Vous avez entendu la nouvelle? Après une gestation étonnamment plus longue que prescrite, l’éléphant a fini par accoucher… d’une souris!
L’éléphant dont je parle, c’est l’actuelle administration libérale provinciale. Et la souris, ce sont ses engagements en matière de culture.
Les 15 000 artistes que représente le Mouvement pour les Arts et les Lettres (M.A.L.) s’attendaient pourtant à mieux. Après tout, si l’on se fie à la plateforme électorale du PLQ, De rempart à tremplin, et aux jolis discours de la ministre Line Beauchamp qui y faisaient écho, ce gouvernement a notre culture à cœur. En théorie, du moins.
À la lumière du budget Audet, il semble évident que ce gouvernement ne comprend pas les enjeux auxquels font face les artistes, artisans et travailleurs culturels du Québec. Paradoxalement, alors qu’il se plaît à répéter que l’identité québécoise compte parmi les missions essentielles de l’État, ce gouvernement hésite à investir, préférant amorcer son désengagement à plus ou moins long terme en la matière. La principale mesure de son budget pour pallier au sous-financement chronique des arts et de la culture est la mise en place du programme Placements culture qui confie au secteur privé cette responsabilité fondamentale de l’État. À ma connaissance, jamais n’envisagerait-on pareille mesure en santé ou en éducation, autres missions essentielles de l’État… À moins bien sûr que ces domaines aussi ne perdent rien pour attendre!
À l’émission Péril en la culture diffusée à Télé-Québec le 31 mars, des représentants de multiples secteurs culturels convenaient de la nécessité d’un meilleur soutien public récurrent pour les créateurs, les organismes et les industries de la culture. À cette table ronde où j’étais moi-même invité, tous reconnaissaient que ce n’était pas par le financement privé et les commandites qu’il fallait quémander à chaque spectacle, à chaque exposition, à chaque manifestation culturelle, que la culture, les arts et les lettres pourraient se développer. Le message était clair et unanime. Comment expliquer que l’équipe de Jean Charest ne l’ait pas entendu? Il faut croire que ses membres regardent peu Télé-Québec, qu’on rêve d’ailleurs secrètement de fermer dans certaines officines, à ce qu’on dit…
Au cours des dernières années, la situation des artistes, des organisations et des travailleurs culturels s’est détériorée parce que nos gouvernements refusent de leur garantir un financement minimum adéquat. Le M.A.L. réclamait que le budget du Conseil des arts et des lettres du Québec soit majoré de 18 M$ et celui de la Société de développement des entreprises culturelles de 5 M$. Vœux pieux, cette année encore. Incapacité financière? Plutôt un manque de volonté politique. Nous en déduisons qu’il est impératif d’élever cette question au-dessus des débats partisans, d’en faire une question d’État afin d’assurer un minimum de cohérence entre la volonté et l’action.
À compter d’aujourd’hui, nous militerons en faveur d’une mesure globale qui forcera ces décideurs à indiquer où ils se situent: du côté d’un avenir inquiétant où la création ne pourra compter que sur ses propres moyens ou du côté des pays qui ont compris l’importance de l’apport des processus créatifs artistiques et littéraires au développement de leur société. Nous réclamerons de l’Assemblée nationale une loi-cadre qui obligerait tout gouvernement à investir au moins 1,25 % de son budget annuel total au ministère de la Culture.
Lors de notre manifestation publique du 9 mars dernier, le porte-parole de l’Opposition officielle en matière de culture, Daniel Turp, s’est engagé à appuyer toute démarche qui assurerait un financement suffisant et à long terme aux arts et à la culture. Reste à voir qui de ses collègues, peu importe le parti, se rangeront de ce côté.
La balle est donc dans votre camp, messieurs dames de la politique: à quand un financement minimum garanti pour les arts et la culture?
Stanley Péan
Porte-parole du Mouvement pour les Arts et les Lettres
Président de l’Union des Écrivaines et des Écrivains du Québec