Grandes gueules

Les Zapartistes et la Fête Nationale

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Madame Petrowski,

Votre acharnement à descendre la St-Jean manifestive proposée par les Cowboys Fringants et leurs amis a quelque chose de pathétique. Faire un papier pour analyser un évènement auquel vous n’avez même pas assisté démontre votre absence de professionnalisme. Votre idée était déjà faite. Vous n’avez ainsi récolté que les échos et les informations qui vous convenaient, sans même vérifier les faits à propos du prix des billets, de la présence de commanditaires (il n’y en avait aucun!) et des différents règlements.

Vous révélez, du haut de votre grande perspicacité, que Jean Charest a de quoi être fier de cette St-Jean PPP. Et d’emblée, vous présumez que l’ironie de la chose avait certainement dû échapper aux naïves jeunes personnes qui y participaient. Or, pendant un de nos numéros, nous faisions dire exactement ça au personnage de Jean Charest. Sauf que c’était une blague pour souligner le côté sournois et récupérateur de Jean Charest. En vérité, cette St-Jean n’était pas un PPP puisqu’elle n’a bénéficié d’aucune injection de fonds publics. Elle était donc juste privée.

Selon vous, ce serait un crime pour des artistes et des producteurs de se soustraire à l’impératif de gratuité pour un spectacle de la St-Jean. Qu’il doive y avoir des spectacles gratuits, c’est incontestable. De là à interdire toute initiative hors des subventions, il y a un énorme pas. On parle ici d’un spectacle. On ne parle pas de soins de santé, d’éducation ou de distribution d’eau. Faudrait se calmer le pompon du patriote un peu. Surtout que, de votre part, l’argument semble plutôt hypocrite.

Et puis, il y a un autre fait que vous ne mentionnez pas. Ni les Cowboys Fringants, ni Loco Locass, ni les Zapartistes n’avaient été invités à faire partie du spectacle officiel de la St-Jean. Aurions-nous dû nous croiser les bras et nous dire qu’on n’était pas assez "big"? Le succès du spectacle, même payant, a pourtant clairement démontré le contraire. Le vrai problème, c’est que la St-Jean rassembleuse et ouverte à tous peu importe leur âge et leurs goûts musicaux dont vous parlez, l’officielle, ne pouvait pas se permettre d’inviter certains des groupes qui rejoignent le plus les jeunes. Au lieu de chiâler, nous nous sommes pris en main. La sacrée gratuité est brisée. Pourtant, il y a longtemps que les commanditaires et la télé sont venus imposer leur ton et leur rythme aux spectacles de la St-Jean et personne n’a rien dit. Or qu’est-ce qu’il y a de pire: de devoir payer son billet ou de voir un gros logo commercial à côté du drapeau du Québec? Les artistes présents à cette St-Jean fringante et loquace avaient à coeur de dire ce qu’ils pensent et d’en assumer toute la responsabilité.

C’était même un devoir de le faire. Parce que la chanson de l’heure, Libérez-nous des Libéraux, n’aurait pas pu être chantée dans un spectacle subventionné. Aurait-il fallu la taire, au moment même où elle est la plus pertinente et la plus percutante? Ou aurait-il fallu téter des subventions pour se faire accuser ensuite de faire comme tous ces crosseurs de la commission Gomery qui se sont rempli les poches de l’argent des contribuables pour promouvoir une idée politique? Damned if you do, damned if you don’t…

Ah ! qu’elle était belle et libre votre St-Jean sur le Mont-Royal! C’était gratuit et il n’y avait pas de règlements tatillons. Mais savez-vous que c’est justement à cause du bordel et de la destruction de l’environnement causés par cette célèbre St-Jean que plus aucun autre spectacle d’envergure n’y a été autorisé depuis? Beau symbole. Une génération chie dans le lac des Castors et accuse la suivante de ne pas oser plonger.

En fait, se pourrait-il que ce qui vous agace, c’est que cette nouvelle génération soit précisément pourvue des qualités qui ont manqué à la vôtre? Prudente, responsable, pas dogmatique tout en étant socialement conscientisée, festive et ouverte. Tout n’était pas parfait à cette St-Jean. Mais peut-on au moins avoir l’honnêteté de reconnaître que le phénomène qui s’exprimait là n’en était pas un de bête mercantilisme? Peut-on souligner qu’il n’y avait aucune commandite pour polluer ou censurer les propos? Peut-on souligner les différentes causes sociales et environnementales qui ont bénéficié d’une part de l’argent et d’une importante visibilité sur le site? Peut-on au moins noter, à l’heure où les bien-pensants se désolent de notre américanisation, que 25 000 jeunes se sont réunis pour un spectacle tout en français?

Vous faites aussi une allusion condescendante au fait que plusieurs des jeunes présents à cette St-Jean se soient faits payer leurs billets par leurs parents. Fort possible. Mais si on calcule tout ce que votre génération se sera fait payer par ses enfants, pas sûr que ça balance…

Tout ce que cette St-Jean a eu de PPP, c’est qu’elle n’était Pas Pour Petrowski. Dommage pour vous. Tant mieux pour nous.

Les Zapartistes