Ça y est, nous venons de découvrir la Chine.<p>Depuis mon enfance, aucun symbole commercial n'a été plus présent que la mythique inscription "Made in China". On ne la trouvait pas seulement sur des produits typiques – thé vert, chemises à col Mao, laque ignifuge pour canard -, mais sur à peu près n'importe quel article, depuis l'humble t-shirt jusqu'à la grue géante. <p>Nos grands-parents ont connu le colporteur syrien, nous avons grandi avec les manufacturiers chinois. À chaque génération ses Asiatiques.<p>Or voilà que l'on semble réaliser – comme au terme d'une très longue sieste – l'omniprésence des produits chinois sur nos tablettes. Les médias ont couvert la question en long et en large la semaine dernière, à l'occasion d'un énième rappel de dentifrice à l'antigel et de poupées au plomb.<p>(Cependant que des milliers de familles montréalaises souffrent de psychose de la tuyauterie et carburent à l'eau de source – merci de bien vouloir noter l'ironie de la situation.)<p>Pour ma part, cette situation me rappelle à quel point la mobilité des produits est mille fois supérieure à celle de la culture. Le Québécois moyen possède plusieurs centaines de bébelles manufacturées dans les zones franches du Guangdong – mais pourrions-nous nommer un seul écrivain chinois? <p>Sondage éclair: je pose la question à mon pourtant-très-érudit-beau-frère.<p>- Des écrivains chinois? À part Gao Xengmachinchose? Non.<p>Voilà. Notre connaissance de la culture chinoise s'arrête quelque part entre Jackie Chan et <i>Le Lotus bleu</i>.<p>Bref, toute cette histoire de marchandise, d'antigel et de culture-qui-ne-circule-guère me trottait dans la tête lorsque, samedi après-midi, je me suis pointé dans une librairie du Mile-End. Je le dis toujours: lorsque vous avez un problème, parlez-en à un libraire. Ils sont moins difficiles à dénicher que des médecins de famille, et leur diagnostic est généralement plus agréable.<p>J'ai donc avoué au libraire que je voulais remédier à mon ignorance presque totale en matière de littérature chinoise. Il m'a prescrit un roman-fleuve de Lao She, <i>Quatre générations sous un même toit</i>. Paraît que c'est excellent, et totalement dépourvu de peinture au plomb. <p>Je commence le traitement dans les prochains jours. Je vous en donnerai des nouvelles.<p><b>GENTRIFICATION</b><p>Nous venons par ailleurs de découvrir que la <i>Main</i> est sale. <p>Je n'entends que ça depuis un moment: le boulevard Saint-Laurent est crasseux. Une vraie honte. Et c'est d'ailleurs pour ça qu'on le revampe à grands frais, tant mieux, youpi!<p>Attendez une minute: ne s'agissait-il pas justement de la raison pour laquelle on aimait le boulevard Saint-Laurent? Pour son petit côté rugueux, mal récuré? Pour les serveurs misanthropes de chez Schwartz? Pour la cour encombrée de chez Berson & Son où s'empilent les pierres tombales en yiddish? Pour les épiceries colorées et les bâtisses broche-à-foin?<p>Que les amateurs d'urbanisme aseptisé se réjouissent: le boulevard Saint-Laurent ressemblera bientôt à l'avenue du Mont-Royal. Les boutiquiers bon genre bourgeonneront toujours plus au nord, et on grignotera des tapas à la mangue verte jusqu'au pied des entrepôts Van Horne.<p>Je pourrais passer facilement pour un chialeux rétrograde – mais attendez un peu. Il existe un lien obscur entre l'aseptisation de nos artères et la Question Chinoise. <p>Dois-je rappeler que l'<i>Upper Main</i> était jadis manufacturière? Or, comment une rue ouvrière se transforme-t-elle en rue bourgeoise? Il ne suffit pas de délocaliser l'industrie textile en Chine pour qu'afflue aussitôt la clientèle branchée. La rue doit d'abord traverser une période intermédiaire où les artistes et les étudiants transforment le paysage. Poussent alors les cafés grano, les bars pittoresques, les friperies et les librairies d'occasion. Lorsque le quartier est mûr, il suffit d'évacuer les poissons vidangeurs.<p>Enfin bref, tout ça pour dire que la bouquinerie S. W. Welsh, qui occupait un local juste en face de chez Schwartz depuis de nombreuses années, a dû plier bagage pour aller s'installer dans le Mile-End. Une boutique de guenille surévaluée occupe désormais la place. Ainsi va la vie.<p>Il s'en trouve pour dire que la culture n'est pas une vulgaire marchandise <i>made in China</i>. Il m'arrive parfois d'en douter.<b></b><p>
Je vous avertis tout de suite : je vais faire dans le hors-sujet total. Seulement voilà, votre article de cette semaine m’a fait pensé à un petit épisode anecdotique que j’ai eu cette semaine. Je suis membre de Greepeace depuis quelque temps déjà. Or, dernièrement, on m’a appelée pour me demander si, en échange d’une légère augmentation de ma contribution mensuelle (rien n’est gratuit), je désirais me procurer un superbe gaminet à l’effigie dudit organisme.
« Chouette ! ai-je pensé je vais pouvoir arborer fièrement ce vêtement et ainsi promouvoir une cause qui me tient à coeur ! »
Alors, bonne poire, j’ai accepté. Quelle ne fut pas ma surprise, lorsque j’ai reçu l’item tant convoité, de m’apercevoir qu’il a été fabriqué en Chine ! Pourquoi pas à Montréal ? Je me le demande bien. Bref, votre article, donc, m’a remémoré cette préoccupation ethique et grâce à vous, je viens de laisser un message sur le répondeur de Greenpeace pour leur demander quelques éclaircissements à ce sujet.
J’ose espérer qu’un tel organisme écologique encourage le commerce équitable ! Ont-ils une manufacture en Chine qui s’occupe de payer des employés adultes et syndiqués ? Je le souhaite de tout coeur !
Cet ouvrage est plus qu`une biographie. En le lisant, on croirait entendre madame Clarkson elle-même tellement le style littéraire porte à cette évocation.
Un pur bonheur, qu`on aime ou pas le personnage ou les fonctions qu`on lui a attribué comme Gouverneure générale du Canada.
À lire lentement pour mieux en apprécier les évènements depuis son enfance vraiment pas banale et le chemin parcourue jusqu`à aujourd`hui.
Cette femme a intitulé son livre le coeur au poing et ce n`est pas pour rien. Madame Clarkson est avant tout une femme de coeur et d`action malgré son air distingué et sa réserve toute asiatique réflétant bien ses origines.
Un livre de choix à lire, à s`offrir ou à offrir en cadeau très certainement. On est très loin des romans à l`eau de rose mais on touche de près le conte de fée ………Cette femme est née sous une bonne étoile, c`est certain!
L’Empire du milieu évolue sans que les maringouins occidentaux ne l’accablent. Les concessions faites par la Chine ne remettent jamais en question ses caractéristiques fondamentales. Le dragon va son chemin et ne craint pas les tigres de papier. Son capitalisme d’État despotique facilite son contrôle de la société civile. Les dissidents chinois sont rares et leur leader est plutôt un Thibétain, le Dalaï-lama.
La Chine de la Société de la Sainte Enfance n’existait que dans la tëte des missionnaires. L’achat de petits Chinois était en fait le prix de leurs âmes. Quand nous regardons ce pays, notre point de vue ne peut-être qu’ethnocentrique. Nous sommes dépassés par sa démesure. La plus grande menace de la Chine est la Chine elle-même. Dans les faits, à part les exportations, la Chine n’a pas besoin de nous. Son marché intérieur (1 milliard 300 millions d’habitants) et ses voisins lui offrent de grandes possibilités de contourner les faibles revendications occidentales (droits de l’homme).
L’âme chinoise nous reste inconnue. La Chine nous offre ce que nous voulons voir sans réellement se dévoiler. La placidité et le sourire énigmatique du Chinois sont des murs infranchissables. La lecture de certains romans chinois pourrait peut-être nous aider, nous les barbares, mais qui lire? Il y a aussi d’autres obstacles: la langue et l’écriture. Selon l’intonation de la voix, un mot peut avoir différents sens. On imagine facilement les difficultés rencontrées par les traducteurs.
Finalement, le paradoxe est absolu. Ce pays-continent, dont le rôle politique et économique est énorme, nous est moins familier que l’Islande ou la Norvège.
Surprenant, M.Dickner, comme je trouve que vous avez de la suite dans vos idées. Votre article de cette semaine « Gentrification » est une conséquence logique de celui de la semaine passée intitulé : « La manie du tangible ». Vous vous rappelez? Vous disiez que « rien ne vous énervait davantage que cette manie de renommer les lieux. ». J’étais d’accord avec vous mais là, vous êtes vraiment plus conservateur que moi si vous vous montrez réticent au projet de nettoyage.
« Décrasser », ôter la saleté qui s’amasse, me rejoint parfaitement. C’est une pollution à ma vue et à mon odorat. On a commencé à l’aimer dès ses débuts, ce boulevard Saint-Laurent, étant le couloir des immigrants et pour les immigrants, il représente les compatriotes. Pour tous, c’est le cosmopolitisme qui séduit. Ce boulevard est l’aorte de la métropole et c’est pour son identité qu’il a été sacré boulevard patrimonial en 1996. Il continuera donc d’attirer touristes de tous pays; et quand on attend de la visite, n’est-ce pas là le temps de se faire une beauté?
À l’ère du Botox, il ne faut pas se surprendre de vouloir en étaler un peu partout. Il ne faut pas arrêter le progrès surtout quand les plans d’urbanisme sont intelligents. Et pensez à toutes ces toiles de grands peintres, à toutes ces églises d’illustres architectes, à toutes ces statues de renommés sculpteurs et j’en passe, qu’on a « nettoyées » pour le passage de l’an 2000 en Italie et ailleurs.Moi, j’ai simplement pensé que cela démontrait la fierté d’un peuple!
Vous savez, si j’étais obligée de marcher à côté des vidanges quand c’est leur jour de sortie, même si elles venaient de mes amies, je n’aurais qu’une envie pressante : celle de courir au plus loin pour me débarrasser le plus vite possible de ces relents pestilentiels.
Toute mon enfance, j’ai mangé du Chinois, jusqu’au jour où l’on m’a dit (je devais être assez grande pour encaisser le coup) que je ne mangeais pas ce que les Chinois mangeaient, eux. Je mangeais du Chinois commercial, pendant qu’ils mangeaient leurs « vrais » mets Chinois. Décidément, c’est une race de monde qui a le sens du commerce.
Aujourd’hui, on privilégie le Chinois, et surtout la Chinoise, quand arrive le moment d’adopter. Encore là, ce sont les enfants les plus convoités, à gros prix parce que c’est loin la Chine. Tellement, que la Chine se vide et les Chinois commencent à réagir. Le commerce a ses limites, on réalise que demain, il faudra des mains pour travailler et surtout, des utérus pour enfanter, n’en déplaise aux misogynes.
Il a y a déjà eu la multiplication des pains, maintenant c’est la multiplication de l’étiquette chinoise, donnant naissance à du Tout pour 1$. Tout s’y vend à un seul bas prix, même la dignité. Et si un énergumène à conviction sort la tête et s’avise de fabriquer son T-Shirt avec main-d’oeuvre québécoise, il est confronté à un géant imbattable sur tous les plans, même la qualité, et Le Fric-Show en a fait la démonstration.
Et dire, et vous l’apportez à notre attention, que cette omniprésence commerciale s’accompagne d’un vide identitaire puisque c’est bien par sa culture que se laisse connaître un peuple. Grâce à vous, monsieur Dickner, nous connaîtrons au moins « Quatre générations sous un même toit ». Il y a un commencement à tout.