Nous parlions, la semaine dernière, de l'écart grandissant entre le nombre de livres publiés et le nombre de livres lus. Ce phénomène influence non seulement nos pratiques, mais aussi notre rapport au temps, à la mémoire et à l'histoire.<p>De nos jours, la vie commerciale d'un roman typique oscille entre zéro et trois mois: il s'agit du temps passé en vitrine, sur les présentoirs ou dans les médias. Passé ce délai, le bouquin est classé dans les rayons, voire renvoyé à l'entrepôt du distributeur. Les chances qu'il tombe entre les mains du lecteur se trouvent alors réduites à presque rien.<p>Certains livres s'en tirent mieux, certes, mais la presque totalité demeurent en sursis. Pensez à tous ces ouvrages qui semblaient incontournables en 1987 et qui, aujourd'hui, ne font plus guère parler d'eux. <p>Amusante coïncidence, il s'agit souvent d'oeuvres que ma génération a lu au cégep. Les premiers titres qui me jaillissent à l'esprit sont des essai anglo-saxons – <i>Small is beautiful</i>, <i>Le choc du futur</i>, <i>Écotopie</i>, <i>Libres enfants de Summerhill</i> -, mais je pourrais, et vous aussi d'ailleurs, sans fouiller trop longtemps, avancer de nombreux titres littéraires d'ici ou d'ailleurs. Vous m'excuserez de n'en nommer aucun: tous ces auteurs ne sont pas morts, et je ne tiens pas à me faire plus d'ennemis que nécessaire.<p>D'ailleurs, si vous voulez absolument des noms, allez consulter la liste des lauréats de n'importe quel prix littéraire, par exemple le Prix du cercle du livre de France, jadis notoire, décerné de 1950 à 1985 (ce qui n'est pas rien) et tombé maintenant dans l'oubli le plus profond.<p>J'ai été passablement troublé d'entendre une Parisienne m'annoncer, en février dernier, que Michel Tournier était <i>out</i>. Elle n'a pas cherché à m'en dévoiler le pourquoi ni le comment. Sans doute se bornait-elle à exprimer un simple constat factuel: les livres vont et viennent, disparaissent tôt ou tard dans le rétroviseur. C'est comme ça.<p>Notez bien que le phénomène n'est ni absolu, ni linéaire. <i>Moby Dick</i> par exemple, publié en 1851, est tombé dans l'oubli presque immédiatement pour n'être redécouvert qu'un demi-siècle plus tard.<p>Les classiques sont toutefois rares (et ils sont sans doute bien plus célèbres que lus). Dans l'écrasante majorité des cas, les livres ne vivent pas même une saison. Le phénomène est sans doute aussi naturel que la pluie, le vent ou les épidémies annuelles d'influenza.<p>Or, voici bien le mystère: si la situation tient moins à notre libre arbitre qu'à des algorithmes météorologiques, alors pourquoi persistons-nous à nous justifier? Pourquoi nous entêtons-nous à brandir des catégories faussement rationnelles comme "livre dépassé", "bouquin ayant mal vieilli" ou "texte daté"?<p>Peut-être avons-nous simplement peur de reconnaître que nos lectures obéissent essentiellement à des effets de mode? Que la nouveauté qui nous transporte d'enthousiasme en 2007 ne vaut guère mieux, dans l'absolu, que la nouveauté de 1973 ou celle de 1952?<p>Poussière tu étais, poussière tu redeviendras.<p>Cette histoire me rappelle "La bibliothèque de Babel", un texte où l'intemporel (!) Jorge Luis Borges décrit un monde entièrement constitué de millions de salles hexagonales, tapissées de livres. Tous ces livres contiennent le même nombre de pages sur lesquelles sont imprimées aléatoirement les 26 lettres de l'alphabet. Cette bibliothèque infinie contient tous les textes possibles, depuis l'épopée de Gilgamesh jusqu'au prochain roman de Dan Brown – mais on y retrouve essentiellement du bruit, des bribes de mots insensés et incompréhensibles.<p>Il s'agit, autrement dit, des livres qu'auraient rédigés 10 millions de chimpanzés en piochant sur 10 millions de dactylos pendant 10 millions d'années.<p>Cette allégorie est plus proche de la réalité qu'on le soupçonne.<p>Allez dans une grosse bouquinerie un peu bordélique, le Colisée du livre par exemple, et ouvrez un roman quelconque paru en 1951. Vous comprendrez les lettres, les mots, la syntaxe – mais il y a fort à parier que le propos ne vous touchera pas. Le sens aura déjà commencé à s'effriter. Qu'on le veuille ou non, les livres s'inscrivent dans le siècle, et il est inévitable que, d'époque en époque, la plupart d'entre eux perdent leur sens et leur signification.<p>Dans 10 000 ans, seuls les archéologues parviendront à comprendre le dernier roman de Janette Bertrand.<p>
Oscar Wilde, cet auteur bien plus célèbre que lu, a fait cette déclaration dans le sens duquel j’abonde : « La mode est une forme de laideur si intolérable qu’il faut en changer tous les six mois. »
Donc, si certains livres sont à la mode
et si ce qui est à la mode est d’une laideur intolérable
Certains livres sont donc d’une laideur intolérable.
Sauf que là où se situe la subtilité de la chose, c’est qu’une laideur intolérable peut-être artistique, intéressante, et voire même captivante.
C’est le cas, en outre, des oeuvres expressionnistes ou néoexpressioniste. Je suis moi-même admiratrice des toiles de Chaïm Soutine et de Edouard Munch. On ne peut pourtant pas dire qu’ils font dans le joli… « Le cri » n’a pas grand chose à voir avec les séraphins de Raphaël !
Il en va de même pour les romans. Y a-t-il une oeuvre plus insupportable que « Le vieil homme et la mer » ? Tout le long du maudit roman, le héros poursuit un but avec acharnement, s’accroche à l’espoir malgré moults obstacles et à la fin, qu’arrive-t-il ? Il échoue ! Insupportable, je vous dis ! Et pourtant, tel le personnage central, on ne décroche pas et on tourne les pages avec gourmandise !
Les textes de Baudelaire ne sont-ils pas laids ? Faire un poème sur une charogne ! Pouvait-on faire plus dans le mauvais goût ? Et pourtant, ces vers charognards, j’en raffole !
***
Ordinairement, je me soucie peu de ce qui est à la mode. Je lis ce qui me plaît au rythme qui me convient : je suis une dégustatrice plus qu’une dévoreuse et mon but n’est pas de théauriser les oeuvres lues mais plutôt de les approfondir. Si un livre ne me plaît pas, il aura beau être à la mode, je ne m’y attarderai pas : ce serait faire outrage aux autres. Par contre, je peux y revenir 2 ans plus tard et y trouver mon compte.
Lire, c’est d’abord et avant tout être attentif à soi-même.
Un de mes auteurs favori est La Rochefoucauld, et il n’est plus du tout à la mode (hélas !)
M’en voudrez-vous de succomber à la facilité de la caricature, si je vous résumais l’histoire de notre humanité par deux mots : l’excitation de l’hystérie et la léthargie du coma. En effet, on dirait que cette histoire tantôt ressemble à un long fleuve tranquille et tantôt aux films de terreur. Tantôt seuls les grains de sable , dans les interstices de ses orteils, parviennent à troubler la quiétude du pétard en string et bronzée, alanguie sur la plage. Tantôt même les artistes s’abandonnent à la frénésie fratricide de se taper sur la gueule à cause de débats romantiques, de la guerre des anciens et des modernes ou plus loin dans le temps de la querelle des iconoclastes et des iconodules. C’est dire qu’en art et en littérature on se bat autant qu’on se flatte.
L’histoire suivante a fait l’objet d’une nouvelle de René Béletto et elle se déroule en l’an 4578, au moment où les terriens ont colonisé l’exoplanète NGC 3452 et que les continents de la terre sont transformés en de gigantesques musées au nombre infini de salles. De temps à autre on engage de jeunes diplômés , d’archéologie ou d’histoire , on leur donne plans et cartes et instructions de survie et on les lance à la recherche des artefacts anciens égarés qu’un conservateur un peu fêlé aurait rassemblé sous le titre pompeux :« La décennie de la métamorphose » . Les voilà partis à la recherche de photos qui n’en sont pas et de sculptures faites avec des rebuts. Reviendront-ils avec leur butin ? On raconte dans les colloques savants que plus d ‘une équipe aurait disparu au cours d’expéditions aventureuses sur ces continents ignorés.
Cette nouvelle de René Belleto existe vraiment .Je l’ai lue il y a une quinzaine d’années; mais j’en ai perdu la référence et aimerais bien la relire. Se trouvera-til parmi les lecteurs attentifs, assidus et cultivés de cette chronique , une âme généreuse et charitable qui m’aidera à retracer le titre de la nouvelle et du recueil ?
La bibliothèque ne fait plus partie du mobilier obligé de l’homo sapiens. Les gadgets électroniques trônent maintenant dans nos salons. Nos intérêts changent au gré des événements. Les Québécois de l’Exposition universelle de 1967 ne sont pas ceux de la Deuxième Guerre mondiale. Tit-Coq de Gratien Gélinas nous touchaient parce que des milliers des nôtres venaient de mourir en Europe. Nos préoccupations décident de nos choix de lecture, et notre champ d’intérêt s’est largement étendu. Mais ce qui me surprend, c’est le succès des romans d’époque. Michel David et ses pairs dans le genre voient leurs oeuvres s’envoler comme des petits pains chauds. Les éditeurs perdent de l’argent en ne rééditant pas les best-sellers de l’époque. Il me semble que, dans cette mouvance, Antoine Gérin-Lajoie et Pierre Chauveau reprendraient du galon même s’ils sont morts. Et même les incontournables de 1987 pourraient revivre, comme Myriam première de Francine Noël. On ne peut pas dire que son oeuvre soit tombée dans l’oubli. Le dernier-né pousse l’aîné sur la tablette du haut. Une sélection s’impose d’elle-même, et pour des raisons mystérieuses apparaissent des immortels, tel Le Libraire de Gérard Bessette. Allez savoir pourquoi l’index nous intéresse en 2007? Les professeurs en seraient-ils responsables? La mémoire du temps est encore très vive parce que nous publions véritablement depuis les années 40 seulement. Grâce à la guerre, les éditeurs ont hérité de la publication des auteurs français. Depuis la roue tourne, et le réseau des bibliothèques l’alimente. On n’a jamais autant lu quoiqu’on en dise. La fréquentation scolaire obligatoire depuis 1964 a formé des lecteurs, et les bibliothèques ont poussé dans tous les villages. Ce qui manque, c’est une émission littéraire non câblée à l’heure de grande écoute. Bref, la littérature, c’est quelque chose en continuelle ébullition. On n’a pas à s’inquiéter des oeuvres qui passent. Ce que je déplore, c’est le luxe des publications d’antan.
Je crois que vous errez, Monsieur Dickner. Les chimpanzés ne sont pas ceux que vous croyez. Les chimpanzés sont ceux qui veulent avoir tout et tout de suite. La réflexion ne se retrouve pas parmi les points forts de ces charmants primates. Avoir avoir travaillé, bu et forn…, ils veulent relaxer. Une émission de télévision ou un film qui ne fasse qu’éblouir plutôt que réfléchir, un livre ou un magazine qui les flatte dans le bon sens du poil (parfait pour un chimpanzé) plutôt que de les remettres en question.
Le problème est que nous ne semblons pas vouloir quitter le stade du chimpanzé pour atteindre le stade de la réflexion. Cela signifierait-il notre régression?
Votre constat m’arrive après un courriel qui me dit que jamais je n’entrerai en librairie. Mon éditeur (Qui publie 1830 livres par année) ne générant pas assez de potentiel pour un distributeur comme Benjamin.
Il faut dire que ce distributeur est considéré par les libraires comme un 2 de pique. Ils préfèrent nettement Québécor. Ce dernier ne distribue que ce qui est imprimé, édité chez Québécor…
Pourtant ce que j’ai écris a un sens et en aura toujours. Cela n’a pas été tapé par un singe. Cela parle de la nature profonde de l’être humain et celle-ci est intemporelle et c’est pour cela que le livre de Mme Bertrand va continuer à être compris dans 10 000 ans parce qu’il traite de la famille et donc de quelque chose qui est profondément humain. La structure familiale existe depuis l’apparition de l’homme. Et nous sommes pas mal les seuls à avoir ce sens de la famille.
Revenons sur un titre dont vous parlez. Moby dick: Tombé dans l’oubli puis considéré aujourd’hui comme le plus grand livre américain. Une lecture m’a suffi. Beurk (C’est très personnel). Rien à voir avec les qualités d’écriture de Jeanette Bertrand ou Anne Robillard ou JRR Tolkien. Introduisons Isaac Asimov. Ils sont différents et pourtant pareils: Ils expliquent des ressentis peu importe l’époque ou la planète. Je crois fermement qu’ils se sont inspiré du quotidien.
Je sais que je suis répétitif mais reste que le roman n’est pas une affaire d’art bien qu’il ait une composante artistique. Le roman est issu du conte populaire et donc du raconteur publique. Je parle de ça pour donner un peu d’espoir à ceux qui écrivent, mais je commence à en avoir très peu moi-même.
Le raconteur publique sera toujours compris parce qu’il met en scène des gens que l’on rencontre tous les jours. Même 10 millions de singes n’arriverait pas à ça.
Bonne journée
Monsieur Dickner est ici bien pessimiste. Serait-ce que ses livres ramassent déjà la poussière au Colisée du livre? Il y a des romans qui ne se démodent pas, sans être pour autant des classiques. Pour ce qui est des autres, ceux qui ne durent que le temps d’une rose, comme les biographies d’artistes que la prochaine génération aura oubliés, ils n’auraient peut-être pas dû encombrer les présentoirs; il faudrait les classer avec les journaux à potins, qui ne sont déjà plus d’actualité quand ils sont publiés.
Bonne lecture.
Non non non non non. Le livre n’est pas un objet de mode. Il est intemporel. Il peut traverser le temps. Certes, dans quelques années, on ne comprendra pas ses références culturelles séculières, mais on inventera un sens du moment. Les lecteurs du futur réinventeront sans cesse le sens d’un livre. De grands textes traversent le temps, ils sont grands car ils répondent présents à toutes les analyses, à toutes les recherches. La différence entre un livre profond et un autre léger est dans l’étendue de la signification de chaque mot. Un texte est littéraire car il évoque sans cesse. Il y a les lois du marché et celles propres au texte. N’enterrons pas trop vite les romans. On ne sait jamais. Il peut y avoir de surprenantes résurrections.
Certaines personnes ne jurent encore que par le livre, par cette action paisible, par cet état de recueillement et d’esprit divin, que lui seul peut procurer. Et des artistes de la plume ne peuvent s’arrêter à d’autres options, que celle d’écrire afin d’atteindre le sentiment d’expression recherchée, encore accessible.
Avec les temps modernes, la rapidité de la vie et les exigences sociales, les moyens de communiquer deviennent de plus en plus expéditifs et délaissent la réflexion. Les formules types, les gabarits préparés et impersonnels, modifient l’expression anciennement personnalisée et ne cherche que la cible massive. Quant aux idées qui s’en dégagent, elles naviguent avec les modes et les dispositions politiques populaires, en évitant de remuer quoi que ce soit.
Quant au succès de Dan Brown avec Da Vinci code, que le monde de la littérature n’a pas encensé pour son talent d’écrivain, le seul sujet religieux après les vagues offensives du monde musulman, aura suffi à piquer la curiosité des lecteurs et de les faire tomber dans la tentation d’éclaircir les fondements de sectes, enclines à retrouver l’odeur de Dieu.
Le tome 2 du roman À l`ombre du clocher:Le fils de Gabrielle est ce que j`appelle un récit soporifique….ce qui ne veut pas dire que ce n`est pas une bonne lecture. Disons plutôt qu`il ne se passe vraiment pas grand-chose dans ces quelques centaines de pages, qu`il y a tellement de personnages qu`on finit par les mêler tous et que reviennent à chaque dix pages les mêmes activités cycliques que sont la chaise bercante, les repas, allumer le poêle, nettoyer l`étable, faire le train…….Je crois que trop, c`est trop.L`auteur Michel David a écrit de bien meilleurs romans que ce dernier dans lequel on dirait retrouver certaines parties de ces autres écrits.
Quand même recommandable pour un bord plage en vacances:À l`ombre d`un clocher tome 2:Le fils de Gabrielle.
Il ya des livres vite oubliés, tout comme il y a de la musique vite oubliée. C’est simplement normal. Mais les bons livres ont la vie longue. Le roman de Patrick Sunkind, Le Parfum, est un bon exemple. Ce livre a déjà vingt ans, on vient d’en faire un film. D’accord, c’est un chef-d’oeuvre, mais on lit encore des vieux romans policiers : Miss Marple, Hercule Poirot, Maigret ont encore la cote.
Et il faut se consoler. Les bons livres ont une seconde vie, soit en format poche. On peut donc les trouver pendant de nombreuses années sur les rayons des librairies.
Pourquoi en faire tout un plat? La vie d’un livre est éphémère, comme le quotidien. À nous de profiter et d’aimer pendant qu’il passe. Je relis des livres lus et aimés il y a vingt, trente ans et ces relectures me réjouissent encore, mais il est certain que je n’aimerais pas relire tous les livres qui me sont passés entre les mains, j’en fermerais plusieurs après quelques pages. Car si les temps changent, les gens changent aussi. Et on ne peut rien y faire!
Les oeuvres qui deviendront des classiques sont effectivement très rares et l’abondance des titres publiés années après années ne pourra qu’accentuer le relatif anonymat qui est réservé à la très grande majorité des livres que nous écrivons. Voilà un fait indéniable et pourtant… Pourtant nous publions toujours de plus en plus. Il faut donc que des écrivains, des romanciers, des essayistes daignent s’enfermer avec le traitement de textes des heures durant… Et si s’atteler à l’écriture était un besoin plus grand que celui d’être lu ? Voilà une hypothèse qui permet à tout le moins de donner un sens à la persévérance des anonymes d’aujourd’hui qui seront peut-être les classiques de demain !
Mais force est de constater que l’anonymat n’ira qu’en s’accentuant pour la très grande majorité des textes que nous publions. C’est un bien triste constat, mais il semble bien que cela a toujours été le cas, malheureusement.
Toutefois, une question se pose : une oeuvre doit-elle acquérir une notoriété qui traverse le temps pour être valable ? À cela, je réponds non sans hésiter. Pour preuve, qui lira Guy Des Car dans 200 ans ? Pourtant, ses livres m’ont initié à la lecture, une activité dont je raffole depuis. Comme je ne suis probablement pas le seul dans cette situation, je ne peux qu’estimer ses textes qui ne traverseront probablement pas le temps, mais qu’importe !
Je suis actuellement à me préparer à déménager d’une maison beaucoup trop grande à une maison de taille « humaine ».
Je dois me résigner a me débarrasser de la moitié de mes possessions culturelles : livres, disques. J’ai une larme à l’oeil de regarder Germinal de Zola prendre le chemin des organismes de charité. Puis, plus je donne de livres plus je me sens léger. Pourquoi conserver un livre pendant 30 ans qu’on ne relira jamais? Pourquoi on s’obstine à conserver les livres comme si ceux-ci étaient les gardiens de notre mémoire?
J’ai été frappé aussi par l’anti-écologisme des ces livres. Pourquoi produire tant de papier pour un objet éphémère?
Je pense que le livre devrait exister sur support numérique (100% recyclable) ou devrait être loué dans une bibliothèque publique.
Il faudrait trouver une façon de permettre aux écrivains de recevoir des sous pour ces formats.
Le poids du passé que l’on traîne ralentit l’humanité.
La beauté de l’invention de l’imprimerie était de démocratiser le droit de lire. Aujourd’hui c’est devenu une « business ».
La gloire de mon père, de Pagnol, n’est plus lu. Les frères Karamazov, de Dostoïevski, sont tombés dans l’oubli. Germinal, de Zola, ne fait plus pleurer personne…
Qui s’en soucie, puisque qu’on a la biographie de la Jeanette et celle de Nathalie à portée de la main?
J’ai comme l’envie de sauter d’un pont…
Les vrais romans, non seulement ne sont plus lus ni appréciés, mais bien souvent, ne sont même plus publiés! À l’heure de musique plus et des téléréalités débiles (pensez donc! Natacha a traité Patricia de guidoune parce qu’elle lui a volé Alain; je ne peux tout de même pas fermer ma télé pour lire un livre!), les écrivains talentueux se ramassent plus souvent qu’autrement à travailler dans des usines et des immeubles à bureaux…
Quand Québécor, qui n’est pas exactement un fleuron de notre culture, possède le quart de toutes les maisons d’édition du Québec, on sait qu’on a pris la pente descendante et que c’est pas demain la veille qu’on verra émerger de nouveaux écrivains. Pourquoi risquer, quand les grands noms font vendre…
Tout n’est pas aussi noir qu’il n’y parait, par contre. Certaines personnes, même de ma génération, ont à coeur de se cultiver à travers les trésors du passé. De plus, les succès des années passées ne finissent pas tous au pilon, car il existe des gens qui achètent leurs livres et les conservent, même si ca semble ridicule à leurs congénères drogués par la télévision.
Loft Story, mon c….
Sceller la réalité en l’habitant d’éternité…
La littéraire est un des domaines « artistique » les plus vastes de l’humanité. Peut-être parce qu’après la parole, la littérature est notre seul recours véritable pour se sentir compris…
Peut-être aussi qu’elle est notre seul moyen véritable pour ne pas se faire oublier…
Peut-être qu’en tant qu’écrivains, nous avons tous ce besoin de rendre la réalité extraordinaire… pour qu’elle soit supportable… pour se sentir éternels nous qui sommes humainement éphémères.
………….
Moi, Tournier, j’ai découvert que j’avais un livre de lui dans mes vieilles boîtes il y a une semaine à peine, sous la table de bricolage… J’ai tant de livres et pas de bibliothèque…
Je ne le connais pas mais je l’avais acheté d’occasion, à cause de son titre.
« petites proses ».
Je le lirai lorsque j’aurai fini le « Traité du désespoir » de Kierkegaard (1848) qui a été dérobé dans la bibliothèque de mon ami jeudi… J’avais envie d’approfondir l’idée du bonheur!
À travers cela, je lis à petites doses un traité extraordinaire, bien contemporain, de toi même, monsieur Dickner.
La ressource inépuisable et profonde de l’âme créatrice est loin d’être emprisonnable en de futiles concepts de mode… L’allégorie de Borges est vraiment délicieuse. Porte à réfléchir…
Merci pour la belle image.
Je suis un chimpanzé autodidacte qui a fini par saisir la profondeur de ce qui défile sous ses yeux et en suis totalement exaltée.
Au plaisir de vous lire encore.
J’ai justement été confrontée cette semaine à l’éphémère vie du livre. Je désirai lire Mises à Mort de la nouvelliste, Suzanne Myre. Pourquoi ? Parce que elle en est à son cinquième recueil de nouvelles et ça m’intrigue un auteure qui ne publie que des nouvelles.
D’un pas confiant, puisque l’oeuvre est publiée depuis à peine trois mois, je me dirige vers ma librairie. Aucun exemplaire sur les tablettes. Un oubli de re-commander l’oeuvre, me dis-je. Je me dirige vers le comptoir des commandes et là j’apprends que depuis sa sortie, on a commandé 8 copies en 3 fois. Aimablement, on prend ma commande en note. Curieuse, je demande : va-t-on en commander plus d’un exemplaire ? Non. Pourquoi ? Le livre ne se vend pas ? Elle bafouille, puis me réfère au responsable des commandes.
Désirant aller au fond de cette histoire, j’ai appelé cette personne qui m’a expliqué que malgré que cette auteure soit populaire et lue, on y allait selon la demande, c’est à dire au compte-gouttes. Mais, répliquais-je, j’en ai parlé à deux reprises sur mon blogue littéraire, advenant que les gens de la région veuillent le feuilleter, ils ne le trouveront pas sur vos tablettes et seront naturellement tentés d’en choisir un autre. Il m’annonça, comme si cette affirmation expliquait tout : Marchand de Feuilles, la maison d’édition concernée, n’a pas de diffuseurs. Pour me réconforter, il précisa qu’ils avaient tenu plusieurs exemplaires de « Nouvelles d’autres-mères » (même auteure) qui avait reçu le prix Adrienne Choquette.
La révélation a éclipsé tout vestige d’idéal vis à vis le rôle du libraire, faisant office de stimulateur et d’initiateur. J’apprenais que le libraire ne fait que suivre la tendance.
Et évidemment, l’accessibilité d’un livre est un facteur lourd de conséquence sur la longévité d’un livre.
Je me souviens des paroles d’un sage qui me rappellait que de mes nourritures physiques ou intellectuelles depuis ma naissance, il ne reste rien sinon ce que je suis devenu. Sans elles, je ne serais pas ce que je suis, là est leur importance.
Voilà ce que l’on pourrait dire de la littérature, objet de consommation, importante sur le moment, souvenir le plus souvent oublié par la suite, comme les « pas de brocolis, pas de dessert » de mon enfance. Constat cruel mais tellement réel que vous avez, cher monsieur Dickner, bien présenté dans votre texte. Naturellement à toute règle, il y a bien quelques exceptions et certaines oeuvres sauront survivre à notre connaissance ou à la présence dans notre bibliothèque personnelle.
Mais, faut-il le rappeller, le livre est à l’image de celui ou celle qui l’a écrit, soit mortel et même son souvenir n’a pas toujours le droit à une épitaphe.
Pour le précédent article, j’avais distingué entre les phénomènes de mode que j’avais assimilés à ceux des modes passagères et les aspects durables des cultures dans leur dimension littéraire que j’avais nommé le stock littéraire, celui qui s’accumule au fil des ans et dont les rayons des grandes bibliothèques gardent le souvenir impérissable, du moins jusqu’à ce qu’un grand cataclysme du genre de celui qui mit le feu à la Grande Bibliothèque d’Alexandrie vienne mette un terme aux rêves de pérennité des humains.
Il y a cependant une autre dimension qui intervient à sa manière dans la mouvance des sédiments de la culture telle qu’elle se révèle dans les pages accumulées des livres. C’est celle de la transformation des structures elles-mêmes des écrits, des formes littéraires que ceux-ci utilisent pour se présenter à nous. Prenons comme exemple le roman qui est aujourd’hui la forme littéraire par excellence du récit de fiction. Cette forme littéraire, du moins telle que nous la connaissons maintenant, soit un récit avec narrateur et personnages fictifs, est pourtant une invention relativement récente qui coïncide avec la montée des procédés industrialisés de fabrication qui ont vu la part d’individualité dont les humains sont capables de laisser une trace dans leur environnement diminuer comme une peau de chagrin. Balzac avec son roman dont le titre reprenait cette expression était à la fois l’inventeur magistral de cette forme littéraire et le prophète de sa disparition en quelque sorte. La place du roman conventionnel allait diminuer petit à petit avec le temps.
Le roman existe encore, mais ses frontières sont plus floues avec des personnages qui se veulent plus vrais que ceux de la fiction.
Kundera dans « Le livre du rire et de l’oubli » prétend que la société occidentale est aux prises avec un problème de graphomanie i.e avec la manie d’écrire des livres.Lorsqu’on constate le phénomène des romans autofictionnels et celle des témoignages autobiographiques dont le nombre ne cesse d’augmenter,on ne peut lui donner tort.En librairie,l’abondance de l’offre est évidente et pourtant,on prétend que le nombre de lecteurs diminue et,comme vous le dites,que l’écart entre le nombre de livres publiées et le nombre de livres lus s’agrandit. Néanmoins,je suis loin d’être d’accord avec les conclusions que vous tirez de ce phénomène.
Vous prétendez entre autre que certains ouvrages inconditionnels en 1987 sont tombés dans l’oubli mais les titres que vous mentionnez sont reliés fortement à leur époque. »Libres enfants de Summerhill » qui offrait une vision révolutionnaire de l’éducation a certes été dépassé par d’autres modes mais d’un point de vue historique,il n’a pas perdu de son importance.Et c’est là que le bât blesse avec vos propos:la prespective historique y est complètement occultée.
Pourquoi sur nos scènes théâtrales joue-t-on encore Shakespeare,Molière ou Beckett?Ne serait-ce pas parce que malgré la distance qui nous sépare de ces auteurs,leurs paroles possèdent une résonnance avec notre réalité et que nous pouvons toujours nous inspirer d’elles?Des cinéastes remettent au goût du jour des auteurs comme Jane Austen,Charlotte et Emily Brontë,Dickens et le public non seulement se pâme mais reconnaît dans ces oeuvres,l’existence de sentiments ou de faits qui n’ont guère changés depuis:l’amour,la haine,les problèmes sociaux.
Si le nb de livres lus diminue,au lieu de prétendre que le passé est révolu,il faudrait plutôt à mon avis se questionner sur la pertinence de plusieurs d’entre elles.Il y aura toujours des oeuvres qui défieront le temps…
Et je pense que « quand on est seule,il est plus agréable de vivre avec une personne cultivée » (Dominique Schneidr
Ça, c’est intéressant, cher monsieur Dickner. Vous faites mention de « livre dépassé », et même de « bouquin ayant mal vieilli » ou encore de « texte daté ». Puis, un peu plus loin, relativement à ce type de livre déchu, vous écrivez « Vous comprenez les lettres, les mots, la syntaxe – mais il y a fort à parier que le propos ne vous touchera pas ». Eh bien, justement non!
Ce « livre dépassé », c’est une merveilleuse occasion de faire un petit voyage dans le passé, de visiter le temps d’une lecture une autre époque que la nôtre. De revivre ce qui fut et qui ne sera jamais plus. Une chance inouïe de reculer les pendules et de se frotter un peu à des manières d’être et de considérer le monde aujourd’hui révolues. Ces bouquins « ayant mal vieilli », comme vous dites, regorgent de richesses – et d’autant plus qu’ils auront très mal vieilli! Plus la cassure sera grosse et évidente entre notre époque et celle du bouquin, plus l’intérêt sera grand de s’y plonger.
Peu importe le sujet, un « texte daté » selon votre expression s’avère une fenêtre grande ouverte sur une conception des choses ayant déjà prévalu avant d’être mise au rancart. Un texte de science-fiction remontant à cinquante ans, c’est un cliché de l’imaginaire populaire de ce moment de notre Histoire. Peu importe le sujet, la lecture de tous ces livres dépassés est aussi emballante, et même souvent bien davantage, que celle du meilleur des best-sellers contemporains. Ne pensez-vous pas?
Avez-vous dernièrement fait un survol des livres que vous avez dans votre bibliothèque? Certains ont un succès assuré et se retrouvent près de la pointe du iceberg donnant à leurs auteurs des cachets astronomiques. Alors quelle est la motivation des écrivains se situant sous la surface des eaux de ce bloc de glace dérivant dans cette mer de publications? Ils poursuivent certainement leurs missions de création par besoin de dire, de raconter et de faire découvrir la vie sous tous ses aspects même si cela n’est pas pour la plupart du temps rentable.
Il y a des livres que l’on oubli pas et que l’on suggère de lire à des connaissances tel que Le Parfum : Histoire d’un meurtrier de Patrick Süskind publié en 1985. Traduit en 15 langues, il s’est vendu à plus de 15 millions d’exemplaires à travers le monde au cours des 25 dernières années. Au même titre que les nucléotides qui forment les acides nucléiques de l’ADN, la combinaison des lettres de l’alphabet a permis la transmission du savoir au cours des derniers millénaires à une grande quantité d’individus.
Certains auteurs ont été choyés par leur carrière mais tous les autres doivent focaliser sur les aspirations qu’ils croient importantes de diffuser. Le feu sacré les motive certainement à prendre le large et à voguer sur cette mer de mots et de maux à la recherche d’une reconnaissance professionnelle. Comment est la mer aujourd’hui? Partons la mer est belle..
Les écrivains meurent mais certains livres sont immortels. La Neuvième Symphonie de Beethoven sera jouée encore dans mille ans. Des livres seront ainsi lus encore dans mille ans. Certes, peu de livres auront droit à cette éternité. Je pense à certains romans de Steinbeck, à certaines pièces de théâtre de Ibsen, Molière et Williams.
Qu’un livre soit daté, c’est parfaitement normal. Il doit intéresser d’abord le lecteur contemporain. Cette caractéristique ne lui enlève pas son originalité et son pouvoir d’émerveiller les lecteurs. Paradoxalement, les livres de science-fiction disparaîtront rapidement alors que les contes de fée survivent déjà au temps.
Les livres immortels seront ceux dont on se souviendra du titre, moins de l’auteur. Balzac sera connu mais ses livres ne seront plus lus. On lira « Le vieil homme et la mer » mais on aura oublié Hemingway.
Le problème actuel ne concerne pas les livres immortels mais tous ces livres qui ne vivent que l’espace de trois mois dans nos librairies. Le livre est une marchandise que les vendeurs délaissent rapidement sans remords. Le combat est inégal. Il faut plutôt arpenter ces Colisées du livres et ces petites librairies de livres usagers Des trésors y sont enfouis sous de piles, la poussière y est présente; il faut y mettre le temps.
Il faut aussi aller dans ces musées des livres comme l’on appelle bibliothèque. Encore là, il faut accepter de prendre du temps à questionner et bouquiner. Certains diront, dans ce monde de vitesse, que ce temps est perdu. Mais perdre son temps à chercher ces trésors, n’est-ce pas une activité hors du commun qui nous fait être?