Contrairement à ce que certains prétendent, il existe une grande soif de débat, au Québec. Tout le monde veut débattre de tout. Malheureusement, nous semblons éprouver des difficultés grandissantes à différencier le véritable débat de la simple marmite de fèves au lard.
Prenez la question linguistique.
On pourrait imaginer des débats incroyables et explosifs: l'assimilation hier et aujourd'hui, la relation entre le démographique et le juridique, ou encore les rapports entre l'identité et le pragmatisme. À la place, on nous mitonne un petit scandale sur des magasins, au centre-ville de Montréal, où l'on n'arrive pas à se faire répondre en français.
Il n'y a pas une once de matière à débat là-dedans. Il s'agit de la vieille angoisse cent fois recyclée, cent fois resservie à toutes les sauces – tout ça pour quoi au juste? Une boutique de guenilles, une échoppe de bibelots, un comptoir à muffins.
En voilà, un vrai débat: que vendent-ils donc de si incroyablement essentiel, ces malheureux unilingues anglophones, pour qu'il faille s'en préoccuper à la une des journaux?
Nous ne parlons pas de services publics, ici, mais de commerce. Engager des vendeurs unilingues est une mauvaise pratique commerciale. Accommoder des musulmans à la cabane à sucre est une bonne pratique commerciale.
Et faire sa une avec de telles histoires est une piètre pratique journalistique.
En fait, cette manchette reste dans le ton général de 2007 – une année de nombrilisme et de paranoïa qui tarde à s'estomper. Si nous voulons avoir un débat sur la langue, il serait temps de nous inquiéter un peu moins de nos droits, et un peu plus de nos responsabilités – car au cas où vous ne l'auriez pas deviné, une loi seule ne saurait préserver la langue française.
Vous vous inquiétez de ne pas pouvoir magasiner en français à l'est de la rue De Bleury? Personnellement, je m'inquiète de bien d'autres choses. Je me demande, par exemple, ce qu'on pense de nous à Moncton et à Sudbury.
Il existe environ un million de francophones hors Québec, et nous n'en parlons jamais – et ce, bien qu'ils luttent à cour d'année pour préserver ou obtenir des services essentiels en français: la radio, les hôpitaux, l'éducation.
Nous ne nous intéressons pas à eux, si bien qu'ils ne s'intéressent pas à nous. Ils créent des solidarités entre eux, contournant le Québec comme ailleurs on contourne Paris. Nous les avons peinturés dans le coin de notre conscience – et n'allez surtout pas croire qu'ils sont les seuls perdants de l'affaire.
Tant et aussi longtemps que le débat sur la langue au Québec demeurera un débat exclusif, nous n'irons nulle part.
UN TROP VASTE ENTREPOT
Samedi soir dernier, ma sociologue et moi attendions avec impatience une toute nouvelle émission de télévision. Bon public, nous étions disposés à l'enthousiasme, à la pétulance – voire à l'extase.
Mais l'émission nous a déçus.
Passé la déconvenue initiale, nous nous sommes réjouis de gagner une heure de liberté par semaine – une heure pour lire, jouer au Scrabble, picoler, nous promener dans le quartier ou décaper le plancher de la cuisine. La situation ne s'annonçait pas si désagréable, en fin de compte.
Un peu plus tard, une inquiétude a meublé mon insomnie: l'émission était-elle vraiment mauvaise, ou étais-je simplement blasé?
Vieillir est sans doute l'expérience la plus étrange qu'il nous soit donné de vivre. Le monde change, notre regard se transforme. On s'aperçoit, en fin de compte, que rien n'est mobile – et plus on vieillit, plus les choses accélèrent.
Certains neurologues prétendent que nous éprouvons des difficultés croissantes à nous rappeler le passé non parce que la mémoire flanche avec les années, mais au contraire parce qu'elle contient trop de matériel. Nous retenons une quantité inimaginable de données, et il devient de plus en plus difficile de distinguer entre l'important et le futile.
L'humain n'est pas une île, mais un trop vaste entrepôt.
Qu’y a-t-il au juste à l’ouest de de Bleury ? Rue limitrophe s’il en est, frontalière quoi . Le journal Voir est installé juste dessus et la surplombe…..La rue Sainte-Catherine nous amène jusques-à-Westmount, un peu passé l’ancien Forum et la Place Alexis-Nihon , jadis incendiée et noircie par des fumées troubles…. Et déjà les arbres presque centenaires réapparaissent ,bien avant la rue Greene , la rue des commerces de proximité « chic » et des galeries d’art fréquentées cossues et spacieuses, impressionnantes .Et les maisons patriciennes, ( certaines domiciles de nos anciens et prochains premiers ministres, ) aux façades charmantes et blotties derrière des frondaisons abondantes et si colorées à l’automne; je ne parle pas des condos, dont je n’ose évaluer le prix. Ville d’art et de culture.La bibliothèque de Westmount date de 1894, celle d’Outremont , la biblio Robert Bourassa, date de 1994. Un siècle d’écart. Bof, il y a de plus grands écarts encore….
Monsieur Dickner, vos propos sur la langue sont représentatifs d’une certaine intellingentsia nombriliste, coupée du peuple. Votre inconscience me trouble. La vie n’est pas un roman que l’on peut recommencer tant qu’il n’est pas publiée.
Les grands questionnements que vous appelez de tout coeur sont des joutes de l’esprit qui n’ajoutent rien. Vos fameux débats sur « la relation entre l’identité et le pragmatisme » ou « la relation entre le démographique et le juridique » sont de la fumisterie. Ce sont des chiures de mouches, qui vous font marcher sur la tête. Ou vous avez peur de poser les vraies questions ou vous n’y connaissez rien. Je propose plutôt de poser les enjeux en répondant aussi à certains propos non fondés
1) Dans une société qui a un taux de natalité qui ne permet pas le remplacement des générations, la question de l’intégration des nouveaux immigrants devient la question vitale pour les francophones. Comment parvenir à ce que la majorité des immigrants vivent surtout en français malgré l’attraction évidente qu’exerce la langue anglaise dans le contexte américain? À propos, vous avez combien d’enfants? Moi, j’en ai eu 4.
2) L’État québécois reste le seule état francophone en Amérique du Nord, Comment soutenir son épanouissement ? Ne venez surtout pas nous culpabiliser avec le sort des autres communautés francophones dans le reste du pays. C’est à Montréal qu’ont eues lieu les plus grandes manifestations (des dizaines de milliers de manifestants) pour sauver Louis Riel, qui fut pendu le 16 novembre 1885. Les juges anglais en avaient décidé ainsi. La question des écoles séparées (les écoles francophones n’étaient plus subventionnées par l’État) et la promulgation de l’anglais comme la seule langue officielle au Manitoba en1912 amènent une série de manifestations au Québec pour réclamer que le français soit traité de façon équitable. N’oublions pas que la perte du caractère officiel du français au Manitoba sera due en grande partie par l’arrivée des immigrants à la fin du X1Xième siècle. Finalement la lutte (dans les années soixante) pour le maintien du français dans les airs canadiennes a été mené par un groupe émanant essentiellement du Québec. Le Québec n’a jamais été indifférents au sort des autres francophones. Dépourvus de pouvoirs et lassés de se battre, les Québécois se sont repliés sur leur terre pour mener l’ultime combat. Ce qui n’a pas empêché un gouvernement péquiste d’offrir au reste du Canada le principe de réciprocité concernant le traitement des minorités, ce que le Canada anglais a refusé évidemment sachant que l’assimilation galopante des francophones hors du Québec règlerait ce problème à moyen terme.
Vous excuserai cette montée de lait, je vous préfère en critique littéraire plutôt qu’en analyste politique.