L'affaire débute dans le 7e arrondissement, à Paris, un peu avant minuit. Autour de la table, nous retrouvons un journaliste québécois, un responsable de programme culturel acadien, un éditeur parisien et le jeune romancier généraliste de Rivière-du-Loup qui signe cette chronique chaque semaine.<p>La discussion, on s'en doute, est littéraire. Or, voilà que nous nous interrogeons: qui donc serait le plus grand romancier québécois?<p>Les empêcheurs de tourner en rond rétorqueront que ce genre de question est insensée, voire totalement gnochonne. La qualité d'un écrivain ne se détermine pas comme les statistiques au dos d'une carte de hockey. (Notez, l'idée est amusante. On se plaît à imaginer, mettons, la carte d'Yves Thériault. De quoi rendre fou le plus solide statisticien.)<p>De toute façon, la question relève du jeu – un jeu pas plus bête qu'un autre, pourvu qu'on garde à l'esprit son caractère ludique. Si vous voulez mon avis, c'est plutôt le découpage des littératures par nationalités qui constitue, à la base, une convention idiote.<p>Mais je m'égare.<p>Toujours est-il que l'un d'entre nous énonce ce qui a toutes les allures d'un gros tabou: Mordecai Richler aurait été le plus grand romancier québécois.<p>Bref silence méditatif autour de la table. En ce qui me concerne, j'estime au plus haut point l'oeuvre de Richler, aussi serais-je plutôt disposé à ratifier cette affirmation. Pourtant, j'ai envie de jouer l'avocat du diable. Que vaut une opinion, après tout, si on ne tente pas de la décortiquer un brin?<p>Le repas se termine, les convives s'éparpillent et je reste avec cette question en travers du crâne: quel romancier serait capable d'accoter Mordecai? Et entendons-nous, il ne s'agit pas simplement de dégotter une meilleure plume, mais quelqu'un qui aurait les aptitudes marathoniennes et la démesure nécessaire. Bref, un écrivain talentueux ne suffit pas: il faut un personnage.<p>Par ailleurs – puisque n'importe quel jeu a ses règles -, les romanciers vivants se voient disqualifiés d'emblée. Pour une fois qu'il vaut mieux être mort…<p>Qui cela nous laisse-t-il? <p>Spontanément, le docteur Ferron vient à l'esprit – mais aussitôt, allez savoir pourquoi, il me semble anachronique de comparer l'Éminence de la Grande Corne et le polémique Richler.<p>Anachronique, vraiment? Pourtant, la différence chronologique entre Ferron (1921-1985) et Richler (1931-2001) est négligeable. Les deux vies se superposent presque. D'où vient donc cette impression que les deux hommes représentent des époques différentes?<p>Serait-ce qu'inconsciemment, j'associerais (comme tant de mes contemporains) l'urbanité et la modernité?<p>Richler, on le sait, était le plus urbain des deux écrivains. Ferron, quant à lui, s'intéressait plutôt à la Gaspésie, à Québec ou à des comtés en retrait des centres urbains. Lorsqu'il se rapprochait de Montréal, c'était pour mieux demeurer en périphérie, à l'hôpital psychiatrique Saint-Jean-de-Dieu ou dans les bidonvilles de Saint-Lambert.<p>Ferron serait moins moderne parce qu'il ne s'intéresse pas à Montréal?<p>Quelle sale conclusion pour un natif du Bas-du-Fleuve comme moi. Et quel sale tour pour monsieur Ferron.<p>Tant qu'à y être, on pourrait disqualifier l'immense Gabrielle Roy (1909-1983) pour les mêmes mauvaises raisons: la plupart de ses livres se déroulent à la campagne ou dans la nature. Le Manitoba rural a-t-il encore la cote?<p>On aurait beau éplucher le <i>Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec</i> afin de trouver un concurrent sérieux à Mordecai Richler, on en reviendrait sans cesse au même problème: certains sujets pèsent plus lourd que d'autres. Les dés sont pipés. <p>Les lecteurs ont tendance à s'intéresser aux réalités à bout portant. Voilà pourquoi les récits historiques plaquent souvent des perceptions contemporaines sur des situations de jadis. Même phénomène dans le fantastique et la science-fiction où, malgré l'exotisme formel, le propos calque les préoccupations sociales et politiques de l'époque.<p>L'exode rural – ce chambardement sans précédent dans l'histoire de l'humanité – aurait-il faussé pour de bon nos repères littéraires? <p>Au-delà de son talent, Mordecai Richler serait-il, en somme, le mieux équipé pour survivre en ce Québec où l'on s'intéresse de plus en plus aux enjeux montréalais?<p>Voilà qui le ferait bien rire.<b></b><p>
N. Dickner s’attirera peut-être les foudres des lecteurs avec sa chronique de cette semaine. Je comprends très bien son choix en faveur de Richler. Les suffixes rapprochent les deux auteurs, mais aussi leur esprit mythomane. Je sais que Richler est intellectually incorrect à cause de ses déclarations de très mauvaise foi à l’encontre de nos us et coutumes dans le New York Times et Le Monde. Mais ce juif anglophone, né à Montréal, est l’auteur qui a le mieux saisi le Québec de son époque, et en particulier la mentalité montréalaise. Habitant le Plateau Mont-Royal, il avait l’esprit caustique des Plateauïdes d’aujourd’hui. Il ne fut pas le confondre avec les Hassidim. Cet auteur parlait notre langue et ne portait ni boudins ni kippa. Ce que je retiens de lui, c’est son souffle qui a balayé toute la culture québécoise des années 40 à 90, allant du base-ball à Maurice Richard. Il s’est insurgé contre nos habitudes retorses comme l’hypocrisie qui nous faisait vendre nos enfants illégitimes aux riches comme l’a dénoncé aussi Fou Bar d’Alain Beaulieu. C’est de plus un visionnaire qui sait rire de lui, mais qui a surtout compris, dès 1960, ce qui s’annonçait. Avec un humour à la Woody Allen, il s’en est pris aux branchés qui se laissaient emporter par un maelström de liberté nouvelle. Richler a évoqué les aberrations découlant d’une absence de balises. Pour appuyer sa thèse, il recourait dans ses ouvres à des exemples outrés empreints de sarcasmes. Dans son roman, Un cas de taille (Prix du Gouverneur général), il se plaignait de la fin du règne de l’évaluation des connaissances des élèves. « Les enseignants devront, dit-il, plutôt leur faire des pipes pour les stimuler. » C’est son habitude de se montrer outrecuidant pour frapper notre imagination. Bref, il a vu venir la révolution des mours qui s’attache à la performance sexuelle identifiée à la grosseur du putz (pénis). En fait, il s’est moqué des travers de la société occidentale à partir des nôtres et des siens.
Bonjour,
Je m’affirme de mauvaise foi d’emblée. M. Dickner arrive à la coclusion que peut-être Mordecai Richler est le plus grand écrivain Québécois. Je n’y crois absolument pas et c’est là que joue ma mauvaise foi. Jamais je ne lirai ses oeuvres.
Quelle compétiteur pourrais-je opposer à M. Richeler? Moi, qui serais en librairie s’il n’y avait pas l’empire Québécor. M.Dickner avec la traduction de son oeuvre. Mon ami Stéphane Bourguignon avec son dernier roman (Qu’un critique québécor a qualifié d’asphyxiant). La Merveilleuse Anne Robillard et ses chevaliers d’émeraude qui se vendent plus que le seigneur des anneaux. Victor Lévy Beaulieu avec ses 58 romans!
Là on arrive à un point où l’on se doit de reconnaître le point de vue de M. Dickner: Victor Lévy Beaulieu est de Trois Pistoles. Au point de vue du monde il n’est pas de Montréal et ne peut pas être considéré. Et pourquoi donc? Est-ce que le salut ne viendrait que de Montréal? Existe-t-il vraiment un trou noir en dehors de Montréal comme en dehors de Paris? Qu’est ce que c’est ce nombrilisme?
Il me semble que l’on peut développer plus, que nous pouvons analyser plus en profondeur le phénomène. Peut-être auront nous besoin de quelques gascons qui monte à Paris comme d’Artagnan pour nous rendre compte que les régions sont quand même nos racines?
Je reste perplexe. Pourtant Mordecai Richeler comme le plus grand écrivain québécois? Jamais!!! Vive la mauvaise foi.
Le plaisir de la provoc repose sur l’audace et la précision avec laquelle on atteint une cible endormie et qui forcément est bousculée dans son inertie et brutalement se réveille.
L’audace, les anglos appellent ça du «guts ». Mordecai Richler en avait et du franc parler populiste jusqu’à la grossièreté: les anciens de son « High School Baron Byng » lui avaient fait une fête; mais présent et déçu de la « fête » , il les avait rabroué sans aucune gêne pour leur manque d’originalité . On disait même que sa mère ne lui parlait plus depuis longtemps. Dans la vingtaine, il avait eu le caractère et le « guts » de partir, de s’exiler: tout était bloqué ici pour lui et d’autres ( François Hertel et all. ). L’écrivain vit AILLEURS. Mais grand écrivain pour autant ? Je ne sais pas. Une chose est sûre, les parisiens aiment la littérature intimiste ,mais aussi celle qui dérange. La rumeur revient régulièrement : Zola aurait été assassiné . Mais « La Terre » ca dérangeait vraiment .
Il en fallait aussi du plaisir ironique , de l’audace et de la précision pour lancer le prix Parizeau qui attirait l’attention sur les jeunes écrivains anglos de Montréal. Ces derniers ont-ils toujours été présents au salon du livre de l’automne ? Voire même acceptés à part entière comme membres de l’U.N.E.Q. ?
Le nationalisme n’est pas toujours inclusif . Combien d ‘écrivains francophones candidats de Québec Solidaire ? Et pourtant David Fennario dans Wetsmount candidat de l’U.F.P. en 2003 ?
Si écrire ne réveille personne , n’intéresse personne ,autant écrire sur les cimetières. Pas de danger de réveiller les morts. Ce n’est pas demain qu’on lira une enquête sur le népotisme à Radio-Canada.
Mais bon ! Le successeur de Mordecai ? Victor-Lévy Beaulieu !
Je dois admettre que Mordecaï manque à ma culture. Qui plus est, mes connaissances en littérature québécoise sont trop ténues pour que je puisse oser prétendre connaître qui d’entre nos auteurs est le plus grand.
J’ai détesté La Scouine et Le Survenant, ai trouvé pas trop pire Le Libraire et me suis divertie avec Bonheur d’Occasion.
Outre les classiques tels que Félix et Nelligan, je suis loin d’être une exégète ès oeuvres canayenes-françàzes !
Mais je peux vous dire que de tous les auteurs que j’ai lu qui publient ici, Carmen Strano et Elena Botchorichvili sont celles qui rejoignent le plus ma sensibilté et que j’espère de tout mon coeur que ces deux-là passeront à l’histoire.
J’en suis une si fervente admiratrice que je leur fais de la publicité avec joie et enthousiasme chaque fois que l’occasion m’en est donnée, espérant que j’inciterai d’autres lecteurs à s’y intéresser.
Quelle prudence ! Oui il faut faire comprendre aux québécois francophones que de continuer le snobisme envers Richler c’est encourager le mépris de notre culture. Mais le comparer avec Ferron, quelle blague ! Ce n’est pas la ville qui rend plus ou moins »moderne » un écrivain ou un individu, mais comment il résiste au conservatisme des sociétés.
Richler est peut-être l’un des plus grands écrivains canadiens mais sûrement pas québécois, du simple fait qu’il n’écrivait pas en français. Un peu de fierté tout de même : la langue, c’est ce qui nous reste pour nous définir comme québécois. Respectons ça. Pour ma part, je pense qu’Anne Hébert mérite ce titre. Entre la publication de ses premiers poèmes et son dernier roman, c’est 60 ans consacrés à la littérature. Son écriture est d’une grande qualité et son univers d’une inépuisable richesse. Sa mort a laissé un très grand vide.
La France a-t-elle décidé quel auteur représentait le mieux l’Hexagone? Si on doit trouver un écrivain unique pour le Québec, ne faudrait-il pas faire la même chose pour els autres pays? Comme les États-Unis et l’Angleterre, deux autres pays qui, avec le pays de nos cousins, nous envoient les oeuvres de leurs auteurs.
Prenons la France. Comme son histoire est plus vieille que la nôtre, sa littérature l’est tout autant. Et je ne tiens pas compte de la Gaule. Ceux qui écrivait en vieux français comme Rabelais sont-ils admissibles? Doit-on compter seulement les oeuvres romanesques ou peut-on y inclure le théâtre et la poésie? Peut-on y inclure la monarchieou doit-on l’exclure? Quel auteur représente le mieux la France? Molière, Alexandre Dumas, Verlaine, Flaubert, Appolinaire? Il n’est pas dans ma liste?
Du Royaume-Uni, les plus connus sont Agathie Christie, Sir Arthur Conan Doyle et Ian Fleming. Il doit sûrement y avoir d’autres auteurs de qualité et qui ont été populaires dans la fière Albion, mais que nous avons sûrment oubliés avec le temps.
Qui est l’auteur représentatif de l’Oncle Sam? Doit-il être blanc? Peut-il être noir comme Alex Hayley (Roots) ou hispanophone?
Ce qui m’amène à poser cette question: quelles sont les critères les plus objectifs possibles pour déterminer l’auteur national d’un pays? Je ne crois pas qu’il n’y ait qu’un auteur représentatif, mais plusieurs auteurs nous parlant d’une époque et d’une région ou d’un quartier de leur pays. Et plus un pays vieillit, plus sa littérature se renouvelle. Devrait-on rejeter nos auteurs d’avant la révolution tranquille? Si oui, nos auteurs contemporains devront être rejetés un jour, ce qui, à mon humble avis, serait une erreur.
Pourquoi doit-il être mort cet écrivain qui a marqué l’histoire du Québec ? On peut marquer, être vivant et marquer encore. Les dés sont pipés, je vous crois que les dés sont pipés, suffisamment pour nous provoquer et nous faire sortir le nom des écrivains qui nous ont marqué. Belle astuce.
Le mien, et combien c’est difficile d’en choisir un seul, mort ou vivant, c’est difficile. Après réflexion, j’opte sans contredit pour Michel Tremblay. Ce grand observateur du monde ordinaire, qu’il réside en ville ou à la campagne. Ses textes ont été lus, dit, joué, plusieurs de ces textes traduits en 25 langues. C’est le porte-étendard de notre culture québécoise dans tout ce qu’elle a de plus québécois. C’est le premier à défendre en le mettant en scène ce qui nous distingue dans la francophonie ; notre accent (circonflexe !).
Il est récipiendaire de tellement de prix et d’hommages que la liste exhaustive serait si longue qu’il ne me resterait plus de mots pour le mettre en valeur. C’est un écrivain complet ; chroniqueur (depuis 1982 critique d’opéra dans « Jeu), poète, scénariste (7), dramaturge (20), comédies musicales (3), traducteur, (14) romancier (9), il a même écrit une quinzaine de chansons.
Vous dites qu’il y avait un éditeur français à votre table, il aurait pu penser à Michel Tremblay car ce sont les Français qu’ils l’ont sacré chevalier de l’Ordre des arts et des lettres de France. Il a certainement un rayonnement mondial puisque c’est à lui, que l’Unesco a pensé pour rédiger un message lors de la Journée mondiale du théâtre en 2000.
Peut-être que s’il était mort, vous y auriez pensé ?
À mon sens, il est bien difficile de répondre à cette question tant la comparaison des différents genres des bonzes de notre littérature est tendancieuse. Ainsi, un auteur dont l’ouvre dévoile notre métropole serait plus universelle, plus propice à marquer l’histoire. Même si cette hypothèse me semble boiteuse, je l’accepte d’avantage que le postulat voulant que le pus grand auteur Québécois doive obligatoirement avoir passé l’arme à gauche.
Voilà pourquoi je pense que Michel Tremblay se compare avantageusement à Richler, dont l’oeuvre, je dois l’avouer, me plait. Évidemment, il en allait tout autrement du polémiste incroyable qu’était Richler…
Mais, force est de constater que son manque d’amour des nationaliste nous empêche de lui rendre le respect que son oeuvre mérite certainement.
Mais pour moi, la question demeure entière : Qui donc est le plus grand auteur Québécois ?
Je crois que chacun des livres qui sont écrits avec amour, par amour de la connaissance et de l’humanité, par amour de l’aventure humaine…sont ceux là les plus lumineux et prometteurs. Les auteurs ont une grande responsabilité je trouve. Vu leur visibilité. Un roman sensible et sensé est un bon roman, l’autre n’est que métaphores inutiles et perte de temps.
Quand Gilles Pellerin m’a enseigné la Littérature Policière et Fanstastique au Cégep, j’ai réalisé ce qui pour moi est de la littérature…
C’est la générosité de l’âme et de coeur et de l’esprit de l’écrivain qui la fait.
J’ai été en fait vraiment démobilisée dans mes 17-18 ans complêtements enflammés de voir que l’on pouvait à se point décortiquer une quelconque oeuvre…
J’ai abandonné la littérature après un an car le seul cours dans lequel j’ai vraiment appris et ressenti quelque émotion a été celui d’un certain Pellerin. (et quelques cours de cinéma québecois passionnant) Et vous savez ce que j’ai choisi d’étudier par la suite?
La reliure d’art! Ainsi grayée de passion et de métier utile, je vais vous pondre un jour un roman et je pourrai le vêtirai de tout mon art!
Pour moi, un livre ne demande qu’à être lu, senti, apprécié, aimé et ressenti…vécu.
Qui est le meilleur romancier québecois???
Celui-là même qui met dans ses écrits de son âme, de ses pleurs, de ses peurs, de ses visions, de sa propre beauté intérieure…
Il doit y en avoir quelques uns, sinon, des centaines et des centaines qui ne sont pas dans la section « édités »…
Quand mes enfants se chicanent pour savoir qui est le meilleur, je m’arrête avec eux et en prenant le temps de discuter, on finit toujours par se rendre compte qu’il n’y a pas de meilleur, qu’on est tout simplement tous différents et que c’est bien plus agréable d’en faire profiter l’autre que de vouloir l’écraser sous le lourd pied de l’orgeuil.
Le meilleur étouffe l’excellent et l’empêche de fleurir… une l’impression comme ça.
Si vous vous cassez la pipe à tenter de trouver qui est le plus grand(?) romancier québécois, vous avez de bonne chance de vous la faire tirer, la pipe.
Se faire tirer la pipe pour crier aux illettrés et analphabètes du Québec (ils sont nombreux) qui est le plus grand(?) romancier québécois, relève de l’art d’une grande pipe!
Ne pipe pas la pipe qui veut mais qui peut!
Au Québec, question de tradition orale, on se tire la pipe à qui mieux mieux.
Mais quand les dés sont pipés, alors là, on peut se faire faire une pipe par une édentée!
Nos grands-pères crachaient du jus de pipe directement dans leur crachoir en un jet long et puissant qui faisait sacrer nos grands-mères, pourtant hyperreligieuses et dévotes jusqu’à en jouer du pipeau avec monsieur le curé.
« Du jus de pinotte » criait mon grand-père, en garochant un jet écoeurant, un mixe brunâtre et verdâtre qui faisait fuir le chien, pourtant toujours couché à ses pieds.
Anne Hébert est la reine, Jacques Ferron le cavalier, Yves Thériault la tour, Richler le fou, mais où est passé le roi? Il n’y en a qu’un seul: Félix, celui qui a transformé l’écrit en oral, le texte en chanson, la parole en musique, la tristesse en bonheur, notre passé en sentier, il demeure celui qui monte la garde, seul, debout sur la rive et qui guette, venant de Montréal, cette métropole nombriliste et surannée, le flot de vapeurs anglaises et étrangères envahir le pourtour des rives belles et nobles qui ont vu naître, vivre et vieillir les générations de nos ancêtres, la panoplie de nos aïeuls, défricheurs, trappeurs, coureurs de bois, chasseurs, pêcheurs, ceux qui ont bâti de leurs mains ce pays à l’accent français et qui dorment aujourd’hui au cimetière de l’oubli, n’ayant jamais appris à lire un livre, un roman, mais qui font partis de la légende orale, à l’opposé de ceux qui ont écrit des romans soulevant la polémique et qui s’approprient une pipée de bon tabac sur le dos des pauvres pipeux que furent nos grands-pères.
Crache Pépère
Mais, pourquoi diable faudrait-il, qu’il y en ait qu’un seul? Comme un gagnant, à une super loterie? Et encore là, faudrait-il faire des différences, entre les Canadiens anglais, les Québécois francophones etc. Feuilleter, n’importe quel dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec, pas un seul, n’osera se prononcer sur la question! Pourquoi? Plusieurs facteurs, peuvent intervenir. Peut-être trop tôt, pour se permettre, un jugement impartial? Qui, peut aller peser, ou contre-peser, le talent de l’un, par rapport à l’autre? Quelle est donc, la norme? La production? Les ventes? La popularité? Le meilleur marketing? Et le style? Comment peut-on oser comparer, des genres littéraires? Fiction, ou roman à l’eau de rose? Non, je ne mise pas, car je pense, que tous ceux, que vous avez nommés sont tous excellents! J’oserai dire ex equo, dans le leur style, dans le genre, tout à fait personnel! Et que dire, de tous les autres? Effectivement, les dés sont pipés! Car, ce sont tous, des gagnants.
Quelle témérité, en effet, que de vouloir nommer le Romancier des romanciers québécois! Mais c’est un jeu qui peut être intéressant si l’on ne sombre pas dans les aléas de la passion: ce deviendrait alors divertissant; le jeune romancier, l’écume à la bouche, tentant de faire avaler des feuillets de l’Avalé des avalés au journaliste encensant Proulx tandis que l’éditeur français, le carnet à la main, noterait pour la postérité ce pugilat, hélas sans vainqueur, digne d’un Houellebecq…
Alors, comment procéder afin d’élire Le Romancier? On pourrait se demander s’il a modifié le cours de la littérature de son époque? Dans ce cas, Tremblay serait probablement le Romancier puisqu’ en littéralisant notre langue vernaculaire, tout comme François Villon il y a quelques siècles, bref en se réappropriant une langue bâtarde et en l’ennoblissant, il nous a identifié comme peuple distinct.
Cependant, on pourrait avoir des critères divergents. Rechercher un style, par exemple. Ducharme y serait, certes et Anne Hébert, la poétique, tout autant! On pourrait juger en fonction du réalisme de l’oeuvre et songer à Courtemanche avec son dimanche à Kigali ou encore de sa fiction: Yann Martel perdu sur son esquif de mots ou encore juger de son auto-fiction et une femme, de ses déboires érotiques sans brèche, deviendrait alors la Romancière. On pourrait tout autant juger en fonction de sa visibilité médiatique; Laferrière serait alors en première ligne. Cependant, contesterait l’un, ce n’est pas vraiment un québécois, il est né en Haïti, il vivote entre Miami et ses présidences d’activités à Montréal…
C’est un exercice périlleux que d’élire le Romancier. Imaginons le livre d’un auteur méconnu, Yvon St-Louis, tombé derrière les rayons d’une bibliothèque et qu’un critique découvrira dans cent ans : succès! Thèse: pourquoi le silence autour de cet oeuvre?
Si quelques hommes font des histoires, c’est parce qu’ils l’écrivent l’Histoire: chacun à leur manière…
Comme on a choisi d’honorer le meilleur compteur de la NHL en lui offrant le prix Maurice-Richard, pourquoi ne ferait-on pas le même exercice pour les livres? Et si un prix annuel était instauré pour honorer l’auteur qui se démarque. Bien sûr, plus facile d’honorer le meilleur compteur. Vous avez compté 52 buts dans une saison? Vous êtes automatiquement plus qualifié que celui qui en a compté 50. Quant aux auteurs, quels critères utiliser? Celui de la meilleure vente? Un peu faible comme argument. Le personnage le plus coloré comme vous semblez le proposer? Mais alors, que fait-on du contenu? Celui de la plus grande qualité artistique? Il y a autant de « plus grande qualité artistique » qu’il y a de juges.
Mais si je m’essayais à mon tour. La beauté de l’exercice réside plus dans la recherche que dans la réponse. Et si on élisait Réjean Ducharme. Ne répond-il pas à tous les critères mentionnés plus haut. Ces livres se sont vendus et continuent de se vendre à grande échelle. Il s’agit d’un personnage coloré. Vous en connaissez beaucoup, vous, des gens qui sont prêts à privilégier l’anonymat plutôt que de faire une petite saucette à Tout le Monde en Parle. Et quant à la qualité artistique, nul doute que Ducharme a permis aux Québécois de se créer une poésie dans la prose que peu ont pu accoter. Réjean Ducharme s’est créé un style que tous connaissent, qu’ils l’aient lu ou non. Ducharme semble pouvoir rallier tous les cercles. Il peut rassurer les plus snobs d’entre nous qui se croient supérieur de pouvoir le comprendre. Il peut rassurer ceux d’entre nous qui lisent moins en nous faisant voyager par son écriture. Il peut rassurer les plus patriotiques d’entre nous en nous rappelant que même si les Yves Beauchemin et Arlette Cousture sont importants et nécessaires, il reste des défenseurs comme Ducharme qui prennent la langue québécoise et la transforment dans une langue nouvelle.
Mordecai, c’est bien. Ducharme, c’est mieux.
Les goûts ne sont pas à discuter mais à cultiver disait matante Aline et cela vaut pour la littérature .
Prenez Victor Lévy-Beaulieu . Pour les matantes qui suivaient religieusement Race de monde , L’Héritage , Bouscotte ou Montréal PQ , c’était le plus grand écrivain .
Pour nous qui avons découvert le joual ou le langage populaire du bon peuple québécois , Michel Tremblay demeure notre héros national . Pourquoi pas Gabrielle Roy et son Bonheur d’occasion décrivant cette sympathique famille de Saint-Henri . Yves Beauchemin et son Matou ou encore Claude Henri Grignon et son Séraphin , Marcel Dubé et son Simple soldat mais jamais Mordecai Richler qui me laisse le souvenir d’un juif anglophone détestant souverainement les québécois .
Comme il serait difficile de nommer le meilleur écrivain . Essayez avec le hockey ? Gretsky , Lemieux , Richard ? Meilleur humoriste ? Deschamps , Petit , Houde ? Pas facile , sinon impossible .
Le meilleur ne fera jamais l’unanimité et c’est pour cela que chaque écrivain risque d’être le meilleur d’un lecteur en particulier . Tout dépend des goûts .
Le plus grand,le plus prolifique,le plus démesuré,le plus urbain,le plusse meilleur et puis quoi?Qu’est-ce que c’est que cette idée de classer les romanciers en rang de grandeur?Installer Richler sur le piédestal posthume de l’excellence suprême c’est décider que tous les autres sont un chouïa inférieurs à ce personnage.Malgré ces critiques négatives sur le Québec et les québécois,je ne suppose pas qu’il ait eu l’égo enflé au point d’être fier de la statue que vous lui élevez.Personnellement,je n’ai lu aucun de ses romans et je n’ai pas l’intention de corriger ceci dans un proche avenir.Non parce que je suis nationaliste mais parce que je n’ai tout simplement pas terminé d’explorer notre littérature francophone et que je préfère encourager celle-ci avant tout.Ce qui ne m’empêche pas de lire des auteurs anglais du ROC,d’Angleterre et des USA.
Ah cette notion d’excellence!Elle a la vie dure c’est le moins qu’on puisse dire et pardonnez-moi d’oser mais il semble que cette notion ait un sexe:une seule romancière nommée et disqualifiée pour cause de ruralité.Voilà qui va faire plaisir aux régions…Typiquement masculin cette idée de gagner au fil d’arrivée.Or,si cette notion que je déteste d’être LE 1er peut avoir un certain sens dans les mondes du sport ou des affaires,je crois fermement qu’elle n’a pas sa place en littérature.En est-on à décider comme on le fait aux Jutras de récompenser l’auteur qui aura été le plus populaire?Qu’est-ce qui définit qu’un auteur est meilleur qu’un autre?
Parmi les Nobels de littérature,la présence des femmes est négligeable et pourtant Margaret Atwwood(Canada) et Doris Lessing(Angleterre) sont sur cette liste depuis belle lurette. »L’excellence a besoin de femmes afin de mieux sentir sa Grandeur(…)mais elle fait en sorte qu’elles n’y aient pas accès en dehors de rares exceptions ».(Hélène Pedneault,Pour en finir avec l’excellence).La littérature,c’est ce qui me rejoint sans distinction de sexe, d’époque ou de lieu d’habitation…
Vous voilà enfourchant à nouveau votre licorne, cher monsieur Dickner, à la recherche cette fois de cet élusif auteur qui serait « le plus grand romancier québécois ». Oh là là, ce que vous pouvez être impayable! Vous êtes toujours là à pelleter des nuages comme d’autres à pelleter leurs entrées. Moins la chose sera d’une utilité pratique quelconque, plus elle vous absorbera. Et le plus amusant consiste à vous voir vous débattre avec des problèmes exigeant logique et méthode alors que vous êtes si peu cartésien!
Car vous êtes, indiscutablement, de cette confrérie privilégiée de trouvères et troubadours contemporains. De cette confrérie composée d’artistes, de peintres, de musiciens, d’écrivains et de philosophes toujours prête à s’attarder sur la quadrature du cercle, ou à discuter du sexe des anges, ou encore à s’adonner au byzantinisme. Surtout si cela ne mène nulle part et ne sert à rien – sauf à rêvasser en imaginant entendre le chant des sirènes. Alors, pour en revenir à votre préoccupation passagère en attendant la prochaine lubie, qui cela pourrait-il bien intéresser que le lauréat soit Mordecai Richler ou un autre? Une petite tablée d’écrivains attardés devant leur pousse-café, peut-être? À l’heure où les honnêtes gens dorment du sommeil du juste?
Et pourtant, je crois sincèrement que ce sont tous ces rêveurs, ces jongleurs d’idées, de mots, de couleurs et de notes qui ont l’heure juste. Et que ceux qui sont vraiment à plaindre sont ceux pris à dégivrer leurs parebrises au petit matin avant de partir déjà fatigués gagner de quoi payer l’hypothèque et le prêt-auto. Tandis que vous, cher monsieur Dickner, vous passerez sans doute la journée à prendre garde autant que possible aux fleurs du tapis, en méditant possiblement un peu sur le Popol Vuh pour le cas où vous seriez encore en train de raconter l’Histoire du Monde à votre fille, et à soupeser Richler, Ferron et Roy. Occupé à des choses inutiles, mais qui font que la vie mérite d’être vécue.
Votre débat est bien beau, mais pendant que je lisais l’article, une question me tracassait l’esprit. J’ai fait 11 années de français tant au primaire qu’au secondaire et en plus j’ai fais les quatre français au Cégep. Alors expliquez moi pourquoi je n’ai jamais entendu parler de qui que ce soit dans les écrivains qui sont cités. On parle des Mario Lemieux et Wayne Gretzky des écrivains et aucun professeur n’a jamais proposé de lire une de leur ouvre. Bref, si je fais le bilan de toute mes années de français : je fais toujours des fautes et je ne connais même pas les grands écrivains de mon coin de pays et pourtant, ce n’est pas parce que la lecture ne m’intéresse pas.
Nicolas Dickner a beau parler d’un simple jeu lorsqu’il tente de déterminer qui est le meilleur écrivain québécois (tout court…), il reste qu’il est assez difficile de ne pas le prendre au sérieux et de ne pas se taper la tête sur les murs en lisant les conclusions de son texte.
Premièrement, si monsieur Dickner croit qu’il est idiot de découper les littératures par nationalité, il devrait savoir que ce n’est pas vraiment plus malin de comparer Jacques Ferron et Mordecai Richler, deux écrivains aux méthodes stylistiques complètement différentes, qui n’ont pas été élevés dans la même culture et qui n’écrivaient pas dans la même langue, bref qui ne jouaient pas du tout dans les mêmes plates-bandes.
Deuxièmement, et ce n’est pas le fait de vivre à Montréal qui me fera dire le contraire, je ne pense pas du tout qu’une oeuvre littéraire »urbaine » soit nécessairement plus moderne et plus pertinente qu’une oeuvre littéraire »régionale ». La plupart des romans de Knut Hamsun ont pour cadre des villages ou des lieux très isolés (comme des forêts ou un sanatorium) , ce qui n’a pas empêché cet auteur de faire des portraits subtils et très modernes d’êtres complexes et ambigus, et de devenir l’écrivain norvégien le plus populaire de tous les temps (bon, d’accord, après Ibsen, mais quand même). Et puisqu’il est question du Québec, je dois aussi rappeler que deux de nos livres les plus modernes (plus que ceux de Gabrielle Roy, en tout cas), Kamouraska et Une saison dans la vie d’Emmanuel, ont eu du succès ici comme à »l’extérieur » même si leur action se déroulait dans le clos ben raide.
Si monsieur Dickner se croit obligé de donner la palme du meilleur écrivain québécois
à notre Face-de Basset-qui-Râle nationale, qu’il le fasse en se basant sur de vrais critères littéraires, et non parce que ses personnages se font arroser de slutch par des chars qui passent sur la main.