du spectacle, des avantages perdus lors de la guerre de Sécession et des qualités de George W. Bush. Mais au fond, ils ont raison de crier qu’il faut détruire Carthage, car de cette faction noble qui persiste à lutter contre les mendiants du succès, la mafia de la réussite et le carriérisme artistique organisé, Richard Desjardins est sans contredit l’exemple le plus solide, le plus constant et le plus redoutable.