Jean-Claude Turcotte
Archevêque de Montréal
Objet: Demande officielle d’apostasie.
Monsieur,
Je désire entamer une procédure d’apostasie. Je considère que les instances catholiques romaines du Québec font un usage indu des statistiques officielles en laissant trop souvent entendre que la totalité des gens qui sont baptisés sont d’accord avec les politiques défendues par l’Église. Je ne veux plus que mon nom vienne grossir des statistiques erronées qui justifieraient, par exemple, le maintien de l’enseignement religieux dans les écoles par la reconduction d’une dérogation spéciale à la Charte canadienne des droits et libertés.
Mais par-dessus tout, dans une perspective plus large, je désapprouve plusieurs positions officielles de l’Église catholique que je considère fondamentalement immorales, et qui seront plus que jamais soutenues par le nouveau pape.
L’Église catholique ne respecte pas les droits de la personne en ce qui concerne l’égalité des femmes et la liberté des personnes adultes de décider de choses aussi intimes et essentielles que le mariage, le divorce ou l’orientation sexuelle. L’Église catholique fait injure à l’intelligence humaine lorsqu’elle tolère que certains de ses représentants diffusent des faussetés concernant la prévention du sida et le contrôle des naissances. Par la faute de l’Église, des femmes s’appauvrissent parce qu’elles n’auront pas pu limiter efficacement les naissances non désirées et quantité d’hommes et de femmes mourront faute d’avoir été bien informés de certains risques qui auraient pu être évités par le simple usage du condom.
Mais pire encore, l’Église catholique s’est faite complice de crimes extrêmement graves commis par des individus qui oeuvraient au sein de son organisation. Plutôt que de reconnaître ses responsabilités, le clergé a essayé de cacher ces crimes, de faire taire les victimes et a aussi tenté de soustraire les coupables aux poursuites criminelles. La pédophilie et les autres abus envers des enfants sont parmi les crimes les plus graves qui puissent être commis et je trouve immorale la conduite de l’Église catholique dans ces dossiers.
Il va sans dire que l’élection d’un "nouveau" pape encore plus conservateur que le précédant a fortifié ma résolution d’en finir avec cette institution passéiste et criminelle. D’ailleurs, je pense qu’il serait plus prudent d’attendre avant de canoniser Karol Wojtyla, car il se pourrait qu’après avoir subi le "purgatoire de l’histoire", cet homme soit plutôt considéré, par les générations futures, comme personnellement complice de crimes contre l’humanité.
Pour moi, il ne fait plus aucun doute que la moralité et la foi sont deux choses complètement différentes et indépendantes. Si certains hommes d’Église considèrent qu’au nom de la "doctrine de la foi", ils sont en droit de sacrifier la moralité, pour ma part, je considère que l’intégrité morale m’oblige à renoncer à la foi doctrinaire.
Je ne veux donc plus cautionner une institution qui va trop souvent à l’encontre du respect le plus élémentaire de la Dignité Humaine et c’est pourquoi je vous demande de bien vouloir radier mon nom de vos registres.
Marie-Michelle Poisson
Enseignante en philosophie