La lecture est un phénomène mystérieux, tout en allers-retours, en boucles et en retours d'ascenseurs. Il existe toutefois un phénomène bien plus mystérieux encore: le mécanisme qui préside au choix d'une lecture.
Il arrive parfois qu'un lecteur décide tout simplement de lire un livre, qu'il s'y attaque et le termine avec un plaisir plus ou moins régulier – point à la ligne.
Le plus souvent, toutefois, l'étrange animal est animé d'intentions moins précises. Il lui arrive d'hésiter, de résister, ou au contraire de lire à son corps défendant. Il accumule les faux départs avant d'embrayer, s'entête ou s'embourbe. Combien de fois a-t-il abandonné en cours de route, lu en diagonale, butiné, lu à rebours, feuilleté d'un bout à l'autre debout dans la librairie?
On peut lire par devoir, par conformisme, par ennui, voire par ennui mortel. Je me souviens d'un rapport où l'on dressait la liste des dépendances susceptibles d'empoisonner la vie des communautés inuites du Labrador: alcoolisme, reniflement d'essence, sexualité débridée et lecture compulsive.
On peut également relire de diverses manières et pour diverses raisons. En fait, il existe autant de raisons de relire qu'il y en a de lire, ou de s'abstenir.
Prenons un cas précis.
En décembre dernier, au cours d'une soirée bien arrosée, deux individus (une sociologue et un romancier généraliste) discutaient des romans à l'eau de rose. Comment en arrivèrent-ils à parler de Barbara Cartland? Mystère. Toujours est-il que, par bravade, ils promirent solennellement de lire un roman de la grande dame britannique au courant de 2008.
Pendant quelques jours, l'idée leur sembla franchement amusante. Le romancier généraliste y voyait une expérience vaguement aventureuse. Il se sentait tel un cobaye pharmaceutique soumis à d'exotiques drogues expérimentales: on peut lire Barbara Cartland, mais on ignore les effets neurologiques à long terme.
Peu après Noël, le couple de plaisantins courut se procurer l'obscur objet du délire dans leur bouquinerie de prédilection. Sourire en coin, la libraire leur dénicha une boîte de Barbara Cartland dans la cave, où ils moisissaient près du tuyau du drain, sous une pile de vieux rapports d'impôts. Nos deux inconscients étudièrent les couvertures, balayèrent du regard les quatrièmes de couverture, et choisirent naturellement le plus kitsch de tous les romans.
Puis, le moment difficile arriva: il fallait à présent tenir la promesse. La sociologue décida de battre le fer avant qu'il ne tiédisse, et enfila l'ouvrage dès le premier soir. (Elle fut aussitôt affligée d'une migraine de 17 jours, dont elle fit naturellement porter la responsabilité à ses imprudentes lectures.)
Le livre repose désormais sur la table de chevet tribord, du côté du romancier.
En finir avec ce Barbara Cartland ne prendra guère plus d'une heure, il suffit de s'y mettre. Le romancier repousse pourtant le moment fatidique. Il prétend soudain avoir bien plus important à lire: empilés près du lit se trouvent un vieux John Irving, le dernier Jonathan Safran Foer, un Douglas Coupland, un Haruki Murakami et des nouvelles de Kurt Vonnegut.
À vrai dire, le pauvre diable se sent déjà vaincu par cet anodin bouquin.
Il ne saurait expliquer pourquoi les livres de Barbara Cartland le rebutent à ce point. Cela dépasse largement le simple désintérêt (voire la curiosité détachée) qu'il éprouve pour l'honnête roman à l'eau de rose en vente à la pharmacie du coin, et que tout un chacun a bien le droit d'écrire, de publier, de lire.
L'ouvre de Barbara Cartland – tente-t-il de se justifier – est d'un tout autre ordre. Elle défie l'arithmétique: quelque 660 romans crachés à toute vapeur, et plus d'un milliard de titres vendus dans près de 40 pays. Un corpus exemplaire ne mérite-t-il pas une aversion exemplaire?
Pourtant l'argument ne tient pas la route, il le sait bien. On a le droit d'être vaincu par Finnegans Wake, À la recherche du temps perdu ou Moby Dick – mais se laisser terrasser par un simple roman à l'eau de rose ne saurait être envisagé.
La vie est brève et l'année file désormais à une vitesse folle: plus que 353 jours pour honorer cette promesse déraisonnable.
La lecture, mes amis, est un phénomène mystérieux, tout en allers-retours, en boucles et en retours d'ascenseurs. Mais il existe un phénomène bien plus mystérieux encore: Barbara Cartland.
Je viens de terminer le récit de Sabine Kuegler L« Enfant de la jungle. Paru en 2006 aux éditions de la loupe, j`avais raté sa sortie chez nous.
Un récit bien écrit mais auquel j`ai eu beaucoup de difficulté à croire quand à savoir si l`histoire autobiographique racontée par l`auteur est vraie.
Elle raconte comment ses parents ont décidé volontairement d`aller vivre dans une tribu Fayou dans les années 80 en emmenant avec eux leurs trois très jeunes enfants. Ils y sont restés jusqu`à la fin de leur adolescence, devenant pratiquement aussi sauvages que les autochtones du coin. Les ados sont revenus dans le monde civilisé pour y parfaire leur éducation soit en Suisse, soit en Angleterre, soit à Hawaii. Mais les parents, eux, se trouvent toujours en pleine jungle!!!!!
Dire que j`ai aimé ce livre est un bien grand mot. J`aurais aimé que l`auteure y insère des photos, des cartes, des dessins.
Je recommande ce livre à l`aventurier en vous, si la fourmi rouge sur une feuille vous fait saliver, vous voyez, un livre pas ordinaire que je vous disais au début!!!!