L'histoire débute dans un salon du livre, le printemps dernier, à l'heure des 5 à 7. Cocktails, canapés, propos mondains. Frivole comme toujours, je discute avec une collègue de la proverbiale difficulté de gagner sa vie en tant qu'écrivain.
– Pas facile de tenir le coup, renchérit-elle. Faut publier souvent. L'idéal, c'est d'écrire pour le cinéma ou la télé. Ça permet de gagner sa vie entre deux romans.
Puis, sur le ton de la confidence:
– Veux-tu connaître le secret? Faut pas faire d'enfants!
Ne pas faire d'enfants? Ma foi, la chose semble aller de soi. En fait, ce secret pourrait être classé parmi les pré-requis du métier. Conseil no 1 du Guide de survie à l'intention des écrivains: "La procréation, tu éviteras."
L'idée est si naturelle qu'elle en devient suspecte.
Existe-t-il des études scientifiques sur la question? L'écrivain a été abondamment décortiqué, après tout. On a analysé ses influences, ses revenus, ses habitudes de lecture, son alcoolémie, la pointure de ses sandales. Mais que sait-on des conjonctures familiales de la littérature?
J'ai fait une petite recherche en compagnie de ma sociologue préférée. Résultat: le néant. Nous n'avons trouvé aucune étude sur le sujet, ni à l'Institut de la statistique du Québec, ni à l'Observatoire de la culture, ni à Statistique Canada, ni dans les divers conseils des arts.
Nous sommes autorisés à croire que les écrivains se reproduisent autant que les plombiers, les diplomates ou les hôtesses de l'air. Évidemment, on ne s'intéresse qu'à l'archétype: l'écrivain plutôt célibataire, parfois misanthrope, souvent caféinomane, et qui a épousé la cause littéraire. L'image nous parvient de loin, elle est atavique. Les services de promotion l'ont abondamment reprise, ce qui n'arrange rien.
Pourquoi croit-on si compliqué de combiner la carrière d'écrivain et la vie familiale?
Mettons ceci au clair: la première erreur consiste à vouloir être écrivain. Dois-je vous rappeler qu'un roman qui se vend bien, au Québec, tire à 5000 copies? À ce compte, l'auteur empoche environ 10 000 $. Divisez par le temps nécessaire pour écrire le bouquin, soustrayez le coût du loyer qui ne cesse de grimper, la facture d'épicerie, les honoraires du comptable… Bon, je vous laisse faire l'arithmétique vous-même.
Chaque enfant ajoute un degré de difficulté à l'aventure, c'est indiscutable. Mais si on commence à tenir l'inventaire de tous les obstacles, on ne s'en sortira tout simplement pas. En ce qui me concerne, la liste s'étire à n'en plus finir. Je suis paresseux, procrastinateur et incapable de fonctionner avec moins de huit heures de sommeil quotidien et une petite sieste en après-midi. Je souffre de perfectionnisme. Je me prends les pieds dans les fleurs du tapis. Je me ronge les ongles.
Je n'en suis plus à une contrainte près.
De toute manière, que deviendrait l'écrivain sans contraintes? Il tournerait en rond, il se gratterait le cuir chevelu, il fixerait l'horizon. Il dépérirait, voilà tout, comme le malheureux cochon d'Inde laissé à lui-même.
Certains créateurs l'ont compris depuis longtemps: ils ont entrepris de multiplier les obstacles plutôt que de les éliminer. Parmi eux, on compte les oulipiens – ces "rats qui construisent eux-mêmes le labyrinthe dont ils se proposent de sortir", selon l'expression de Raymond Queneau. Ces gens affirment que la contrainte stimule la création. Autrement dit: l'écrivain ne gagne rien à se simplifier la vie.
Fonder une famille serait-il un procédé oulipien?
Chose certaine, les oulipiens ne forment qu'un groupuscule, pas même un mouvement. Notre époque ne sait trop quoi faire des contraintes. Le discours ambiant valorise plutôt la liberté: les créateurs doivent vivre sans entraves, gambader dans le foin, butiner où bon leur semble.
On a presque l'impression que, pour un écrivain, fonder une famille constitue un acte irresponsable, dissident et contre nature. Une erreur de navigation.
Moi qui ai toujours déploré d'être trop conformiste, voici enfin ma chance de transgresser quelque chose. Je m'absenterai donc trois semaines, le temps de déclencher ma petite révolution personnelle.
Je veux bien croire, lorsque je lis quelque chose d’aussi magistralement écrit que « Cyrano de Bergerac » d’Edmond Rostand, que que bien des écrivains prisent la contrainte féconde. Et c’est bien tant mieux pour nous, lecteurs, car il est délectable de lire et relire les alexandrins spirituels de ce personnage « orgueilleux de l’apendice » (gare à vous, espris mal tournés).
Toutefois, il existe tout aussi bien de fort jolies oeuvres rédigées dans un style plus libre. Les poèmes de Prévert en font partie. Il ne s’adressent pas qu’à l’élite intellectuelle de la société, sont frais, charmants et pleins d’esprit eux aussi. Chez Jacques Prévert, le thème de l’enfance est récurrent. À noter qu’il a eu une fille.
Voici d’aileurs mon préféré :
LE CHAT ET L’OISEAU
Un village écoute désolé
Le chant d’un oiseau blessé
C’est le seul oiseau du village
Et c’est le seul chat du village
Qui l’a à moitié dévoré
Et l’oiseau cesse de chanter
Le chat cesse de ronronner
Et de se lécher le museau
Et le village fait à l’oiseau
De merveilleuses funérailles
Et le chat qui est invité
Marche derrière le petit cercueil de paille
Où l’oiseau mort est allongé
Porté par une petite fille
Qui n’arrête pas de pleurer
Si j’avais su que cela te fasse tant de peine
Lui dit le chat
Je l’aurais mangé tout entier
Et puis je t’aurais raconté
Que je l’avais vu s’envoler
S’envoler jusqu’au bout du monde
Là-bas où c’est tellement loin
Que jamais on en revient
Tu aurais eu moins de chagrin
Simplement de la tristesse et des regrets
Il ne faut jamais faire les choses à moitié.
Merveilleux, comme toujours, ce Dickner.
Comment peux-on faire le lien entre une carrière artistique et une famille si l’on ne se nomme pas Céline Dion ou Michel Tremblay (ok, mauvais exemple…)?? Alors là, je n’ai que 20 ans, encore étudiante en musique, et cet aspect me tourmente déjà.
Je ne peux vivre sans la musique et je sens en mon sein que je ne me sentirai pas complète sans avoir enfanté. Alors quoi? Vivre avec 30 000 $ par année (à deux) ainsi qu’avec cette peur omniprésente de manquer d’argent? Car on me le répète assez souvent, les enfants ça prend ton temps et ton argent! Alors continue d’avaler ta belle petite pilule rose à chaque matin pour que l’on puisse tous dormir sur nos deux oreilles…
Déprimant.
Mais comme vous, je sens que ces contraintes deviendront un facteur positif en bout de ligne.
Je peux vous donner le numéro de mon chum?? Je crois que vous pourriez le convaincre…
Vous aimez les romans policiers…Vous adorerez celui-ci. Début un meurtre d’une jeune fille et qui s’avère par la suite une série de meurtres de jeunes filles catholiques. Nouvelle affectation pour la policière Jessica qui est assigné avec un policier d’expérience Byrne. C’est à eux qu’est confié l’enquête…Lorsque nous croyons connaître le meurtrier et que nous allons apprendre les raisons de son délire…l’auteur nous amène alors vers une autre piste…il nous captive…Bon livre… Vous n’aimerez plus les temps maussades comme présentement (automne avec sa pluie froide et le vent).Dieu merci les bons gagnent tout le temps…
L’écivrain devrait justement faire des enfants pour être plus prolifique!
Ainsi, avec des enfants, le temps consacré à l’écriture est considérablement réduit. L’écrivain écrit lorsque l’enfant fait sa sieste ou sa nuit. Fini la procrastination, les heures devant l’ordinateur à attendre l’inspiration!
Par contre, être inspiré à des heures précises est-ce possible? D’où la difficulté de prendre cette décision qui changera à jamais la vie de l’écrivain. Enfants: Oui ou non?
À chacun sa décision.
Les écrivains sont-ils bien différents du reste de la population? Entretenir le cliché de l’écrivain se bourrant d’hallucinogènes pour nourrir sa créativité est du même ordre que d’entretenir le cliché de l’écrivain sans le sou qui se nourrit du bon vouloir de son entourage qui l’invite à souper moyennant de beaux discours érudits de l’écrivain en question.
Mais si on compare la situation de l’écrivain avec celui de la mère monoparentale avec un, deux ou trois enfants et vivant de l’aide sociale, sa condition est-elle vraiment pire? Ou si on la compare avec un comédien qui se tape 100 heures de répétition et qui joue 15 représentations du show à 125$-200$, ça ne revient pas à un grand salaire de l’heure. Ou si on compare à ce couple avec ou sans enfant qui occupe, elle un emploi dans un entrepôt et lui dans le milieu de la restauration. Il est préférable qu’ils soient créatifs en fin de mois parce que pour la boucler, il faudra plus que de savantes économies.
Les écrivains, comme tous les artistes de divers métiers, sont sous-payés. Pour un Michel Tremblay, il y a 500 Nicolas Dickner. Pour un Patrick Huard, il y a 500 Marc Béland. On sait que la rémunération n’est pas toujours proportionnel au talent de l’artiste. Mais il ne faut pas oublier que cette situation n’est pas unique aux arts. Pour enrayer la pauvreté, il faut soutenir les artistes davantage que lorsqu’ils affichent un beau succès à Las Vegas. Mais il faut aussi soutenir les femmes qui restent les plus pauvres dans nos sociétés. Il faut aussi soutenir les enfants qui sont souvent les premières victimes de cette pauvreté. Et il faut se rappeler que d’avoir un enfant ne peut se résumer à une question de chiffres. Parce qu’à ce compte, je ne connais pas beaucoup de gens qui pourraient se le permettre.
Si nous faisons des choix sociaux pour combattre la pauvreté, il y aura automatiquement plus de consommateurs de livres. Parce qu’il faut bien manger avant de penser s’acheter un livre.
Malheureusement, au Québec, qui peut vivre, de sa plume? Quelque uns, que l’on peut, compter peut-être, bien sur les doigts de la même main? Est-ce, que j’exagère? Disons, sur les dix doigts, des deux mains? Là certes, c’est plus convenable! Et, que font les autres alors? Travaillent-t-ils à mi-temps, ailleurs? Sont-ils alors écrivains à mi-temps aussi? J’irai, encore plus loin. J’ose affirmer, que plusieurs grands talents, finissent par se décourager! Ils publient, une fois ou deux…puis, ils passent, à autre chose, de…comment dire, plus sécuritaire! Effectivement, un bon 50% à l’éditeur, 40% au libraire, et le reste…cela dépendra des clauses! Admettez, qu’il y a de quoi, à décourage, le plus génial des littéraires, n’est ce pas? Non! Détrompez-vous! La passion l’emportera, tôt ou tard… Quitte, à publier, sous une forme de prostitution… je m’explique! Passer, par le style commercial, juste pour plaire, publier sous un pseudonyme… toujours pour plaire! Et vlan! Voilà, que le réel «être-en-soi», sort de sa tanière, pour laisser éclater au grand jour, sa véritable vision! C’est un choix à risquer… Que voulez-vous : «Monsieur Dickner», nous avons un bassin de population, trop peu élevé, mais cela vous le savez, encore mieux que nous tous réunis! Tant, qu’à la possibilité, de fonder une famille… Cela, fait encore partie, des droits intimes du couple, dont personne, n’a aucune justification à y faire! Somme toute, vous avez trouvez, un excellent moyen, de nous délier la langue et l’écriture? Bravo : c’est gagné!!!
Monsieur Dickner, j’aime vous lire. Et cette semaine vos questionnements, mi-angoissés mi-ironiques, sur les dangers d’une progéniture envers la production créative m’a fait grandement sourire. Ce qui a soulevé en moi cette question : c’est pour quand votre prochain roman ? Parce que vous pourriez joindre l’utile à l’agréable et tout en mettant en chantier une petite famille, vous pourriez finaliser un roman.
Pensez aux bons côtés d’une telle aventure, déjà le fait de vouloir procréer ajoute du piquant à une relation et nourrit l’imaginaire d’un écrivain, devenir papa ! Il y a les séances à l’horizontal qui se font plus nombreuses et certains couples doivent essayer plusieurs fois avant de tomber enceints, encore du temps pour écrire… Ah et que faites-vous de toutes les nouvelles anecdoctes qui s’ajouteront aux conversations avec la blonde, la famille, les amis. Ceci évidemment si vous lâchez le morceau et annoncez le projet avant concrétisation. Vous aurez alors un éventail de nouveaux dialogues succulents, attendrissants, mais parfois exaspérants sur les joies d’être parent, les quoi faire et comment faire pour ne pas passer à côté du bateau. Ironiquement savoureux. Mais bon, une fois la fusion du spermato et de l’ovule réussie, que le test de la pharmacie tourne à la bonne couleur attestant qu’un mignon bébé est bien ancré dans le ventre de votre amoureuse, ben, il faudra attendre neuf mois avant de lui voir la binette.
Neuf mois, c’est long… vous aurez ainsi amplement le temps d’avancer votre roman. Ah et c’est sans compter sur l’après-naissance et toutes ses belles nuits où il faut se lever pour nourrir poupon, vous pourriez, encore là, profiter de ces moments pour griffonner, réfléchir, bref, cogiter sur vos écrits plutôt que de cogner des clous sur le biberon du bambino. Allez, je blague légèrement, mais je ne crois pas qu’un enfant puisse vous empêcher d’écrire, il sera probablement une source de plus d’inspiration.
Vous cherchez un moyen de stimuler votre créativité par la contrainte ? Élever des enfants n’est vraiment pas une bonne idée. Le niveau de contrainte est beaucoup trop élevé pour la création. Cela demande presque une disponibilité de 24 heures par jour les premières années. Et en plus, pauvre enfant qui n’est là que pour servir de contrainte !
Ce que je vous suggère, c’est un moyen d’augmenter vos revenus tout en vous imposant une contrainte de temps pour écrire. Occupez un emploi de 9 à 5, et écrivez le matin ou le soir ou les fins de semaine. Cela a des effets mortels contre la procrastination, la paresse et le perfectionnisme, et des effets tout à fait positifs sur l’épaisseur du portefeuille. Paraît-il que Yves Beauchemin a écrit ses premiers livres de cette façon, peut-être même Le Matou. Plusieurs personnes vivent leur passion ainsi dans plusieurs domaines.
Pour poursuivre cet objectif, un travail manuel est tout à fait recommandé, comme par exemple manutentionnaire dans un entrepôt. Vous avez l’esprit libre toute la journée pour échafauder des scénarios. Lorsque vous vous installez plus tard à votre bureau pour écrire, de multiples idées veulent sortir précipitamment.
Ne me remerciez pas, ce n’est pas nécessaire. Tout ce que je demande, c’est que vous me dédicaciez le prochain livre que vous aurez écrit dans ces conditions.
Votre chronique a un petit air d’espièglerie qui m’a fait sourire mais mine de rien,vous nous posez une question diablement existentielle:l’écrivain doit-il ou peut-il se reproduire?Vous nous dites que vous n’avez trouvé aucune étude sur le sujet.Cela doit concerner les données récentes parce que pour peu qu’on soit familier avec l’histoire littéraire,celle-ci re-gorge d’exemples prouvant que la plupart des écrivains concevaient leur oeuvre comme étant suffisamment féconde pour ne pas s’encombrer de femme et enfant.Je vous en cite une petite liste partielle:Châteaubriand,Balzac,Flaubert,Baudelaire,Byron,Rimbaud,Rilke, Mallarmé,Apollinaire,Proust,Musil,Ibsen et plus près de nous ce cher Sartre.J’irai jusqu’à vous citer Edmond de Goncourt qui comparait l’écriture « au césarien accouchement de la cervelle ».Tous ont vu la création comme un acte de procréation solitaire.D’ailleurs,lorsque les femmes se sont mises à écrire,elles ont adopté la même position (Virginia Woolf,Simone de Beauvoir).Il semble que même les couples d’écrivains aient opté pour la stérilité tel que Éluard et Nash,Aragon et Elsa.Breton allait jusqu’à vanter la sodomie hétérosexuelle comme moyen de contraception.
Ce n’est que beaucoup plus près de nous,que des voix ont commencé à s’élever contre cette conception et tenez-vous bien…elles sont naturellement venues des femmes.À ce sujet,je vous suggère Nancy Huston qui a dit dans son « Journal de création » qu’il fallait en « finir avec ce mythe de l’auto-engendrement » et Hélène Cixous qui a prétendu qu’il était temps « qu’on remette en question le choix cruel entre books et babies ».
Bref,si votre intention est de vous remettre en question,vous avez le choix des armes.Quant à moi,si je me doutais du résultat de cette recherche,j’ai éprouvé un plaisir fou à la faire. Cela m’a rappelé ma vie étudiante à la différence que j’ai mis 2hres avec internet vs une semaine dans une biblothèque,sans cigarette,cernée par une tonne de bouquins. Heureuse jeunesse!
Il y a des gens qui n’auront jamais d’enfants, car ils auront toujours de bonnes raisons pour ne pas en avoir. Je suis aux études, je n’ai pas un sous, je vais attendre d’être mieux établie… Oups! J’ai une carrière maintenant qui est fleurissante, je dois y mettre mon 100%pour la faire fructifier au maximum… Je me suis trop habituée à mon confort, à ma petite routine, je ne saurais plus faire de compromis, et de toute façon, j’ai passé l’âge d’en avoir.
D’autres personnes, eux, auront toutes les bonnes raisons pour vivre leurs passions à fond. Je m’investis dans mon travail, pour assurer mon avenir… Je me dois de travailler des heures de fou, si je veux réussir et ne pas me faire surclasser par la compétition… De toute façon, je suis un solitaire, je n’ai pas besoin de m’engager dans un couple, alors tant qu’à être seul, aussi bien prendre les bouchées double pendant que ça dure… Je trame dur pendant quelques années, pour me la couler douce par après…
Bref, on peut avoir toutes les bonnes raisons du monde pour faire ou ne pas faire quelque chose. Je crois qu’il faut assumer les choix que l’on fait et c’est tout.
Je connais des écrivaines qui ont eu des enfants et s’en sortent bien dans les deux domaines. Je suis une personne pour qui la carrière est très importante, mais j’ai également des enfants. Alors je trame dur et je mets les bouchées doubles pour réussir à concilier les deux. Travail et famille équitablement. Ce sont les heures de sommeil et mon temps personnel qui écopent et c’est tout.
Mais effectivement, je suis d’accord pour dire que les écrivains, les gens de théâtre, trament dur pour pas beaucoup de sous des fois, surtout s’ils ne sont pas trop connus. Ceux qui restent dans leur métier pour des pinottes, on les appelle les passionnés.
Moi, je suis une passionnée de la vie en général. J’ai comme motivation : Vivre sa vie au maximum, chaque journée qui n’est pas vécue est perdue.
Quelle idée, cher monsieur Dickner! Vous comptez donc vous absenter trois semaines durant? Mais, en ce qui me concerne, je vous trouve déjà passablement absent la plupart du temps. Et vous le reconnaissez presque vous-même, à mots couverts, en écrivant « Je me prends les pieds dans les fleurs du tapis »… Et dans quel but? Préparer une révolution! Bon, si ça vous amuse. On verra bien.
Mais, pour le cas où il vous arriverait entre deux idées pétaradantes de vous ennuyer un peu de nous, je vous laisse ici même quelques réflexions qui pourraient vous aider à meubler vos périodes creuses. Et puisque cette semaine vous nous parlez de procréation, et avant que vous n’alliez commettre l’irréparable – si ce n’est déjà fait, voici une observation de Georges Courteline (1858-1929), écrivain et auteur dramatique français: « Un des plus clairs effets de la présence d’un enfant dans le ménage est de rendre complètement idiots de braves parents qui, sans lui, n’eussent peut-être été que de simples imbéciles ». Mais peut-être que cela ne s’applique pas aux écrivains…
Et il y a Étienne Rey (tiens, d’où sort-il celui-là? je n’ai rien sur lui…) qui écrit quant à lui: « On appelle famille un groupe d’individus unis par le sang et brouillés par des questions d’argent ». Par contre, cette fois, cela ne s’applique certainement pas aux écrivains! Pensez-y donc: des questions d’argent! J’espère que vous vous ennuyez déjà un peu moins, monsieur Dickner, et que votre révolution va bon train. Soit dit en passant, n’est-ce pas un peu dispendieux, une révolution? À coup sûr plus qu’une petite famille, non?
Il va vous falloir du financement, pauvre de vous. Voici donc un conseil judicieux de la part de Jean de La Bruyère (1645-1696), moraliste français: « De tous les moyens de faire sa fortune, le plus court et le meilleur est de mettre les gens à voir clairement leurs intérêts à vous faire du bien ». De la sorte, vous pourriez à la fois avoir une famille et une révolution!
Peu de gens vivent de leur plume. Choisir cette forme de réalisation exige beaucoup de sacrifices. La jouissance d’atteindre cette forme d’expression doit être grande, car l’enjeu n’en vaudrait pas la peine. Écrire doit être vital, sinon ce choix peut devenir très lourd.
Avoir des enfants dans ces conditions, de légèreté de l’être et de réalité, demande une énorme créativité et un système de défense hyper blindé, afin de préserver l’enfant des attaques de la normalité, qui s’impose. La marginallté a ses aises, mais aussi sa solitude.
Personnellement, sans baigner aisément dans la réalité, la nécessité de s’en préserver demeure. L’ignorer génère une réalité encore plus laide et, attention de ne pas basculer dans une autre réalité, qui peut être encore moins rose. L’art n’est pas toujours de toute beauté!
Parmi nos romanciers les plus prolifiques et qui vivent de leur plume, on constate qu’ils n’ont pas eu d’enfants, sauf erreur c’est le cas de Marie Laberge, de Christine Brouillette, de Réjean Ducharme et de Michel Tremblay l’horaire et le cheminement des auteurs les plus inspirés et les plus productifs ne composent pas avec l’alaitement, le changement de couche, les allées et venues à la garderie, les rencontres de parents, les défis de l’adolescence et les tanguis. Marie Laberge se retire dans une maison de campagne, au bord de la mer, Michel Tremblay s’envole à Key West, Christine Brouillette cuisine ou collectionne les bons restaurants, quant à Réjean Ducharme, rapaillé et incognito, on ne sait rien de sa vie privée qui donne cour aux rumeurs. Sûrement que la majorité des grands romanciers français n’ont pas formé de famille et n’ont pas eu d’enfants, l’écrivain est majoritairemewnt un solitaire retiré dans son monde imaginaire, leur fécondité naît dans les pages de leur volume, il livre leur progégniture sur papier, il édite leur postérité et parfois ils versent une larme en écoutant la chanson que Jacques Brel avait écrite pour Pélula Clark ayant pour titre « Un enfant »…çà vous décroche un rêve.
Ce qu’il faut retirer de cette histoire, c’est qu’il ne faut pas trop écouter ce qu’on entend lors des 5 à 7; il vaut mieux s’empiffrer. Faire des enfants, voyons donc il n’y a pas que les écrivains qui ne devraient pas en faire, les politiciens aussi.
Imaginez vous être l’enfant de Bush et devoir traîner ce boulet tout une vie! Ayoye!
Votre chronique me rappelle la boutade de Henry Miller: « Un écrivain ne devrait pas se marier. Il est déjà marié. . . à son art. » Sur mille auteurs, au Québec comme ailleurs, une dizaine pourront vivre de leur plume. Les autres survivront sous le seuil de la pauvreté, conscients de leur vocation sacrée, et fort heureux, merci. À preuve le dernier paragraphe du beau livre de Ernest Hemingway, »Paris est un festin », dans lequel l’auteur raconte sa vie avec femme et enfant alors qu’il venait de quitter le Toronto Star et travaillait à son premier roman: « Voilà comment c’était à Paris, alors que nous étions pauvres et très heureux. »
Gilles Couture
auteur,
Les Commandos de l’Anti-Apocalypse
hey oui, il est de plus en plus difficile de faire des enfants de nos jours. En fait, ce n’est pas de le faire qui est difficile, on en convient, mais c’est d’adapter notre rythme de vie à ces progénitures. Que vous soyez écrivains, médecins, vétérinaires ou bien fermiers, le résultat est le même: on a l’impression que d’avoir des enfants c’est sacrifier notre carrière. Et c’est le cas. C’est petits êtres qu’on aime tant prennent toute la place au détriment de quoi? De notre situation professionnelle bien sur. Avant, la question ne se posait pas: on avait des enfants si on voulait être dans la norme. Aujourd’hui, on constate plus que jamais que les temps ont changé. Comment compenser pour ce manque à la natalité? Par l’immigration. Alors, si je me fie aux conneries qu’on apprenait dans le temps en philosphie et que je me sers de la déduction, on pourrait affirmer que le fait d’être écrivain augmente la participation aux taux d’immigrants qui entrent dans le pays. Fautive cette loi déductive!!!
Franchement, la question n’est pas de savoir si on peut ou non être écrivain et avoir des enfants. Il faut plutôt s’organiser pour vivre avec la personne qui les fera vivre, l’écrivain et sa progéniture. C’est ça le succès! Ou encore, avant de devenir écrivain, ce dernier doit avoir gagné beaucoup d’argent et, de préférence, être déjà célèbre. Le nom suffit alors à vendre le livre et élever les enfants.
Comme vous pouvez le constater, l’équation « enfant » + « écrivain » n’est pas une impossibilité, tant qu’elle est multipliée par « richesse du conjoint » (N’est-ce pas là un dérivé de la théorie de la relativité d’Einstein!?!?).
Cher monsieur Dickner qui êtes présentement à gambader dans le foin, histoire de vous offrir votre révolution personnelle, je suis avec vous. J’adhère complètement à votre geste de profiter d’une halte de trois semaines afin de vous recueillir à la conception d’un enfant. La décision de faire une place à un enfant dans votre vie est tout ce qu’il y a de plus oulipien. Tellement oulipien que plus besoin de se circoncir un labyrinthe pour le traverser, l’enfant à naître le fera tellement mieux que vous-même.
Votre vie sera un labyrinthe où vous vous promènerez vous frappant la tête contre de fausses sorties pour finalement trouver la bonne. Vous dormirez une nuit de 6 heures, au lieu de jadis 8, et votre urgence d’écrire en deviendra si féroce qu’au lieu de faire la sieste, vous écrirez des pages pleines d’inspirations prises à bout de souffle. Vous halèterez de joie de le voir grandir vous inspirant du nouveau grandissant avec lui. Vous nous transmettrez « l’ininventable » par le regard que vous poserez sur lui. Vous puiserez, plus que vous vous épuiserez. Votre perfectionnisme, ce luxe de gens trop riches en temps, vous passera et sera admirablement remplacée par un bouillon de vie qui exultera votre spontanéité trop longtemps tenue sous brides.
Vraiment, oui vraiment, vous prenez là la bonne décision. Votre anti-conformiste a attendu quelques décennies avant de poindre mais par quelle décision honorable elle voit le jour ! Cette retraite afin de vous abandonner au premier geste de l’enfantement est d’une beauté presque poétique en ce siècle de décisions et de consommations effrénées. En homme pudique, votre intention était si bien voilée sous cette boutade de révolution personnelle que bien peu l’auront comprise.
Moi, oui. Je vous souhaite une gambade dans le foin des plus fécondes.
Si écrire est la façon que vous avez choisi finalement pour gagner votre vie,voici:dans votre cas,vivez en couple (cela vous permettra de partager vos factures),et n’écoutez pas le con-seil de la dame i.e.,si votre désir est d’avoir des enfants;faites-vous-en!
1ier scénario:vous travaillez à la maison;alors là,vous DEVEZ en 1),faire capitonner la porte de votre bureau;en 2),placer une serrure! (pour que quand l’enfant qui reviendra de la garderie ou de l’école,vous puissiez garder votre concentration)! (Je blague,bien sûr!)
2ième scénario:l’enfant ne vient pas diner & arrive à 15h00.Sept heures pour écrire,par jour,X par 5=35 heures de travail par semaine.& votre compagne revient du travail,vous pouvez glaner encore du temps pour l’écriture,avec son entente.Voyez comme il y a toujours moyen de moyenner.Vous ferez le père le reste du temps.
Bien entendu,il ne faut rien perdre quand on crée;à tous les instants,il vous faut porter carnet & crayon sur vous.Page blanche?Mon truc?Je me plonge le nez dans le dictionnaire et la folle du logis revient vite.C’est bien sûr au début,quand vous n’avez pas encore vendu,que c’est le + difficile.Écoutez la dame,quand elle vous dit d’écrire pour la télé pour subsister en attendant le Prix Nobel.Comme vous voyez,il n’est pas absolument nécessaire de renoncer aux enfants mais il faut faire des sacrifices (adieu,vos petites siestes en après-midi,vos procrastinations,votre paresse).Tant que la maison est vide et que vous n’aurez pas fait de Tanguy,votre cas n’est pas désespéré et est réglé.
J’ai des petites nouvelles pour vous:l’auteur américain Harlan Coben est marié et a 4 enfants.Il est également récipiendaire de 4 prix prestigieux.Voyez comme l’un n’empêche pas l’autre.& de nos jours,plusieurs personnes travaillent à la maison et concilient travail & enfants.
Alors,gambadez dans le foin autant que vous le voulez,avec votre petite amie,de préférence,et butinez autant qu’il vous plaira;est-ce pour cela le 3 semaines?
« Le discours ambiant valorise plutôt la liberté: les créateurs doivent vivre sans entraves, gambader dans le foin, butiner où bon leur semble. »
Je vois que vous êtes un peu taquin, quand vous écrivez ce qui précède. Mais je crois qu’une création artistique, bonne ou mauvaise, se fait toujours dans la douleur, ou dans le doute, à tout le moins. Certainement pas dans un Club Med!!!
« Certains des romans les plus importants de l’histoire ont été écrits en prison », me disait un jour un ami érudit, me citant en exemple « L’archipel du goulag » d’Alexandre Soljénitsyne. Mais je me vois mal écrire un roman aujourd’hui entre deux Hell’s et trois gangs de rue! Il doit y avoir un juste milieu entre la création pure, artistique, et la production de purin de porc à la Michel Brûlé!
Au delà de votre humour, M. Dickner, vous posez une sérieuse question.
On ne pourra pas dire que le sujet de votre chronique ait été vraiment pris pour ce qu’il est, soit une réflexion sur la difficulté de faire le métier d’écrivain pour un petit marché de lecteurs comme l’est celui du Québec. Je sais qu’en littérature, nous nous exprimons habituellement en français, mais quel auteur d’ici, même en s’exprimant de la sorte, peut espérer conquérir d’emblée le marché français. Les écrivains d’ici ont besoin d’être supportés par d’autres rémunérations que celles qui leur viennent de la vente de leurs livres et cela est risqué pour eux, car ils doivent soit quémander des subventions, soit écrire pour la télévision, ce qui risque de les distraire de leurs vrais objectifs. Je trouve que vous avez une rare force de caractère pour en faire de l’ironie, même si elle tourne à l’humour noir. Comment en effet concevoir que ces contraintes imposées puissent aider de quelque manière que ce soit l’écrivain aux prises avec des fins de mois difficiles ! Il n’y a vraiment qu’un romantisme mensonger pour montrer ces difficultés comme pouvant stimuler la création comme si l’énergie dépensée pour y faire face ne l’était pas aux dépends de la création. Cette situation dans laquelle vivent les artistes et les créateurs est la conséquence d’une société où le marché de l’art n’est qu’une autre dimension du marché des biens et services, un produit monnayable selon les ventes et dont les plus belles ventes ne correspondent pas souvent aux vrais besoins des citoyens, lesquels se font refiler du toc plus souvent qu’à leur tour.
J’ai trouvé très cocasse de lire votre texte car j’ai déjà comparé l’écriture d’un livre à la conception et l’éducation d’un enfant . Juste pour rire évidemment, mais quand même.
Quand on désire avoir un enfant et le rendre heureux, quelques ingrédients sont essentiels : un autre géniteur (techniquement), quelques essaies (généralement), un savoir faire et une connaissance des besoins de la petite merveille et une bonne dose de courage, de persévérance et de patience. Si le couple est fertile et fait le boulot de son mieux, le petit trésor risque d’arriver et même d’être reconnaissant, un jour, éventuellement, peut être. Car bien sur, il y a des exceptions.Beaucoup.
Quand on désir être écrivain, vivre de sa plume, quelques ingrédients sont essentiels : des idées (techniquement), quelques essaies (généralement), un savoir faire et une connaissance de la langue et du sujet, s’il en est, ainsi qu’une bonne dose de courage, de persévérance et de patience. Si le livre est écrit et publié, le public risque de l’apprécier, un jour, éventuellement, peut être. Car bien sur, il y a des exceptions.Beaucoup.
Personnellement, je crois qu’il n’y a pas d’erreur à vouloir être écrivain, la méprise est plutôt de ne se consacrer qu’à cet unique objectif. De la même façon, un couple, à moins d’être totalement irresponsable, ne fait pas d’erreur en voulant être parent. Par contre, il en fait une s’il oublie les autres aspects de la vie et ne vit plus que pour l’enfant à naître.
Un certain équilibre entre les passions et la raison me semble la meilleure façon de réaliser ses ambitions sans trop de déceptions ou de frustrations.
J’ai lu cet article avant de me rendre contre qu’il s’agissait du vôtre, M.Dickner, et j’ai été épatée tout d’abord par cette minutieuse légèreté qui caractérise votre style d’écriture et qui me donnait une sensation de déjà-vu. Le qualificatif peut paraître étrange, mais c’est bien de minutieuse légèreté que je veux parler. En effet, ça me fait penser à de la dentelle! Bah, je délire un peu mais tout ça pour dire que la problématique que vous exposez me fait penser à un passage du Portrait de Dorian Gray, où Wilde exprime une opinion assez intéressante face à la création. Il parle de l’incompatibilité à l’intérieur d’une personne de la beauté et la création: on aurait le choix entre être l’oeuvre d’art ou la créer. Un véritable créateur serait donc moche et inintéressant, ayant déployé toute la beauté qui l’habitait sur sa toile, son manuscrit, sa partition, etc. Peut-être la »création d’un enfant » serait aussi antithétique à la création littéraire?
le dévouement paternel est sans borne, admirable ; faut dire qu’il avait commencé , neuf mois auparavant, avant même que ca ne commence;
beaucoup de peine on se donne;
mais « le petit chaperon rouge » a encore toutes ses vertus et ca ne mange pas de pain; il suffit de lire à côté d’elle dans le lit; elle n’en demande pas tant la petite Zoé.