Lettre du milieu culturel à la ministre de la Culture et des Communications du Québec.
Il y a maintenant plus de 18 mois que le Parti libéral du Québec dirige l’État québécois et que madame Line Beauchamp, députée de Sauvé, est à la tête du ministère de la Culture et des Communications du Québec (MCCQ). Madame Beauchamp a été élue avec en poche la plateforme électorale De rempart à tremplin, plateforme à laquelle nous réservions un accueil enthousiaste au moment de sa parution. Sa nomination à titre de ministre de la Culture et des Communications avait aussi reçu un bon accueil par le milieu en raison de son excellent travail dans l’opposition officielle. Depuis, la ministre Beauchamp et son ministère ont mis en place certaines mesures et procédé à des modifications législatives afin d’améliorer les conditions de pratique des artistes québécois, nommément par la création d’un filet de protection sociale. Ils ont également procédé à la révision de la Loi sur le statut de l’artiste. Toutefois, nous nous devons de rappeler que la presque totalité de ces mesures ont eu peu d’impact sur les conditions financières précaires de ceux qui créent cette culture si essentielle à notre société, comme l’indique la plateforme électorale libérale:
"Le PLQ considère la culture comme un secteur d’avenir privilégié pour le Québec. La richesse future du Québec et son rayonnement international reposent sur la créativité. Le dynamisme artistique constitue à la fois une valeur ajoutée et un "supplément d’âme" pour le Québec." (De rempart à tremplin, p. 16)
Lors de l’exercice budgétaire de l’an dernier, alors que le MCCQ devait faire face à une hausse considérable de son budget d’immobilisations, nous avons épaulé la ministre pour l’obtention de sommes supplémentaires. Ensemble, en mobilisant le milieu, nous avons protégé les acquis du milieu culturel et convaincu le ministre des Finances d’augmenter le budget global du MCCQ, un des rares à profiter d’une augmentation lors du dernier budget.
Récemment, nous apprenions qu’encore une fois cette année, le MCCQ devra assumer des dépenses d’immobilisations supplémentaires totalisant environ 20 millions de dollars. Les projets d’immobilisations sont certes nécessaires, mais depuis deux ans, les budgets de soutien à la création stagnent. De plus, nous ne sommes pas certains que les immobilisations à la charge du MCCQ servent uniquement à la pratique culturelle. En ce sens, nous ne mobiliserons pas le milieu sur cette question cette année. Les créateurs québécois fondaient de grands espoirs en votre plateforme qui annonçait, dans les propres mots du premier ministre: "Nous voulons d’abord que les créateurs, sans qui rien n’est possible, soient mieux soutenus dans leur acte de création et leur carrière. Nous voulons qu’ils vivent mieux de leur art." (De rempart à tremplin, p. 3) Un peu plus loin dans le même document, on constate qu’au premier rang des objectifs exprimés dans votre vision de l’avenir de la culture au Québec, se retrouve un soutien accru à la création artistique.
C’est dans cette perspective de questionnement que nous arrivons au propos central de cette lettre. Des rumeurs persistantes nous laissent croire que le ministère de la Culture et des Communications ne ferait pas de demande de budget supplémentaire au ministère des Finances ou au Conseil du trésor afin d’octroyer des sommes supplémentaires au Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ). Le CALQ a pour mandat principal de soutenir, dans toutes les régions du Québec, la création, l’expérimentation et la production dans les domaines des arts. Cette société d’État, consacrée au développement et à la diffusion des arts et des lettres, se doit d’être votre priorité budgétaire puisque c’est là le principal levier et le meilleur moyen disponible pour intervenir directement sur l’amélioration des conditions de pratique et sur le dynamisme du milieu culturel, que ce soit en augmentant le nombre de bourses et leur montant moyen ou encore en assurant de meilleures subventions aux organismes et associations du milieu culturel.
Doit-on rappeler, encore, que la politique culturelle du Québec adoptée en 1992 par un gouvernement libéral n’a jamais été remise en question par le milieu culturel, bien au contraire. Pour les créateurs, la pièce maîtresse de cette politique culturelle demeure sans contredit le CALQ. Tous s’entendent toutefois sur le manque de financement nécessaire à sa mise en œuvre. Il est impensable que les créateurs voient leurs budgets stagner une année de plus, Madame la ministre. Le rapport de la Commission de la culture adopté à l’unanimité et déposé en avril 2000 à l’Assemblée nationale, rapport que vous avez honoré de votre signature, ne peut être plus clair au sujet du CALQ, de son budget et de sa mission:
"Les membres de la Commission de la culture recommandent au gouvernement d’augmenter substantiellement, et de façon récurrente, le budget du CALQ, afin que cet organisme, voué principalement au soutien à la création, dispose de moyens à la mesure des responsabilités qui lui ont été confiées." (Assemblée nationale du Québec, Commission de la culture, Mandat de surveillance d’organismes – Conseil des arts et des lettres du Québec et Société de développement des entreprises culturelles, RAPPORT FINAL, avril 2000, p. 33)
Sans une augmentation des budgets dédiés aux créateurs, autant au CALQ qu’à la SODEC, le tremplin va céder sous le poids des contraintes inhérentes à la condition des artistes. Nous en avons récemment eu la preuve dans tous les quotidiens, qui étalent les difficultés de plusieurs organismes d’importance du secteur culturel et révèlent la fragilité du milieu culturel, même pour les plus grands. Imaginons maintenant ce qu’il en est pour les plus petits qui composent la majorité.
Nous souhaitons, Madame la ministre, que vous réaffirmiez votre engagement électoral auprès des créateurs et qu’en ce sens vous nous donniez l’assurance que vous croyez encore au CALQ comme le meilleur outil pour améliorer les conditions de pratique des créateurs. Enfin, nous vous demandons de vous engager à demander des sommes supplémentaires pour augmenter les budgets de soutien à la création au CALQ mais également à la SODEC.
Le Mouvement pour les arts et les lettres regroupe neuf organisations nationales, onze Conseils régionaux de la culture et représente 15 000 artistes professionnels, écrivains et travailleurs culturels. Le M.A.L. est constitué du Conseil québécois du théâtre, du Conseil québécois de la musique, du Conseil des métiers d’art du Québec, du Conseil québécois des arts médiatiques, du Regroupement québécois de la danse, du Regroupement des artistes en arts visuels du Québec, de l’Union des écrivaines et écrivains québécois, du Regroupement des Centres d’artistes autogérés du Québec et d’En piste – le regroupement national des arts du cirque.
Stanley Péan, porte-parole du Mouvement pour les arts et les lettres et président de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois
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