Quels sentiments la rentrée littéraire vous inspire-t-elle? Appartenez-vous à cette race de monde qui attend, chaque automne, l'OEuvre susceptible de renouveler la littérature occidentale? Espérez-vous le Grand Roman Américain, le petit scandale, le golden boy de service?
Pour les journalistes culturels, la rentrée se manifeste avant tout par une déferlante de communiqués de presse.
Ces documents affluent au cours de l'été, d'abord par enveloppe ou par courriel, puis, au fur et à mesure qu'approche la rentrée, par camion, wagon et autres citernes. On les déverse dans des trappes immenses, pareilles en tout point à ces glissoires qui menaient jadis le charbon à la chambre des machines, mais qui aboutissent désormais au bureau du chef de pupitre.
Là, une armée de journalistes trie et triture cette masse d'information avec des ferveurs suspectes. Tout le monde espère mettre la patte sur le prochain chef-d'oeuvre. On étudie les communiqués dans leurs moindres détails. On corrobore les potins, on lit entre les lignes, on compare, on quantifie.
Le communiqué de presse est un genre littéraire fascinant. Il présente les mêmes difficultés qu'un sonnet en alexandrins. Impitoyablement bref et strictement codifié, sa rédaction tient du paradoxe: on doit y instiller une impression de nouveauté sans déroger à la grammaire familière.
Or, cette grammaire est d'une austérité désarmante. Le rédacteur doit choisir parmi un petit nombre d'éléments classiques tels que le résumé, la biographie de l'auteur, l'intérêt du livre dans le contexte actuel, les détails matériels. Règle générale, la litanie se clôt sur le houmph.
Le houmph, c'est la phrase où l'éditeur qualifie le livre.
Véritable hallali, il doit synthétiser l'âme du bouquin, sa raison d'être, son souffle vital – et tout ça doit tenir en une seule phrase, aussi séduisante que possible. (Le houmph en deux phrases est à déconseiller: il émousse l'enthousiasme.)
Accomplir ce tour de force est autrement plus difficile que d'allumer un feu de camp, aussi la plupart des éditeurs se munissent-ils de la gazoline émotive: l'adjectif.
Voulez-vous lire une histoire surprenante, bouleversante, émouvante, explosive (voire cataclysmique), hilarante, humaine, inspirante, palpitante, percutante, cauchemardesque, terrifiante ou picaresque? Le communiqué de presse tire les choses au clair.
L'exercice ne se limite pas toujours au récit: il importe aussi de décrire l'écrivain! L'animal est-il attachant, brillant, cynique, énigmatique, fondamental, inouï, inspirant, intelligent, intrigant, jubilatoire, lucide, majeur, inconnu, obstiné, remarquable ou sensible? Sa plume est-elle acerbe, décapante, sobre, vive, incisive, viscérale, efficace, intelligente, jubilatoire, lumineuse, maîtrisée ou tout bonnement vertigineuse?
Quant au livre, il est toujours luxueux, superbe et écologique.
Parfois, l'éditeur hésite. Il sait que l'ensemble de son catalogue ne passera pas à l'histoire. On le surprend alors à nuancer le superlatif. Je suis tombé sur cet exemple magnifique: la description d'un livre dont le personnage était "plutôt surprenant". Rien de plus émouvant que ce plutôt où perce le doute, voire le scrupule. Ça sent l'humanité.
Ce genre d'écart demeure assez rare. D'habitude, on met toute la sauce, on multiplie les épithètes – et, forcément, cela occasionne quelques doublets. Jetons un coup d'oeil au palmarès des adjectifs les plus populaires.
En troisième position, nous trouvons les "captivant", "fascinant", "stupéfiant" et autres termes tout droit sortis d'un manuel d'hypnose. De grands classiques.
La seconde place revient aux "original", "exceptionnel", "singulier" et "imprévisible". Nous le soupçonnions depuis longtemps, en voici enfin la confirmation: rien n'est plus commun que la rareté.
La palme d'or de l'abus revient à l'adjectif "incontournable", inspiré par ces forains qui vous invitent, pour cinq malheureuses piastres, à remporter un somptueux Harry Potter en peluche.
Décernons une mention honorable à l'adjectif "inattendu", qui m'est tombé sous les yeux à quelques reprises. Si vous attendiez la rentrée de pied ferme, vous êtes autorisé à vous sentir insulté.
En tant qu'écrivain, j'ai appris à me méfier des adjectifs. De la barbe à papa pour l'âme, voilà ce qu'ils sont – et cela nous ramène aux leçons fondamentales: lorsqu'un inconnu baisse le hublot de son Plymouth 79 pour vous offrir une friandise, soyez circonspect.
Je ne lirai plus jamais un quatrième de couverture de la même façon. J’y poserai dorénavant un regard «circonspect».
Les descriptions les plus douteuses sont celles où l’accent est mis sur la profondeur psychologique des personnages. Ce sont les romans où je tourne en rond, m’enfonce et me perd, cherchant l’issue de secours qui m’offrirait une percée salutaire vers l’événement qui n’arrive jamais ou tardivement vers la 300e page. Un peu d’air s.v.p. C’est ce que les quatrièmes de couverture décrivent sans doute de plongée dans l’univers «captivant» des protagonistes.
Il y a aussi des livres qu’une solide réputation propulse au rang de «classiques». Aucun adjectif ne vaut cette renommée mais à qui se fier si l’on veut avoir la primeur des nouveautés, sinon fréquenter les émissions littéraires où se débattent les centaines de nouvelles parutions.
De toute façon, le plus frustrant c’est de n’avoir le temps de lire qu’un infime pourcentage de tout ce qui s’annonce «captivant, fascinant, stupéfiant, original, exceptionnel, singulier et imprévisible».
Mon choix est fait : je désire lire une histoire explosive rédigée par une écrivain jubilatoire à la plume viscérale. Il me semble que l’expérience serait époustouflante. Je dis époustouflante, car je m’inquiète pour son avenir. Son avenir de mot. Il me semble que s’il y a un endroit où il devrait se lire, c’est bien parmi la manne littéraire de la rentrée. Si un jour, la vie m’amène à rédiger un communiqué – 31 – , je saurais comment me distinguer. Pour gagner le concours du bien vu, pour être bien lu.
Ne devrait-on pas plutôt parler du concours de la rentrée ? Qui va gagner ? Tout concours (respectable) se passe pas sous le couvert de l’anonymat. Tandis que celui-ci, bien au contraire, se joue sous le couvert de la réputation. Celle de l’écrivain ou celle de la maison d’édition. Delà, bien sûr, beaucoup de subjectivité nourrie à même de la « gazoline émotive », calibre suprême.
Comment donner la chance au coureur ? Si la course n’est pas gagnée d’avance, il y a tant et tant de coureurs, que le petit maigrichon non charismatique, qui ne sait pas avoir l’air d’un coureur olympique, sera vite relégué aux oubliettes. Ces fameuses oubliettes qui contiennent des génies d’écrivain, en herbe. Qui resteront en herbe, s’il ne trouve pas un trèfle à quatre feuilles.
J’ai appris récemment qu’il y a deux pics dans l’univers de l’édition, c’est la rentrée et avant les Fêtes. Je me questionne sur cette manie de l’homo sapiens dont je suis, d’aimer affluer au même endroit, au même moment. Pourquoi accourir, courir et concourir tous en même temps ?
Je me dis que c’est la faute au 9 à 5. Au 5 à 7 aussi. Au 24 décembre, au 14 février, au 1er juillet. Ce code mathématique qui donne l’injonction de se lever, s’aimer, travailler, déménager en même temps.
Pour le possible réconfort servi par l’oubli que l’on n’est ne nait pas et ne meurt pas, seul.
On rigole, on rigole… Pour placer un mot, pour dire un bon mot, pourvu qu’on ne se retrouve pas à court de mots. Les syllabes se collent ou se repoussent tandis que les petits et les gros mots se toisent ou se croisent, cherchant un sens à toute cette agitation. Voilà. Je n’ai franchement rien dit jusqu’à présent, quoique je suis sûr que l’on pourrait facilement en tirer une signification sentencieuse pour peu qu’on le veuille. C’est que les mots ont une vie propre en plus de celle qu’on leur prête en les utilisant pour meubler nos phrases.
Cela remonte d’ailleurs à bien avant l’avènement du blitz de la rentrée, que celle-ci soit littéraire ou scolaire ou culinaire (une nouvelle venue, celle-là; mon petit grain de sel…). Alphonse Karr (1808-1890), dont je vous citais quelques mots il n’y a pas si longtemps, a par ailleurs jeté un certain éclairage sur cette fascination que pourront exercer les mots: « Beaucoup de gens produisent, en se servant de mots qu’ils ne comprennent guère, un grand effet sur l’esprit d’autres gens qui ne les comprennent pas ».
Et vous, cher monsieur Dickner, je vous imagine fort bien dans une de ces kermesses festives, planté là à côté du stand de barbe à papa, à jongler avec un air détaché, faisant virevolter d’une main à l’autre des mots venus de partout et de toutes allégeances. Des mots qui en profitent pour se faire voir à défaut de se faire comprendre. Je vous aperçois avec cette allure insouciante des jours heureux, toute souvenance de votre bureau exponentiel ayant commodément été reléguée dans l’ombre d’un recoin perdu, affichant cette mine presque Lagaffienne et…
Driiing! Qu’est-ce que c’est? Driiing! Non, ce n’est pas le courrier en retard. Plutôt, c’est le chef de pupitre… Et que veut-il, cette fois? Surtout qu’il a cet air courroucé qu’on reconnaît à son front bien plissé. Ce qu’il veut? Savoir qui a déposé toute cette barbe à papa sur son bureau. Vous le savez, vous, monsieur Dickner? Hum?
Génial ! Tout vient du génie, n’est-ce pas? Et ce mot se retrouve dans la description de nouveaux ouvrages,. moins littéraires et de nature plus informative, j’en conviens. Néanmoins, très utilisé.
Génial votre article!
Les critiques orientent nos lectures et nos favoris. Comme ils peuvent mitrailler un dernier-né et lui enlever tout intérêt pour la population. Mais outre ces banquises, certains icebergs percent à travers les marées et nous atteignent directement, sans entremise. Plutôt rare, mais quand-même possible, ce livre chanceux finira par être critiqué et souvent qualifié de populaire et sans distinction.
La machine de la publicité a tracé des avenues, dont les maîtres savent promouvoir et mousser les ventes de leurs protégés à travers tous ces dédales. Da Vinci code, Putain et bien d’autres, ont su charmer et dépasser les critiques. Semble-t-il que Da Vinci code se veut très mal écrit, mais je n’ai pu le constater, ne l’ayant pas lu. Et pourtant il est quand-même devenu un Best seller.
Comme nous sommes aussi dans la saison pour la récolte des tomates, plusieurs critiques ou journalistes culturels se verront attribuer certaines envolées de ces dernières. Ne touchez pas à mon fils! Et tout ce beau monde se retrouvera aux premières loges pour vanter leurs trouvailles, que nous pourrons post-évaluer après sélection. La saison des fleurs s’achève.
Cher Dickner, comme votre chronique a réussi à piquer ma curiosité, je me suis dit : « est-ce que le constat de Dickner vaut pour son propre livre ? » Il semble bien que oui ! Sur le site des éditions Alto, s’agissant de Nikolski, nous pouvons lire : « Toute nos félicitations à l’auteur pour ce succès inespéré et inattendu. » Il est vrai qu’après trois prix littéraires c’était facile de le constater…
Pour ma part, je me suis aussi intéressé à la critique du livre. J’ai découvert que la critique, comme le communiqué de presse, déborde aussi adjectifs.
Dans la revue de presse que nous retrouvons aussi sur le site de la maison d’éditions Alto, s’agissant de vous nous retrouvons les qualificatifs suivants :
– imaginaire sans bornes ;
– une plume inventive ;
– d’un homme de 33 ans à l’esprit inventif !
– Il a un immense talent de fabuliste, cet auteur ;
– Etc.
Qualifiant votre oeuvre, nous retrouvons :
– fantasmagorique, vivant et fascinant ;
– écriture forte et très imagée ;
– L’humour est cinglant. Le regard, foudroyant ;
– Fantaisiste et grave sans jamais s’appesantire.
Beaucoup de commentaires élogieux, à juste titre d’ailleurs ! Comme je ne voudrais pas ajouter d’autres qualificatifs de mon cru à cette liste déjà élogieuse, je me limiterai à vous féliciter de ne pas avoir produit un livre qui soit « de la barba à papa pour l’âme » !
Bon,je vais devoir sortir ma boîte de papier mouchoirs…La « manne » de la rentrée qui me tombe dessus…et mes symptômes d’allergie qui vont se déclarer.Il y en a qui ont le rhume des foins,moi j’ai le rhume des adjectifs;plus c’est fascinant et stupéfiant et plus mes yeux larmoient.Si c’est captivant et/ou exceptionnel,mon nez s’enchifrène et si c’est incontourna-ble…alors là c’est le mal de tête assuré.En fait,j’ai le tournis devant tous ces manèges sur lesquels on veut me faire monter.Un vrai cirque ma parole!Par ici mesdames,messieurs!Voici LE livre du siècle…Non,non!C’est celui-ci,regardez,il a gagné un prix…Oui mais ce prix là est mieux que l’autre qui n’est qu’un prix de consolation…
Chercher à faire le tri c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin.C’est là à mon avis que le travail du critique prend tout son sens.Si l’éditeur cherche à placer son poulain,c’est le critique qui peut nous indiquer s’il a des chances de se rendre au fil d’arrivée i.e à l’esprit du lecteur.Cependant,tous les goûts sont dans la nature et c’est en fin de compte à nous lecteurs de choisir selon nos priorités LE livre qui retiendra notre attention. Personnellement,je suis par exemple sensible à la pertinence du sujet,ensuite aux titres et… malheureusement pour certains éditeurs:aux prix.Même si j’ai un coup de coeur,je suis capable d’attendre des mois afin de retrouver le titre en question soit en bibliothèque,soit dans une librairie de livres usagers.
Et puis,mieux que n’importe quelle publicité,il y a le bouche à oreille qui peut faire sortir une oeuvre de son anonymat sans que l’éditeur y soit pour quelque chose.Certains des auteurs avec lesquels je suis devenue amie m’ont été présentés …par des ami(e)s.
Hélas, la publicité est partout. Hélas! Elle est ignoble, insignifiante, intelligente parfois, hilarante, intolérante, raccoleuse, raciste, menteuse, hypocrite, mais extrêmement serviable. Elle nécessite le discernement. Elle interpelle, elle appelle, elle pèle, parfois même pète-t-elle.
Mais la littérature avec une grand L n’est-elle pas elle-même constituée en grande partie d’une infinité d’adjectifs ? Il est vrai que selon les genres, on les emploie plus ou moins. Selon les styles aussi.
Il reste que, de toute façon, la rentrée littéraire automnale est de loin la plus intéressante.
Vive les livres ! Vive les adjectifs ! Vive votre chronique!
La littérature n’y échappe pas, elle fait bien partie du « merveilleux » monde de la consommation et de son « incontournable » jargon de marketing/publicitaire… avec l’utilisation abusive de phrases plus ou moins réussies dont on espère attirer l’attention de lecteurs en mal de belle littérature ou tout simplement en quête d’une bonne histoire.
Je n’ai pas de statistiques en tête, mais le nombre de bouquins lancés à chaque automne est sûrement très élevé, assez pour en étonner plusieurs et assez pour décourager tout écrivain en herbe… Mais la quantité n’étant pas synonyme de qualité, c’est là que le soutien d’une campagne promotionnelle orchestrée avec soin, incluant l’envoi de communiqués bien tournés, peut aider tout bouquin à tirer son épingle du jeu du bruit publicitaire ambiant.
Mais il ne faut pas surtout pas oublier l’importance du bouche à oreille, et sur les passionnés de littérature qui, comme moi, aime flâner dans les librairies et qui, par curiosité, prenne un livre au hasard et lit un passage ou deux passages. Car après tout, ce n’est ni publicité ni les mille et un qualificatifs attribués à un livre qui en fera son succès, c’est son contenu… Encore faut-il qu’il se fasse connaître !
On aura beau se moquer, il n’est certainement pas aisé de résumer en quelques mots l’essence d’un roman ?
Le marché du livre ne l’a jamais eu facile. C’est encore pire aujourd’hui qu’hier, alors qu’à l’ère de l’instantané, attendre l’ascenseur nous apparaît comme une perte de temps inqualifiable et où on parvient même à trouver Internet trop lent. Prendre le temps de lire constitue donc un geste volontaire, à contre-courant, qui implique une patience rare.
De son côté, l’éditeur est un homme d’affaire. S’il ne vend pas de livres, il n’a qu’à fermer boutique. Combien d’écrivains talentueux en souffriraient ? On peut dénoncer, ridiculiser la maladroite et réductrice tentative qui consiste à qualifier un roman ou son auteur. Il n’en demeure pas moins que c’est encore la jaquette et son bref contenu qui attire l’oeil à prime abord. Et quoi qu’on y inscrive, il s’en trouvera toujours plusieurs, bien habiles pour critiquer sans avoir mieux à suggérer.
Le texte écrit sur la couverture arrière des romans a souvent sur moi l’effet contraire à celui recherché: à plusieurs reprises, il me détourne de la lecture de l’ouvrage plutôt que de m’y inciter.
Parfois, je suis étonné de lire un résumé de ce genre: « John Smith fut surpris du coup de téléphone de Jane Doe, l’épouse de son collègue Arthur Carpenter, qui lui révéla que la soeur de celle-ci, Joanna Lester, était à sa recherche. Pendant ce temps, Bill Baxter traversait la forêt amazonienne dans le but de … ». Quel casse-tête, quel fouillis de personnages désincarnés. Je laisse évidemment le livre sur les rayons à tout coup.
Autre exemple: « (…) et c’est ainsi que les soupçons qui pesaient depuis le début sur l’homme d’affaires furent écartés pour se porter sur (…) ». Et voilà, on connaît un rebondissement que l’on aurait dû apprendre au milieu de l’histoire après 200 pages.
Livre suivant. On lit qu’un auteur très connu le recommande. « Chose Machin considère cet écrivain comme le meilleur de sa génération » ou bien « Chose Machin considère ce roman comme un des meilleurs depuis longtemps ». Il me semble que si on veut lire un livre qui ressemble à ceux de Chose Machin, autant opter pour l’original plutôt que pour une copie.
Il est aussi inquiétant d’apprendre en consultant une autre couverture arrière que l’auteur dont c’est le premier ouvrage est un spécialiste dans un domaine précis: milieu financier, milieu carcéral, milieu artistique, etc… On se dit qu’il aurait probablement pu faire un bon conseiller technique, mais est-ce vraiment un écrivain ?
Non vraiment, à ce sujet, le proverbe célèbre est de mise: »La parole est d’argent mais le silence est d’or ». Une page vierge de tout commentaire serait souvent plus efficace qu’une publicité laborieuse ou tape-à-l’oeil. Même l’utilisation des banalités et des mots fourre-tout dont vous faites mention, M. Dickner, serait préférable.
Je pense que les éditeurs pourraient aller plus loin encore, si certains de leurs auteurs en ont envie évidemment. C’est important les superlatifs, mais un livre peut demeurer inconnu longtemps si son auteur ne se démarque pas encore plus des autres. Si on veut être lu et pas oublié tout de suite après, ça prend du talent… et surtout, beaucoup d’innovation. Il faut créer l’événement pour que le lecteur sente qu’il se passe quelque chose de vraiment unique.
Moi, si je publiais par exemple un livre d’horreur un jour, j’irais faire le lancement à la Maison Hantée. Il y aurait un décor vampirique et je demanderais aux gens de se déguiser en monstres. Je pourrais même faire une mini-pièce de théâtre avec du faux sang et sous une forme interactive avec les lecteurs, offrir aux invités des amuse-gueules originaux en forme d’araignées, sortir d’un cercueil pour lire mon texte, etc. Et dans les librairies, mon livre serait enrubanné comme une momie ! Ainsi, mon livre aurait toute l’attention voulue. Gaston Gallimard avait fait quelque chose de semblable pour Simenon lors du lancement de son premier livre et ça l’a mené très loin.
Certains écrivains préfèrent plus de sobriété et c’est leur droit. D’autres ont une personnalité plus excentrique, comme moi. À chacun de trouver sa façon de rejoindre son lecteur.
Quand je décide de m’intéresser à l’oeuvre romanesque ou autre d’un artiste ou d’une vedette littéraire encore vivante, ce ne sont pas les adjectifs superfétatoires qu’on accole à ces auteur(e)s qui m’intéresse, mais le contenu de leur oeuvre, ou de leur imaginaire dans le cas des livres de fiction.
Il est vrai qu’il est plus facile de s’intéresser aux oeuvres du passé, des auteurs décédés depuis des décennies, sinon des siècles, car elles ont très bien traversé le temps et les espaces: qu’on ne pense qu’à Homère et son Odyssée, aux fables de Jean de Lafontaine, aux Mousquetaires et à la Marguerite d’Alexandre Dumas, à Victor Hugo et son Qiasimodo, entre autres. Comment déterminer qui de nos auteurs contemporains auront la chance de traverser les océans et les siècles?
J’avoue ne pas m’intéresser assez à la littérature actuelle, mais quand on me fait connaître l’univers d’un auteur et que cet univers m’interpelle, je suis prêt à lui laisser la chance de me convaincre. Un roman ne doit pas m’éblouir, mais me faire vivre des émotions (rire, sourire, même pleurer) et / ou se rendre à mes tripes afin de leur donner leur dose de chambardements. Racontez-nous de bonnes histoires!
Momo déménage. Aux éditions Caractère. André Montmorency.
Paru l`an dernier, je vais faire attention aux adjectifs que je vais choisir pour vous recommander chaleureusement cette fausse autobiographie aux airs de Plateau Mont-Royal.
Ce petit ouvrage se lit d`un trait, se veut très descriptif et des lieux, et des personnages, et des aventures, et des hauts et des très bas qui font et ont fait le quotidien de cet artiste comédien, auteur, metteur en scène, peintre et d`abord et avant tout un très bon vivant aux ambitions un peu démesurées.
Montréalaise d`origine, j`ai bien aimé ce livre qui raconte, à partir des maisons qu`il a achetées, la vie d`André Montmorency. Très drôles, certains passages m`ont fait pousser des éclats de rires.
Alors bien qu`ìl ne soit pas dans la cuvée automne 2006, bien que je ne puisse le qualifier d`incontournable, d`édifiant, de surprenant, d`innattendu…..Je suis convaincu qu`il plaira à plusieurs lecteurs aimant les bons divertissements littéraires comparables à la traditionnelle tarte aux pommes dont on ne se lasse jamais.