Grandes gueules

Dieudonné et les habits de clown de la haine

"Eux, dans une école, il suffit qu’un petit soit traité de sale Juif pour que tout le monde se lève. Pour moi, le sionisme, c’est le sida du judaïsme."

L’Expression, fév. 2005

L’écrivaine Calixte Beyala: "J’ai défendu Dieudonné… et j’avais tort. Il veut nous faire croire à nous les Noirs que les Juifs sont responsables de nos malheurs. Il travestit l’histoire, invente une haine qui n’a pas lieu d’être. Et cela peut marcher auprès de jeunes ignorants…"

Dérapages de la part de certains de ses dénonciateurs. Agression physique par des crétins. Spectacles annulés sous les pressions de furieux qui se croyaient investis d’une croisade à mener. On a fait de Dieudonné une victime, et il s’attire ainsi bien des sympathies. Lâché par la plupart des amis d’hier, le candidat à la présidentielle se la joue façon Coluche; libre à lui.

Mais il bénéficie au Québec d’une auréole de sainteté qui me laisse dubitatif. On ne reviendra pas sur le sketch de l’Israélo-nazi. S’il a seulement dérapé ce soir-là et s’en est excusé, il a depuis remis la table avec des sous-entendus (le sida, invention israélienne? "Je m’interroge") et des arguments comme: "Le président du Sénégal a dit: "Notre peuple ne fait pas la manche" […] C’est la différence avec un peuple qui a bradé l’holocauste, qui a vendu la mort et la souffrance pour monter un pays et gagner de l’argent!"

Ses boutades unidirectionnelles finissent par être nauséabondes.

Une foule de sites Web défendent Dieudo… grand bien lui fasse. Libre à qui que ce soit d’aller voir ses spectacles, cet été. Mais êtes-vous certains de savoir avec qui vous rirez ce soir-là?… et de qui?

Sur l’expression "complot juif": "Je ne prononce pas le mot "juif". Après mes différents procès, j’ai compris qu’il pouvait y avoir interprétation sur ce mot alors que sur "sioniste", il n’y a pas d’interprétation possible." Réponse de P. Tévanian: "Il y a un discours antisémite qui dit "sioniste" à la place de "juif" pour ne pas se faire condamner." – Wikipédia

J’ai vu une captation de Mes excuses pour comprendre comment cet antiraciste que j’ai déjà beaucoup aimé avait pu devenir ce propagateur de haine. Est-ce parce que je suis juif que je ne l’ai pas trouvé drôle mais tristement inquiétant?

Pourquoi n’ai-je capté que ce message haineux alors que le tout-Montréal se bidonnait? Je ne suis pas le seul. Jamel Debouze: "J’ai soutenu Dieudonné dans son combat pour la liberté d’expression, contre les extrémistes et pour les Noirs […]. J’ai compris, depuis, qu’on ne pouvait pas rire de tout avec tout le monde. Il s’est enfermé dans un personnage qu’il n’arrive plus à quitter." "Dieudonné, qui m’a fait pleurer de rire […], se sent mal de la haine qu’il a en lui."

Il se prétend antisioniste, préfère "le charisme de Ben Laden à celui de Bush", affirme être victime d’un complot juif. Il a droit à ses opinions, même les plus étranges. Mais il m’apparaît comme un type dépassé par ses lubies, rancoeurs, paranoïas et par les mythes qu’il se crée… seul au milieu d’une multitude qui lui hurle d’en rajouter une autre louche là où grouillent des bestioles plutôt immondes.

Certains opineront du bonnet à ces dieudonneries en pensant: "C’est vrai que les Juifs contrôlent tout." Ça tient encore d’une opinion que Sartre qualifiait de délit. À vous de voir. Je me fous de ce que Dieudonné pense. Ce qui me désole et m’inquiète, c’est qu’on applaudisse ce triste sire, sans états d’âme.

DIEUDONNÉ DANS LE TEXTE, ET COMMENTAIRES

"[] le lobby juif déteste les Noirs! [] le Noir dans l’inconscient collectif porte la souffrance, le lobby juif ne le supporte pas… c’est leur business! Maintenant, il suffit de relever sa manche pour montrer son numéro et avoir droit à la reconnaissance… " Blackmap.com, 2003.

"Dans ces ligues juives, ce sont tous des négriers reconvertis dans la banque, le spectacle et aujourd’hui l’action terroriste qui manifestent leur soutien à la politique d’Ariel Sharon. Ceux qui m’attaquent ont fondé des empires et des fortunes sur la traite des Noirs et l’esclavage […]." Journal du dimanche, 2004.

"La population juive n’aime pas que je dénonce certaines de leurs manipulations médiatiques […]. Il n’y a pas d’antisémitisme en France […]. D’où viennent ces pressions, si ce n’est de ces gens que j’accuse d’avoir organisé un lobby puissant et d’avoir la main basse sur tous les médias?" The Source, 2004.

"[] le pouvoir sioniste en France va jusqu’à priver une partie de la population du devoir de la mémoire. Les Juifs ont souffert moins que les Noirs. On ne parle que des chambres à gaz, mais les Noirs ont été jetés vivants à la mer." L’Écho d’Oran, fév. 2005.

Élie Semoun, son ancien partenaire de scène: "[…] si, aujourd’hui, en France, certains peuvent être antisémites sans complexe, il y contribue […] il embobine tout le monde: il parle d’un complot contre lui, il se fait passer pour un martyr, mais je peux vous assurer qu’en fait il est très heureux. Toute cette affaire fait parler de lui et sert ses propres intérêts."

À vous de juger.