L'attrait majeur du 1er juillet, c'est la prolifération subite de carcasses dans les rues de la Métropole. Des meubles plus ou moins estropiés, des lampes torchères en pièces détachées, des laminés hideux, tout ça déposé en spectaculaires monceaux qui perdent leurs contours à la première pluie battante.<p>"Partout où se pose l'oeil", comme disait Howard Carter en examinant la tombe de Toutankhamon par le judas, "il ne rencontre que des merveilles!"<p>Et ça dure, mes amis! Voilà une semaine que les baux ont expiré et les rebuts s'empilent toujours à l'embouchure des ruelles. <p>Pas plus tard qu'hier soir, ma sociologue préférée et moi tombons sur un bureau à en baver. Le modèle paquebot, avec toutes sortes de petits et de gros tiroirs, des rallonges étonnantes, des serrures, des séparateurs. Robuste, massif, en pur bois. Dans les 80 kilos au bas mot. Le genre de meuble qu'on peut vigoureusement frapper du poing: il ne bronchera pas.<p>Le bureau, en somme, dont rêve tout romancier généraliste normalement constitué.<p>Je le vois déjà, ce monstre de meuble, dans la buanderie exiguë où je travaille – ce qui, à bien y penser, demande un effort d'imagination hors du commun puisque la pièce en question est plus petite que le bureau.<p>Après avoir hésité quelques minutes, nous décidons d'emporter le bahut. Nous nous alignons sur la <i>beste</i>, assurons notre prise et hop! nous voilà en train de tituber en direction de l'appartement, le souffle court, quand même un peu étonnés du poids du machin.<p>Au bout de 50 pas, j'ai une intuition désagréable. J'exige une pause, étudie le meuble avec un peu de recul et déclare:<p>- Ça ne passera pas dans l'escalier.<p>Ma sociologue (préférée) penche la tête sur le côté, réticente, l'air de vouloir protester, mais elle se ravise – car, voyez-vous, le meuble est visiblement DEUX fois plus large que notre cage d'escalier, peu importe dans quel sens on aborde le problème. Sans oublier que ledit escalier est en chicane, et que l'on peine à y faire passer un parapluie.<p>Piteux, nous rapportons le meuble à son point de départ.<p>Cette histoire me semble confusément représentative de la place qu'occupe la littérature dans nos vies – mais ne me demandez pas pourquoi.<p><b>LE MARRONNIER</b><p>Et puis il y a cette histoire de marronnier qui vient de me revenir en mémoire – peut-être parce que j'ai passé l'après-midi dans un coin reculé et forestier de Lanaudière à discuter d'épinettes noires, de faiseurs de veuves et de peupliers non indigènes.<p>Toujours est-il que ça remonte à l'an dernier. La Fondation Anne Frank venait d'annoncer que le célèbre marronnier de la petite Anne, le marronnier qu'elle regardait par la fenêtre de sa cachette et dont elle parle dans son journal, allait devoir être abattu. <p>L'arbre, plus que centenaire, était attaqué simultanément par un champignon vorace, le polypore aplani, et par un pittoresque lépidoptère que l'on nomme la mineuse du marronnier. On estimait que 42 % du tronc était déjà putréfié. Un cas désespéré.<p>Il faut voir ce vidéo où deux biologistes auscultent l'arbre avec des capteurs tout droit sortis des labos de la NASA. Le vénérable marronnier avait acquis un statut comparable à ces quatre ginkgos bilobas qui ont survécu à la déflagration atomique d'Hiroshima: moins des arbres que des symboles.<p>Mais que les annefrankophiles se rassurent: on a pris soin de procéder à des greffes qui permettront de replanter le marronnier – ou son clone, si on préfère – à l'endroit même où il se trouvait. Dans 170 ans, la vue devrait être convenable.<p>Cette histoire me semble (elle aussi) confusément représentative de la place qu'occupe la littérature dans nos vies. Mais ne me demandez pas pourquoi.<p>
Plusieurs de mes amis me reconnaissent un certain talent d’astrologue; vous savez , on me consulte « gratos » depuis bientôt 40 ans et j’ai même eu , une émission dans une radio régionale .
Je suis astrologue mais pas devin. La profession a grandi depuis les années. Aux U.S.A. il y a plus de 5000 astrologues professionnels ( i.e. qui font un certain « cash » avec ) . Plus que nos écrivains ? Il y a des revues et des congrès aux deux ans. C’est dire.
Bientôt Pluton entrera en Capricorne et on prédit le pire vers juin 2012 ; des crises financières comme en 1929 , des complots et des épidémies ,et des temps durs pour l’Amérique du Nord. 1929, c’était un temps où on trouvait des humains dans les rebuts. Comme aujourd’hui en Inde, qui est le pays de l’avenir . Qui aurait dit ça , du temps des colonies ?
L a blague n’est pas de moi, mais de « overhreardinnewyork » : « Vous savez pourquoi les « homo »s’y connaissent tant en fait de fringues ? Si vous aviez passé autant de temps qu’eux dans les placards ! » .
C’est qu’on trouve de tout dans les placards, du neuf de l’ancien et du démodé, qui , paradoxe, fait souvent l’affaire des plus jeunes, mais pue au nez des gens « matures ».
On s’en sert comme on veut ; libre à chacun. C’est comme les mots.
Dans les livres de géographie des années « 50 » , Montréal posait encore fièrement comme la métropole du Canada; ce qu’elle a cessé d’être depuis, sauf dans la tête de certains frais banlieusards. Cela n’enlève rien à sa cote d’amour, mais passons. Le maire Jean Doré l’avait reconnu publiquement vers les 1987. Est-ce l’une des raisons de la brièveté de sa carrière ? Toujours est-il que Toronto a plus de tout : cash, culture,char etc. et aime le faire savoir.
Donc il n’est pas surprenant qu’on trouve le mot lui-même aux rebuts.
Il a bien besoin d’un séjour dans la salle de lavage, qui donne netteté au style .
Je suis décidé, je me laisse tomber dans le guetapens. Exprès. Dans votre « Mais ne me demandez pas pourquoi »‘ invitation claire aux autres à se demander pourquoi. Le passe-partout pour entrer illico dans les matières grises de la planète francophone.
Si nous avançons une hypothèse boiteuse, à nous la honte d’avoir mal compris. Le bahut énorme, gros, ventru, lourd, avec plein de compartiments mais difficilement transportable et encore moins « montable » dans un escalier en chicane (passage en zigzag qu’on est obligé d’emprunter) équivaudrait à une bibliothèque. Je parle du bâtiment, gros (toute proportion gardée) et trônant dans le centre d’une ville ou d’un village. Il est rempli de potentielles ouvertures, il est très logeable, mais ce n’est pas tout le monde qui est en mesure de se l’approprier. Et surtout, il impose dans sa matérialité, tandis que dans son essence, il se diffuse jusqu’à s’évaporer.
Pour le marronnier, eh bien, j’avoue que je n’ai jamais autant entendu parler de marronniers en si peu de temps. La semaine dernière, c’était le marronnier de Steve Proulx pris dans son sens journalistique et aujourd’hui, vous nous entretenez de l’arbre, en particulier celui qui se dressait sous la fenêtre d’Anne Frank. Parce qu’il a grandit (très subtilement) sous les yeux d’un écrivain mondialement lu, il fallait le sauver. Des biologistes l’ont ausculté, ont voulu absolument le préserver de la mineuse de marronnier. Trop tard. Si cela vous fait penser confusément – j’endosse la confusion – à la place de la littérature dans nos vies, cela référerait à cette place que nous ne pouvons faire aux nouveaux marronniers pendant que l’on s’occupe avec acharnement des anciens.
Quand je lis un livre, c’est parce que je le désire vraiment. Ainsi, ayant tant apprécié Cioran à travers La tentation d’exister, j’ai souhaité lire de lui le livre qui dort dans la bibliothèque de mon ami, pas très loin d’un homme qui se révolte…, depuis longtemps mais que je n’avais encore eu envie de lire pour le titre qu’il porte. Le précis de décomposition. Comme le gros meuble que tu as croisé, le livre m’a tenté car ayant découvert Cioran, j’ai envie de le découvrir plus encore. Ainsi, je me suis chargée du livre en question et l’ai ramené avec certes beaucoup moins de difficulté que vous pour le meuble convoité dans la ruelle mais avec une grande attente envers lui.
Ce fut au moment de le lire qu’il est devenu très lourd et très gros. Trop gros pour mon esprit qui à la manière d’un escalier magique s’est refermé sur lui-même pour se protéger du passage de ce monstre bourré de tiroirs que je n’ai pas envie d’ouvrir et que je n’ai pas envie de transporter en mon univers…
On ne peut pas tout prendre.
Peut-être que l’on ne doit pas tout prendre.
J’irai vers d’autres lectures de Cioran que je veux toujours autant découvrir. Tant de livres de lui m’attendent…
Qui sait lesquels seront bienvenus, de mon cerveau à mon coeur et par quel escalier, quelle porte ou quelle fenêtre de ma perception ils y entreront…
Bien qu’avec un peu de retard, je tiens à dire que ta dernière chronique m’a réellement intéressée.
À lire beaucoup de philosophie, je me demande jusqu’où un traducteur peut être fidèle à la pensée d’un penseur.
Déjà que parfois, parlant la même langue, on arrive si souvent à ne pas se comprendre.
Ce fut un plaisir de te lire encore une fois…