On apprenait récemment que les appareils de loterie vidéo exploités par Loto-Québec étaient de plus en plus payants. Au cours des neuf premiers mois de son exercice financier 2004-2005, la société d’État a engrangé des profits de 915 millions de dollars, du jamais vu. On se dirige vers une année record! Si les joueurs pathologiques continuent de se ruiner à ce rythme, Loto-Québec aura empoché 1,22 milliard de dollars au terme de son exercice financier.
Pourquoi ces machines sont-elles de plus en plus payantes? La réponse est simple et le constat est grave. Depuis que le gouvernement du Québec a confié l’exploitation des appareils de loterie vidéo à Loto-Québec, le nombre de joueurs pathologiques au Québec ne cesse d’augmenter. Et cela va continuer parce que Loto-Québec crée de nouveaux joueurs depuis qu’elle exploite ce commerce. Rien n’indique que cela va changer, bien au contraire.
Bien sûr, j’entends déjà les spécialistes en communication de Loto-Québec citer toutes sortes d’études et de statistiques qui vont contredire cette affirmation. Ces spécialistes des relations de presse sont des menteurs et ils le savent. Je n’ai pas d’études pour appuyer mes dires. Je ne suis qu’un joueur compulsif. J’ai misé ma vie dans ces appareils. J’ai tout perdu, comme des milliers d’autres personnes.
Pour bien comprendre le phénomène, il faut reculer de quelques années, à l’époque où c’était le "crime organisé" qui exploitait les appareils de loterie vidéo. On les retrouvait souvent à l’épicerie ou au dépanneur du coin. Il y en avait aussi dans certains bars. Mais si vous vouliez être payé lorsque vous gagniez, il valait mieux connaître le proprio. On ne payait que la clientèle connue, par crainte de se faire prendre. Ces appareils étaient évidemment illégaux.
Puis, vint le jour où on en fit un commerce d’État. Un peu comme la radio qui fonctionne en réseaux, Loto-Québec a développé son réseau. Que vous soyez à Schefferville, Montréal ou Gaspé, vous pouvez jouer dans les mêmes machines. Et les appareils sont situés dans les bars. De cette façon, quand vous avez bu, vous êtes encore plus certain d’y laisser votre chemise.
En fait, ma vie ne serait pas détruite si Loto-Québec n’avait pas été mieux organisée que le "crime organisé".
Quand je jouais au dépanneur du coin, je devais me munir de rouleaux de 30 sous. Aujourd’hui, la machine se nourrit de billets. Elle ne prend pas encore les cartes de guichet ni les cartes de crédit. Ce n’est pas bien grave puisque la plupart des bars accommodent leur clientèle: il y a un guichet sur place! Le guichet se vide au même rythme que les bouteilles de bière. Vos poches aussi.
Loto-Québec a mis au monde des joueurs compulsifs. Elle les développe et elle les entretient. Et je ne parle que des loteries vidéo. Il y a bien d’autres pratiques condamnables développées par Loto-Québec. Quand on est rendu à solliciter les vieux dans les clubs de l’âge d’or pour les emmener en autobus au casino, il faut se questionner. Loto-Québec ne se comporte pas mieux que la mafia. C’est un rouleau compresseur qui écrase les plus démunis et les plus fragiles pour faire du fric comme de l’eau.
Voyons les choses en face: Loto-Québec détruit des vies. Des centaines de personnes, peut-être même des milliers – comment le savoir – ne seraient pas mortes si l’État n’avait pas développé le commerce du jeu. Quand va-t-on le reconnaître? La vérité est que la presque totalité des personnes qui jouent sur ces machines sont des malades, quoi qu’en disent les spécialistes en communication de Loto-Québec. S’il en était autrement, ces machines ne seraient pas rentables. Ce sont les joueurs compulsifs qui les alimentent.
Il y a quelques années aux États-Unis, le gouverneur de la Caroline du Sud décidait de retirer les 30 000 appareils de loterie vidéo qui rapportaient pourtant 4 milliards de dollars au gouvernement. Pourquoi? Un jour d’été, un enfant avait été retrouvé mort dans une automobile. Sa mère l’avait laissé dans la voiture pour aller jouer…
Je suis un joueur formé par Loto-Québec. J’ai tout perdu à cause de ses machines. J’ai envie de le dire. J’ai envie de le crier fort comme des milliers de personnes qui sont dans ma situation. Mais nous sommes généralement bien silencieux, rongés par la honte et le désespoir. Il faut faire quelque chose. Ces machines tuent au même titre que la drogue ou la cigarette. Qu’attendons-nous pour les bannir?