J'éprouve fréquemment la tentation de prendre ma retraite. De n'être plus romancier généraliste. Je pourrais enfin écrire des haïkus à géométrie variable, des micro-récits de 9 mots, voire simplement des assemblages de titres et de sous-titres autosuffisants qui jamais ne précéderaient la moindre histoire. N'importe quoi, en somme, pourvu que ça soit bref. <p>Sans doute y a-t-il un peu de paresse là-dessous – mais j'y vois plus volontiers un appel des grands espaces. <p>Je suis en effet incapable de penser en ligne droite. J'écris de manière fractale, fracturée, et il me faut régulièrement cracher trois ou quatre pages pour n'en conserver qu'une seule. Dès que je me lance dans un projet le moindrement long, le texte devient vite dédale. Trop de possibilités à gérer. En l'espace de quelques semaines, je ne sais plus s'il faut entamer une version 3.0.5, poursuivre la version 2.0.3 ou tout simplement recommencer à partir de la version 1.1 b.<p>Le roman comme labyrinthe, voilà bien une notion borgésienne. Reste à savoir si le romancier généraliste veut vraiment s'en sortir. Le roman, après tout, est le genre obsessionnel par excellence – et rien n'est plus rotatif que l'obsession. À partir de quand le labyrinthe tourne-t-il en circuit fermé? Comment s'en échapper (si possible indemne)?<p>En d'autres mots: existe-t-il une vie après le roman ?<p>Je pense souvent à la définition que Raymond Queneau donnait de l'écrivain oulipien: un rat qui construit lui-même le labyrinthe dont il se propose de sortir. Vu sous cet angle, le texte prend l'allure d'une rassurante équation. Il comporte une solution, une porte de sortie. <p>Mais cette approche est-elle vraiment adaptée au roman? Les oeuvres à contraintes de grande envergure, telles <i>La Disparition</i> ou <i>La Vie: mode d'emploi</i>, demeurent exceptionnelles. Règle générale, les dentelles oulipiennes sont aussi brèves que denses – le labyrinthe tient ici du circuit imprimé.<p>La question demeure: quelle solution doit-on apporter au problème romanesque?<p>Peut-être faut-il simplement se débarrasser du paradigme du labyrinthe, aborder la question sous un angle plus large. Le roman à ciel ouvert.<p>Je rêve souvent de vitesse. Celle avec un grand V, et non simplement la petite précipitation qui précède l'heure de tombée. Pour décrire correctement pareille allure, il faut recourir à l'astronautique et parler de "vitesse de libération" – la vélocité minimale nécessaire pour quitter l'attraction gravitationnelle d'un roman. <p>Voilà bien ce dont il est question: écrire à toute vapeur afin, littéralement, de se faire mordre la poussière.<p>Écrire comme Tokutomi Soho, par exemple, auteur d'une histoire du Japon en 100 volumes. Écrire comme Georges Simenon. Ou bien comme le poulpiste Erle Stanley Gardner, qui pouvait prétendument travailler sur 7 bouquins à la fois. Ou encore comme Barbara Cartland (pas moins de 657 romans à l'eau de rose, mes amis!)<p>Écrire comme José Carlos Ryoki de Alpoim Inou, mieux connu sous le nom de Ryoki Inoue, écrivain brésilien et – selon son site Web – "<i>escritor mais prolífico do mundo</i>". Cet ancien chirurgien a publié 999 titres entre 1986 et 1992. Lassé du roman de poche, il a ensuite ralenti sa cadence pour se consacrer à des romans plus travaillés. <p>Au moment où j'écris ces lignes (nous sommes le lundi de Pâques), sa bibliographie compte 1 075 titres. Je ne garantis pas que le chiffre sera encore exact au moment où vous lirez cette chronique.<p>Pardon? Les romans de Ryoki Inoue valent-ils la peine d'être lus? Aucune idée. Paraît qu'il a écrit plusieurs romans de faroueste. Des histoires de cow-boys brésiliens, ça ne vous intrigue pas?<p>De toute manière, je n'ai pas vraiment envie de m'engouffrer dans cette oeuvre sans fond. Ce qui m'intéresse, c'est la vitesse en tant que telle. S'agit-il – au-delà des aptitudes personnelles – d'un phénomène, d'un don ou d'une méthode? L'écrivain prolifique est-il condamné à la vélocité?<p>La vitesse, en somme, est-elle un outil?<p><b>POST-SCRIPTUM</b><p>Je m'absenterai deux semaines, le temps que passe la déferlante printanière. Nous nous revoyons donc le jeudi 3 mai, afin de jaser de Ron Popeil, des archives vidéo de la NASA et de poésie.<p>
Je pratique la course à pieds depuis cinq ans; en réalité j’appelle ça mon petit jogging , car j’ai le dos fêlé, des vertèbres tordues, et je ne cours pas vite. Cette année à la fin de l’été je m’inscrirai , pour la troisième fois, au 10 km du Marathon des Deux Rives. ( on peut lire les résultats sur leur site web ) . Ce n’est pas pour me vanter mais je ne suis pas le dernier.
Êtes-vous familier avec les temps ? Les élites font le 10 km en une demi-heure, les gens ordinaires en 50 minutes et disons , pour ménager ma vanité , que j’y mets plus d’une heure .
Mon coach , qui m’aime bien, me crie sans cesse dans les oreilles , comme Geneviève Jeanson ( si fière de son taux d’hématocrite et de son visage d’ange !) le faisait dans celles de Manon Jutras : « Pousse la pace ! Pousse la pace ! », me suit dans les compétitions en vélo même si c’est interdit. Bah ! on s’en fout et une disqualification me serait plutôt flatteur.
Comme toutes les compétitions empruntent le même parcours, il arrive que de noires gazelles filiformes du Kenya ou du Maroc, dont une enjambée équivaut à dix des miennes, aient la délicatesse toute sportive, en me dépassant de m’encourager dans ma persévérance…à laquelle je réponds en leur cédant gracieusement le chemin.
Mais que voulez-vous j’ai tellement de plaisir à être détrempé des pieds à la tête, à tordre mes t-shirt après chaque course, à décoller ailleurs en état d’aérobie, que mon cerveau semble s’envoler et ce vol intersidéral n’a pas de mots.
Lorsque je refais le trajet en vélo ou en auto, il y a des endroits ( malgré tous mes efforts de mémoire ) où je ne me souviens plus d’être passé tellement je m’absente « mentalement».
Il y a longtemps que mes ambitions et l’impatience de mon coach, ont capitulé et cédé le pas à la félicité devant le cercueil de la vitesse.
Il y a une autre possibilité quoique j’en ignore la véracité. Les livres Harlequin se fabriquent en série dit-on. On gave l’ordinateur de données générales du canevas sur un sujet précis avec certaines variantes spécifiques, en prenant soin de titrer l’ouvrage temporairement, puis on fait « ENTER ». Ne reste qu’à attendre que le génie se manifeste!
Un ami français m’a demandé un jour à la blague de lire une planche de son cru. J’avais agréé à sa demande tout en me forçant d’oublier qu’il se gargarisait d’être un amoureux fou des mots. Je pensais à Charles de Gaulle, ce grand tribun perclus de tics et de phrases interminables sur le patriotisme et cie. J’ai même osé penser à Alain Peyrefitte qui a écrit dans « le mal français » que de Gaulle avait le genre à pérorer (éditions Plon, 29 novembre 1976). Mon ami avait alors bondi aussi haut que la pyramide de Chéops!
« Ton texte est super mais peut-être un peu longuet. Ton auditoire se triturera à demeurer poli devant toi sans plus. Relis ton texte en supprimant mentalement les adverbes, il y en a trop cela devient lassant ». Il s’était exécuté par respect pour mon opinion. Puis l’orage vint. Ce fut une engueulade avec cris et fracas.
On en parlait la semaine dernière avec « l’Art d’aboutir ». Mon ami en question était incapable d’épurer son verbiage qu’il croyait essentiel pour la compréhension de sa démarche.
Question: Peut-on écrire des sagas via la technologie comme il est mentionné ci-haut? Selon un autre participant ce genre de procédé est sans âme et par conséquent ne communique aucune émotion. On allait même jusqu’à se demander si la contrainte pouvait mener à la créativité. Mon ami avait au moins raison sur une chose: l’amour des mots. Si j’ai blessé son ego, je le soupçonne cependant de viser la gloire Hexagonale, rien de moins!
Le travail intellectuel use énormément. Il mine l’esprit, taraude l’âme et éreinte le corps. Je vous souhaite une détente sereine et réfléchie. Restez vous-même et heureux.
Pour tenter de répondre à votre question je dirais que, oui, la vitesse est un outil. Mais je rajouterais que, à ce titre, la lenteur aussi en est un. À la spontanéité de l’écriture automatique répond la justesse de l’écriture longuement réfléchie. Vous avez passé en revue les auteurs les plus véloces mais vous auriez aussi pu parler de ceux qui évoluent lentement, presque imperceptiblement, étudiant chaque mot individuellement pour s’assurer que ce soit LE mot et s’arrêtant parfois quelques heures voir quelques jours pour mûrir une phrase ou une syntaxe. Ces auteurs, de par leur perfectionnisme, échappent eux aussi aux pièges du « labyrinthe romanesque ». Pas à toute vapeur comme les écrivains-novas dont vous parlez, mais sagement, en pesant et en sous-pesant chaque alternative, chaque jonction. Ils évoluent à pas lents mais sûrs vers la sortie, stables comme une planète sur son orbite. Bien entendu, ce n’est pas un rythme de croisière propice aux bibliographies volumineuses mais lorsqu’on tombe sur l’oeuvre d’un de ces auteurs on le sait des les premières pages et on le lit jusqu’à la fin, comme on déguste un repas longtemps mitonné.
Vitesse, contrainte, lieu dédié à l’écriture, vous nous faites part dans vos chroniques M. Dickner, d’un ensemble de moyens que les écrivains utilisent pour tenter d’augmenter leur productivité. Est-ce que cela démontre une certaine anxiété ou plutôt une anxiété certaine face à la production littéraire?
Nous vivons dans une société performante où la vitesse est au coeur de nos actions. Comment être plus efficient au boulot, dans le métro, au dodo? La production intellectuelle n’y échappe pas. Vos lecteurs ont hâte à votre prochain bouquin, M. Dickner. À quelle vitesse un écrivain, ayant connu un grand succès avec un premier roman, doit écrire le deuxième ? Certains diront que le plus tôt sera le mieux, d’autres évoqueront le temps comme signe de qualité et de profondeur.
Quoi qu’il en soit, ce que vous partagez avec un grand V dans vos chroniques hebdomadaires ce sont ces nombreux auteurs et leur oeuvre littéraire que vous connaissez et nous dévoiler semaine après semaine. Il faut être en vitesse grand V pour vous suivre dans toutes ces lectures, je préfère vous lire chaque semaine et connaître, un peu mieux, tous ces écrivains et le fabuleux monde de la littérature.
La vitesse semble non seulement être une qualité, mais une vertu à laquelle il faut se soumettre. Comme il faut tout faire ce qu’on veut (et/ou ce que les autres veulent) et qu’il ne faut pas faire de choix, ni prioriser, on doit tout faire rapidement, sans se soucier que ce soit bien fait. Manger rapidement (15 minutes sur une heure de dîner) pour faire ses commissions, faire tout le travail que notre patron nous demande même si on sait (et qu’il sait) qu’il nous en demande trop, pour obtenir une qualité minimale plutôt que d’obtenir une qualité optimale.
Cette recherche de la vitesse à tout prix et de la qualité minimale influent peut-être sur d’autres éléments de notre vie: la vie de couple doit durer le moins longtemps possible, on ne doit pas prendre le temps de préparer des repas savoureux (achetons des repas congelés ou des boîtes ou conserves où on n’a qu’à ajouter de l’eau, du lait et du sel). Dans ces cas, peut-on vraiment parler de recherche de qualité? Même nos choix culturels sont soumis à la doctrine de la qualité minimale: pas de réflexion quand on regarde un film, une émission, un spectacle sur scène, une oeuvre d’art visuel, on lit une oeuvre romancée ou poétique. Pas d’émotion non plus. Que de l’éblouissement, que du superficiel. Est-ce ce que nous voulons?
Souvent, je songe qu’un écrivain devrait écrire un livre dans sa vie, tout au plus deux s’il s’agit d’un prodige et trois si c’est un génie! Miron le Magnifique ne s’est-il pas attelé à la tâche; peinant sur Le Livre comme un héros de Balzac se vouant à la quête du Chef-d’oeuvre absolu, son exigence tarissant la source d’une oeuvre prolifique ou, au contraire, octroyant à L’Homme rapaillé le statut inaltérable de son historicité.
Vraiment, je songe qu’un écrivain devrait écrire un Livre dans sa vie, d’autant plus que ce que l’on retient d’un homme à son décès se résume parfois à une phrase. Par conséquent, s’acharner à parfaire l’Oeuvre durant une vie recommande que l’on doive minimiser les risques de son avortement!
Ce que l’Histoire littéraire retient d’un auteur va parfois à l’encontre de ses souhaits. Garcia Marquez, par exemple, estime que son livre le plus littéraire (son préféré) est l’Automne du patriarche. Cependant, Cent ans de solitude retient l’attention de milliers de lecteurs tandis que L’Automne, trop ardue, les effeuille.
Voilà que se pose la problématique. L’écrivain cherche constamment à énoncer ce qui l’obsède. Son oeuvre serait une suite de coït interrompu le contraignant à retourner à sa table de travail. En fait, c’est comme s’il s’était abimé sur le ruban de Moebius et qu’il tentait de redéfinir son univers psychotique.
En ce qui concerne Miron, il a repris la même matière comme si le langage était de glaise et qu’il tentait de le redéfinir en lui donnant chair. Pour d’autres auteurs, un livre écrit est un livre jeté, les confrontant à leur obsession du Grand. Ils recommenceront dans un livre puis dans un autre cette quête de la perfection. Ils commettront peut-être quelques haïkus maladroits (qui plairont à certains lecteurs manquant de temps pour lire) afin de se désengorger de l’urgence du dire mais devrait recouvrer la raison et poursuivre la route de l’oeuvre ouverte.
Bon, celle-là, je la conserve ?
Vite fait, prêt à consommer, et jeter après usage! Nous sommes dans une société de, surconsommation, il ne faudra jamais l’oublier. Un piège fort tentant, il faut bien l’admettre. Écrire, sous un pseudonyme, des livres : fleuves, de pornos, de biographies (autoriser ou pas) etc. Pire, faire écrire quelqu’un d’autre, à sa place (les nègres blancs). On est certain, que c’est impeccable, aucune bavure, aucune faute : ah-ha! Mais, surtout aucune identité.
Si cela ne pose, aucun dilemme de perception, de sa propre personnalité, pourquoi pas? Tout le monde fait, fais-le donc? Et l’intégrité? Envers soi-même, envers les lecteurs? Pas vraiment à l’aise, comme on dit. Alors tant pis, on prendra le temps de se lire, de se relire, de recorriger, de peaufiné le style, et tant pis si, on laisse des coquilles… Finalement, n’est-ce pas cela, le propre de l’être humain : accepter sa propre nature, avec ses imperfections?
On écrit quand on a quelque chose à dire. On écrit, certes, pour soi, mais on écrit surtout pour les autres. L’écrivain tire souvent sa motivation personnelle du fait qu’il est lu. Est-il intéressant? Original? Populaire? Populiste? Classique? Est-ce important de le catégoriser?
Du point de vue du lecteur, si l’histoire est intéressante, que l’écrivain ait réalisé son oeuvre en une semaine ou en vingt ans…C’est du point de vue de l’auteur que cela est important.
Flaubert gueulait ses phrases pour en ressentir l’effet et, jamais satisfait, il recommençait. Son oeuvre est-elle plus intéressante que celle de Hugo ou de Balzac? Qui doit en juger ? Les lecteurs. La thérapie de l’auteur, son angoisse devant la page blanche, son perfectionnisme latent, cela nous importe peu. Seul le résultat compte.
Tout d’abord, cher monsieur Dickner, je m’empresse de vous signaler que la vitesse, la précipitation en quoi que ce soit, apporte rarement les meilleurs résultats. Bien sûr, pour l’écrivain possédant une belle érudition, du vocabulaire et un style plaisant, un truc fabriqué à la course – et ne s’avérant pas aussi bon qu’il aurait pu l’être – sera malgré tout bien supérieur à ce qu’un noircisseur de papier produira. Quand c’est bien dit, déjà c’est plaisant. Ce qui rejoint sans doute un peu ce qu’en a dit Giovanni Papini (1881-1956), un écrivain italien: « Il y en a qui ne disent rien, mais le disent bien ».
Mais ce n’est pas pour autant une raison d’aller vite. Et pour gagner du temps, parce que c’est de cela qu’il s’agit, le meilleur moyen est de procéder avec méthode. La vôtre, même s’il faut reconnaître qu’elle permet des résultats fort intéressants, ne me semble cependant pas très efficace. Elle paraît même assez pénible et, franchement, je vous trouve beaucoup de mérite à persévérer. Et je comprends cette tentation qui vous guette de ne plus vouloir écrire que des titres et des sous-titres… Mais, pour le cas où vous décidiez d’ajouter quelques pages à ces titres et sous-titres, voici une approche qui pourrait vous inspirer venant d’Alexandre Dumas père (1802-1870): « En général, je ne commence un livre que lorsqu’il est écrit ».
De la sorte, il ne peut plus y avoir de ces versions 3.0.5 et ainsi de suite. Vous n’avez plus à jongler avec des tas de possibilités en cours d’écriture car vous savez déjà où vous allez. Sauf quand je suis coincé par le temps, c’est d’ailleurs l’approche que j’ai moi-même retenue. Dans un premier temps, je réfléchis à mon propos en prenant des notes, je trouve les diverses références et citations pouvant m’être utiles et, ce travail de préparation terminé, il ne me reste plus qu’à écrire ce que je sais déjà que je vais écrire. Avec un peu de peaufinage ici et là, le tour est joué. Vous en ferez l’essai, un jour…
Monsieur Dickner, je n’ai aucune idée du comment un roman se crée. C’est un mystère. Je n’écris pas de romans, je les lis tout simplement.
La qualité d’un roman, c’est ce que je pourrais appeler la construction d’un imaginaire, à partir d’une vie, d’un incident, d’une rêverie, d’une pensée fugace, d’une action. Dans le roman, j’aime autant la constance et l’habituel que l’incongru et l’extraordinaire. Le roman n’a pas de langue; il peut être français, anglais, norvégien ou allemand. Je les lirai tous en français. Les traductions sont nécessaires; ce qu’elles nous privent, elles nous le redonnent en nous donnant accès à cette littérature du monde.
Je ne sais pas pourquoi, mais j’apprécie, aujourd’hui, beaucoup plus le roman que l’essai historique, la biographie, le traité sociologique ou politique… Venu du positivisme éclairé, j’ai abordé le romanesque sur le tard. Le temps m’est compté. J’ai besoin de guides; vous en êtes un. Dans cette multitude, que lire? S’il y a l’angoisse de la page blanche chez l’écrivain, il existe, chez le lecteur, sûrement la peur d’un roman essentiel ignoré.
En somme, le roman m’apporte un moment d’arrêt, un moment de silence (même si je lis parfois à voix haute). Je suis un lecteur lent. J’en sors parfois bouleversé comme à la sortie d’un cinéma après le visionnement d’un grand film. Je me dis alors que j’ai vécu un tout petit atome d’éternité.
Les gens en veulent, en redemandent…les écrivains n’ont pas le choix de produire s’ils veulent s’en sortir. Regardez juste J.K. Rowling avec Harry Potter. En écrivant le 1er livre, madame Rowling laissait aller son imaginaire mais ne s’attendait certainement pas au succès phénoménal qu’il a connu. Dès lors, elle a dû se mettre à la production pour répondre aux attentes des lecteurs.
Si vous voulez écrire vite, n’écrivez que sur un blogue, ou une chronique comme celle-ci et laissez faire les livres si vous trouvez cela trop difficile. Si c’est la vitesse pour atteindre un nombre faramineux de livres publiés qui vous intéresse, alors je n’ai aucun conseil pour vous. Personnellement, je ne lis pas les oeuvres de quelqu’un seulement parce qu’il en a écrit 1057 par exemple. Je peux lire un auteur même s’il n’a écrit qu’un seul livre et qu’il ne contienne que 100 pages. L’important c’est que ce soit intéressant. Écrire pour écrire, juste pour aligner des mots, tout le monde peut faire cela. Regardez, c’est ce que je fais présentement. Écrire pour raconter une histoire, décrire une situation, une émotion, voilà la raison d’un livre.
Cela me fait étrangement penser au discours de quelqu’un qui a le trac.
Avant de monter sur une scène, ce sentiment est très fort et ne cesse qu’à la minute où l’artiste se dévoue totalement à sa passion et à son art; en fesant le pas décisif qui le fera apparaître sous les projecteurs… Au momnet où il serait ridicule de faire demi tour et d’abandonner la foule avide, il décide d’offrir sa création aux regards du monde.
Je ne doute pas que l’écrivain ne puisse se dérober au trac car en tant que créateur, il se doit de faire le pas décisif de dire, en tendant son ouvrage vers les lecteurs et le monde subjectif de la critique, « Voilà mon ouvrage, bonne lecture! ».
Quand un enfant nait, on l’aime tant qu’on voudrait le protéger de tout regards ou choses malsaines et/ou épreuves difficiles, mais force est de constater qu’une vie sans épreuve, est vie sans sens, car elle est vide d’expériences et de leçons, vide d »existence.
Des « titres et des sous-titres autosuffisants qui jamais ne précéderaient la moindre histoire » me font penser à un téléhoraire!
Ainsi, si je puis me permettre ma suggestion à moi, pour ce qui est de la version à choisir entre les trois proposées, je pense que celle qui vous plaît le plus sera sûrement celle qui saura nous plaire, à juste mesure, tout autant. Et qui saura vous rendre fier de ce que vous nous offrirez comme cadeau de lecture.
Bon choix et bonne route jusqu’à l’accouchement!!!
(Et puis, ça prend le temps que ça prend une « gestation », même si des fois ça pèse lourd et que ça provoque l’insomnie et parfois même, des brûlements d’estomacs!!!)
Au plaisir de vous y recroiser dans deux semaines.
En cette mystérieuse période d’abondance littéraire, il peut paraître normal de fantasmer écrire des romans à la vitesse à laquelle Fabienne Larouche élabore le destin des personnages de Virginie. Mais, il me semble qu’il ya plus important. Capote a écrit combien de romans ? Si je ne m’abuse, il n’en a publié qu’un seul. Pourtant…
Le plus important n’est donc pas la quantité, mais la qualité. Voilà pourquoi un Stéphane Bourguignon ou un Guillaume Vigneault me semblent indiscutablement des écrivains de valeur malgré une bibliographie bien brève, alors que d’autres à la bibliographie abondante ne me touchent pas autant.
La vitesse en elle même n’a donc que bien peu de valeur en matière d’art. Voilà qui me semble d’autant plus vrai que nous sommes obsédés de productivisme, que dans toutes ses sphères, la vie nous bouscule.
Pour le dire autrement, je perçois le roman comme l’un des derniers refuges contre cet état de fait. Voilà pourquoi je n’ai que bien peu d’intérêt pour ceux qui écrivent des romans comme d’autre écrivent des modes d’emplois, c’est-à-dire à la vitesse grand V. Comment ne pas sentir bousculé par l’ouvre d’un Ryoki ?
Mais bon, ce n’est là que l’opinion d’un auteur qui ne compte que quelques articles à sa bibliographie ! Plus encore, l’écriture d’un roman m’apparaît comme une montagne insurmontable.
Je peux cependant comprendre les angoisses d’un écrivain qui s’atèle à la version 2.3.9 de son roman, ou même d’un seul de ses chapitres, mais n’est-ce pas cet inlassable affinage qui parvient à donner vie à des personnages inoubliables ?
Cher Dickner, je vous en prie, prenez tout votre temps, mais revenez-nous avec un roman digne de Nikolski. Cela vous aura certainement pris plus de temps qu’un Ryoki, mais il aura bien plus de valeur, plus de profondeur que les 1075 titres de ce dernier. Enfin, voilà ce que j’en pense sans même lire l’ouvre de ce dernier, car loi de sortir de la masse, elle l’incarne…
La vitesse
La vitesse est un élément très futile. En effet, ce n’est pas la vitesse elle même qui compte mais davantage ce qu’elle produit, cause ou entraîne. La réalisation d’un coureur n’est pas à quelle vitesse il court, mais bien sa victoire elle-même qui découle de la vitesse. Ce que je veux dire, c’est que peut-importe la vitesse à laquelle ces romanciers écrivent, ce qui demeure le plus important est leur texte. Certains peintres produisent une toile magnifique en quelques instants à peine alors que pour un autre, cela lui prendra tout un mois. Cependant, ces deux hommes peuvent arriver sensiblement au même résultat.
L’écriture
L’écriture n’est pas un art très facile, même si on l’étudie durant plusieurs années, il faut la vivre. Dans chacun des mots se trouve une subtilité comparable aux différents sucres des fruits. Certaines personnes ont le mot juste pour tel ou tel événement ou sentiment. L’écriture d’un texte court nous permet d’exploiter cette force des mots parce qu’ils ressortent tous. D’un autre coté, un long texte noie les mots dans un océan; ici, c’est l’histoire qui compte. Ainsi, le fait qu’une histoire soit bonne ou mauvaise est très subjectif.
Valeur
La valeur d’un texte ne se situe pas dans le prix de vente du livre ou dans la critique qu’elle reçoit. Au contraire, c’est l’auteur lui-même qui peut voir la réelle valeur de son livre, selon son investissement dans celui-ci. C’est à ce niveau que les auteurs à répétition se noient à leur tour.
Je viens de terminer le récit autobiographique de Sabine Dardenne qui raconte avec brio l`histoire de son enlèvement et de sa séquestration de plus de 80 jours entre les mains d`un pédophile crasseux du nom de Marc Dutroux.
Ce livre s`intitule:J`avais 12 ans, j`ai pris mon vélo, je suis partie à l`école…
Paru en 2004, la jeune femme de 20 ans à peine s`est laissée convaincre de raconter au monde entier l`histoire du tristement célèbre Marc Dutroux par l`écriture de ce récit.
Âgée d`à peine 12 ans au moment de son enlèvement, c`est l`écriture qui a permis à cette enfant de ne pas se laisser aller au désespoir durant sa captivité. Écrit avec beaucoup de talent, ce livre s`il n`en est pas facile émotivement de le lire, ce livre soulève notre admiration devant cette jeune auteure prometteuse.
Comme quoi un livre bien écrit reste d`actualité malgré le temps qui passe.
Un livre que je vous recommande particulièrement si vous vous rappelez cette histoire qu`on a surnommé par la suite comme étant l`affaire Dutroux en Belgique.
Pourquoi toujours essayer de se comparer aux autres ? Prendre les cas extrêmes du monde et se rabaisser. Nous vivons dans un monde de vitesse, où la compétition n’a jamais été à un si haut point.
L’important, c’est de faire les choses bien, arrêter de courir et de vous comparer. Faite ce que vous avez affaire et le seul que vous devez battre, c’est vous-même et ce dans n’importe quoi que vous ferez. On devrai essayer de se dépasser nous même et non d’essayer de rivaliser avec les autres. Car, on trouvera toujours un meilleur et vous ne serez jamais satisfait.
Je me ferai remarquer une fois de plus pour la forfanterie de mes propos qui ont la prétention d’aller à l’essentiel et sans trop de détours.
Il n’y a selon moi que deux façons de trouver un fil conducteur qui permette au romancier de sortir du Dédale que représente cette forme d’art né avec le triomphe de la bourgeoisie et que l’on nomme roman, du moins celui qui est de la facture moderne que nous connaissons.
Est-ce le roman de Jonathan Littell, les Bienveillantes dont la lecture récente influence encore ces propos, mais il me semble que l’un de ces fils conducteurs rejoint ce qu’il est convenu de nommer l’Histoire, cette suite d’événements qui dépasse notre histoire personnelle et qui en prend même le contrôle dans les périodes les plus critiques.
Il y a aussi une autre voie tout aussi certaine qui s’apparente au récit, celui de sa propre vie et qui rejoint aussi l’Histoire parfois. Cette fois, c’est un roman d’Evguénas Guinzbourg, le Vertige, qui me donne cette certitude.
Refuser ces parcours serait-il refuser aussi le roman ?
On rêve tous de la vitesse. Aller vite, pour gagner du temps ou par paresse. Mais il y a encore des choses qui, aujourd’hui, ne peuvent être faites rapidement. Écrire un roman suppose un temps long qui s’étire indéfiniment. Lire une oeuvre requière aussi un arrêt de la vitesse, une suspension momentanée du facteur temps. Et le temps de l’écriture et de la lecture n’a rien à voir avec la grosseur du livre.
Tout cela est en lien avec la qualité: on ne lit pas un roman de Balzac aussi rapidement qu’un roman policier, et, à moins de me tromper royalement, un roman comme celui de Queneau prend plus de temps à écrire qu’un charmant récit à l’eau de rose. Vous voyez, il y a bien un rapport entre la vitesse et le roman. Mais ce dernier est plus près du ralenti, du pesé, du paufiné que du rapide, de l’empressé et du négligent.
J’admire un homme comme Flaubert qui a mis une éternité pour écrire ses romans. Il raturait, coupait, ajoutait. Il allait même à sa fenêtre pour crier des bouts de ses textes, afin d’entendre la sonorité de la phrase. On a retrouvé, uniquement pour le chapitre I de la partie III de L’Éducation sentimentale, plus de 400 pages manuscrites. Vous imaginez! 400 pages écrites pour environ 50 pages publiées par la suite. Ouf! Ça m’impressionne, car on sait qu’il a pris le temps de choisir le bon mot, la phrase parfaite. Et c’est vrai que la bibliographie flaubertienne est petite, comparativement à d’autres, sauf que, pour plusieurs littéraires, la modernité du roman commence avec lui.
Je crois que la modernité se fait au ralenti, à petits coups de ratures, de versions, d’ajouts et de suppressions.
Vient de paraître chez Modulo : L’analyse littéraire — Un art de lire et d’écrire, de Marie-Thérèse Bataïni et Marie-Josée Dion. C’est un ouvrage que j’ai lu avec intérêt et … satisfaction. Satisfaction de pédagogue, d’abord, puisque ce manuel est rédigé dans des termes simples, clairs et justes ; il permet à l’élève de saisir et d’intégrer graduellement les notions et habiletés nécessaires à la compréhension des textes littéraires, à leur analyse et à la rédaction de commentaires sur ces textes. Satisfaction de littéraire-linguiste, ensuite, puisque les auteures proposent une approche qui met l’accent sur les composantes du texte littéraire : les mots, les phrases, les figures de style.
On l’aura deviné : l’intérêt de cet ouvrage ne vient pas de l’originalité des sujets traités (chacun enseigne déjà, à sa façon, les notions qui y sont présentées), mais plutôt du traitement apporté à ces sujets. Le manuel est d’abord rédigé pour l’élève. C’est l’élève qui a besoin qu’on circonscrive la matière du cours d’analyse littéraire et qu’on la lui présente en un ensemble fini et cohérent ; c’est l’élève qui a besoin qu’on lui fasse découvrir avec simplicité les univers fascinants (et très différents) de la poésie, du théâtre et du récit ; c’est encore l’élève qui demande qu’on le guide pas à pas sur le chemin tortueux et ardu de l’analyse littéraire et de la composition de commentaires ; c’est enfin l’élève qui ne demande pas mieux que de pouvoir lire un roman ou un poème avec la même aisance que son professeur, d’aller au théâtre avec le même empressement que lui.
Si j’étais une élève, j’apprécierais ce manuel parce qu’il me procurerait une satisfaction toute simple : celle de pouvoir accéder au plaisir de lire et d’écrire avec assurance.
…ou la poule avant l’oeuf? On « zoome » sur la vitesse ou on adopte le pas promenade du dimanche?La quantité ou la qualité? La fuite en avant ou le retour en arrière? Je réfléchis ou j’agis?
OU:équivalence ou alternative; implique un choix puisque seul l’un des sujets pourra réaliser l’action.
Concernant l’écriture,l’idée de comparaison m’apparaît plutôt improductive parce qu’elle implique la notion de compétition;or,au nom de qui ou de quoi devriez-vous vous mesurer à un autre auteur?La quantité n’étant pas nécessairement opposable à la qualité,un auteur peut être prolifique et écrire des choses pertinentes(Simenon) comme il peut être prolifique et surfer sur une recette sans se casser la tête(Cartland)…Gaston Miron est-il moins bon de n’avoir écrit que sa Marche à l’amour,long poème-fleuve?
Votre chronique de cette semaine rejoint en pensée la précédente dans laquelle vous vous questionniez sur qui était LE plus grand écrivain québécois.Le moins que l’on puisse dire est que vous semblez obsédé par la performance or,ce sentiment est mauvais conseiller.Votre 1er roman a eu du succès et on pourrait dire que cela est une chance mais je n’en suis pas si sûre.La plupart des critiques littéraires ont tendance à dire que c’est le 2e qui sert de test et elle est portée à être plus sévère pour la suite des choses.Est-ce votre préoccupation? Serai-je aussi bon? Qu’arrivera -t-il si le 2e tarde trop?
Le succès place la barre plus haute…mais cela ne devrait pas vous empêcher de rester vous-même.Il n’y a pas de recette absolue au succès;ce n’est pas plus vous écrivez, meilleur vous êtes ou moins vous écrivez,moins bon êtes-vous.Le nombre de pages ou le nombre de livres ne sont pas non plus des déterminants;voyez pour exemple,Christian Bobin:plusieurs livres,la plupart ne font pas plus de 40-50 pages et il doit surtout son succès au bouche à oreille…
Ne vous laissez-pas distraire par des futilités et gardez le cap…nous vous attendons sans impatience.
J’écris un peu et je connais l’urgence d’écrire. Elle me hante toute la journée. Parfois, je me précipite pour former un discours pas forcément littéraire mais il y a urgence. Il y a panique. Il y a impossibilité de ne pas écrire, cependant l’urgence n’est pas synonyme de médiocrité. Il y a urgence à écrire, mais à écrire bien. Il y a urgence à récrire. Je ne crois pas à la masse mais à la dissection. Je ne crois pas au volume mais à la feuille. Je ne crois pas à la phrase mais aux mots qui la composent. Ce n’est pas littéraire la première fois, mais ça le devient. Je suis un partisan de la lenteur. Il est toujours urgent d’attendre, de laisser le texte s’inventer et de se diffuser lui-même. J’écris bien si je n’écris plus, si le texte à gagné sur moi. Vite, écrivons lentement, voulez-vous ?