Grandes gueules

Mépris, méprise

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Madame Nathalie Petrowski,

Le 27 juin dernier, le journal La Presse publiait votre deuxième article autour de l’événement que nous avons produit le 24 juin au Parc Jean-Drapeau, lequel réunissait Les Cowboys Fringants, Loco Locass, Mononc Serge, Les Zapartistes, Stephen Faulkner, Dumas et d’autres auteurs-compositeurs. Aujourd’hui, nous souhaitons, en quelques lignes, rétablir un certain nombre de faits puisque votre papier est truffé de renseignements erronés, dénotant ainsi un manque total de rigueur journalistique.

Contrairement à ce que vous affirmez, le spectacle du parc Jean-Drapeau n’a été commandité par aucune compagnie privée ni n’a reçu de subvention du secteur public. Loto-Québec et Coke sont partenaires du parc Jean-Drapeau, mais n’ont eu aucun lien d’affaires avec notre événement. Quant au Groupe Gillet, il était codiffuseur du spectacle, responsable du site et, entre autres, de la technique. Les organismes présents au parc Jean-Drapeau étaient Oxfam, Eau-Secours, Action Boréale, Amnistie Internationale et UQCN. Bref, rien qui ressemble à une organisation néolibérale, n’est-ce pas?

En outre, selon la jeune tradition instaurée par Les Cowboys Fringants depuis le début des concerts de la Grand-Messe en janvier dernier, un dollar par billet vendu cette journée-là sera remis à des associations humanitaires et environnementales québécoises. Soulignons au passage que Les Cowboys Fringants et leur entourage imposent une politique de prix pour leurs concerts à l’échelle du Québec: les billets coûtent 16 $ plus taxes et frais de service. Les gens qui venaient à la fête pouvaient amener leur lunch, leur breuvage (eau, jus, boisson, bière dans des contenants souples) et leur drapeau. Une fontaine d’eau permettait aux spectateurs de remplir leur bouteille à volonté. Les contenants en verre, les bâtons et les chaises longues étaient interdits par mesure de sécurité, ce qui nous paraît tout à fait légitime. Bien sûr, tout n’était pas parfait: pas assez de bacs à recyclage, par exemple, des choses que nous corrigerons à l’avenir, dans l’intérêt de tous.

Vos propos nous obligent aussi à préciser que l’organisation de la fête du 24 juin au parc Maisonneuve est confiée depuis des années à un producteur privé, grâce au soutien de Loto-Québec, Hydro-Québec, La Société des alcools du Québec, Pepsi-Cola, Desjardins, Archambault, Cadbury, SC Johnson, etc. Un authentique partenariat public-privé permettant de réaliser ce grand rassemblement gratuit. Et le prix de la bière au parc Maisonneuve et au parc Jean-Drapeau était le même ce soir-là: 4,50 $…

Parlons maintenant de votre acharnement à dénigrer la fête du parc Jean-Drapeau et les artistes qui s’y sont produits, Les Cowboys Fringants en tête. Ces mêmes Cowboys que le journal La Presse a tenté de courtiser il n’y a pas si longtemps. En effet, il y a un an ou deux, votre journal nous proposait de faire des Cowboys Fringants le porte-parole publicitaire de La Presse, proposition que nous avons refusée sur-le-champ. Selon des employés de votre journal, des études de marché commanditées par La Presse montraient que le public des Cowboys Fringants représentait le public cible que La Presse souhaitait toucher compte tenu de ses objectifs de rajeunissement de clientèle. Nous l’avons nous-mêmes constaté puisque pas moins de 15 articles ou lettres de lecteurs (souvent accompagnés de photos hors contexte) traitant de la journée du 24 juin et de la présence des Cowboys Fringants ont été publiés dans votre journal au cours des deux dernières semaines. Une journaliste de La Presse nous a même téléphonés au lendemain de la parution de votre premier article la semaine dernière, à la recherche de quelque déclaration à saveur polémiste.

L’événement du 24 juin au parc Jean-Drapeau était magnifique et important: plus d’une quarantaine d’artistes, 10 heures de musique, de mots et d’opinions. Au-delà de 500 personnes ont travaillé à en faire un spectacle réussi. Environ 25 000 jeunes spectateurs, prêts à débourser un peu d’argent pour vivre quelque chose de différent, sont venus, librement et dans la bonne humeur, exprimer leur ras-le-bol et crier non seulement leur mécontentement mais aussi leur joie de vivre. À ce propos, Madame Petrowski, votre ton est franchement moralisateur, voire méprisant, lorsque vous parlez des jeunes… cette "nouvelle génération qui vit encore chez des parents qui ont les moyens de la subventionner". Vous oubliez bien rapidement la grogne généralisée et la mobilisation de la majorité des étudiants du Québec il y a quelques mois sur la question du financement de l’éducation. Une mobilisation imposante, articulée et très inventive. Nous ne connaissons sans doute pas les mêmes jeunes Québécois…

Finalement, un dernier point, celui de l’époque des grands rassemblements des années 70. Vous vous plaisez à dire que les Charlebois, Dufresne, Deschamps et Harmonium n’auraient jamais participé à un spectacle payant le soir de la Saint-Jean-Baptiste. Permettez-nous de souligner qu’il s’agissait justement de fêtes mariant émergence et affirmation nationale, soutenues par le gouvernement péquiste pour la première fois au pouvoir. Tous les auteurs-compositeurs importants de cette génération étaient réunis, invités par la SSJB et payés par les fonds publics. Aujourd’hui, c’est autre chose, les artistes de notre grand spectacle n’ont reçu aucune invitation pour participer à la fête sur une grande scène et nous avions tous le goût de faire bouger les choses. Ce qui ne nous empêche pas de respecter le caractère pluraliste de la fête nationale et toutes les initiatives.

Sachez, Madame Petrowski, que nous n’accepterons jamais d’être associés aux néolibéraux et à quelque mouvance de droite. Vous avez commis une grave erreur en vous attaquant à une bande d’artistes qui comptent parmi les plus créatifs, les plus intelligents et les plus articulés de la nouvelle génération, au moment où certains de vos collègues déplorent l’insignifiance d’une partie de la chanson québécoise et son manque d’engagement.

Pour notre part, nous menons nos affaires avec honnêteté, passion et un grand goût de l’aventure depuis 10 ans déjà. Nous avons la chance de travailler avec des auteurs-compositeurs, musiciens et interprètes brillants, respectés et audacieux. Nous offrons au public ce que nous croyons être une belle diversité de talents et de productions culturellement significatives. Nous prenons des risques, nous mettons en avant des idées, et cela, nous le ferons de plus en plus intensément, toujours. Pour que vivent la musique et le spectacle vivants, par amour et respect pour les artistes, les spectateurs, la culture québécoise. Parce que nous croyons que la chanson peut contribuer à changer le monde!