Ça se passait lors d'une tournée littéraire dans le Rust Belt, il y a deux ans. À la Michigan State University, campus d'East Lansing. Attablé avec de jeunes universitaires inscrits aux cours de creation writing, je jouais l'écrivain en visite.
J'avais de la difficulté à prendre mon rôle au sérieux, notez bien, puisque mes bouquins n'étaient pas encore traduits en anglais – mais on comptait sur moi pour représenter la jeune littérature québécoise, alors je représentais. Mes interlocuteurs, une bande de vingtenaires inutilement intimidés, avaient la délicatesse de laisser croire que le sujet ne les laissait pas complètement froids.
À la fin du repas, j'ai retourné le porte-voix et leur ai posé mes questions. En fait, je voulais surtout leur demander: Que lisez-vous? Qu'est-ce qui vaut la peine d'être lu en ce moment dans la littérature contemporaine des États-Unis, du point de vue d'un étudiant de 22 ans?
Mes interlocuteurs ont lancé une réponse unanime – ce qui s'appelle unanime. D'une seule voix. Consensus spontané. "Chuck Palahniuk!"
Avec un point d'exclamation.
Étrange spectacle que cette demi-douzaine d'étudiants discrets, gars et filles de la classe moyenne, jeans et t-shirt, inscrits dans une petite université du Midwest, qui acclament en chour le subversif auteur du non moins subversif roman Fight Club.
Que peut-on déduire de cette réponse? Des tas de choses intéressantes sur la classe moyenne, certes. Mais aussi qu'en littérature, la notion d'avant-garde est moins poétique, politique ou économique que générationnelle.
En effet, il y a fort à parier que les lectures des jeunes universitaires états-uniens, en particulier les lectures consensuelles, formeront le nouveau canon littéraire dans les prochaines décennies. C'est le principe du cocotier: tôt ou tard, les jeunes qui montent secouent du faîte de l'arbre les jeunes d'hier.
On n'est jamais qu'à quelques années d'une mauvaise chute.
Bref, bref, bref. Je me suis mis à lire Palahniuk. Or, ma lecture est un peu gâchée par toute cette histoire d'avant-garde, de progrès et de génération. Que voulez-vous, en tant que Nord-Américain francophone sur le second versant de la trentaine, j'ai non seulement l'impression d'approcher du mauvais bout du cocotier, mais qu'en outre ce cocotier pousse au mauvais endroit.
Pourquoi ai-je souvent l'impression que notre littérature est en retard par rapport à celle, mettons, des États-Unis? Que nous sommes coincés en banlieue des Lettres mondiales?
L'idée vous déplaît? Vous préférez plutôt croire que Paris est le nombril du monde? Ou que le Plateau Mont-Royal mène le peloton? Ou que la littérature est non directionnelle, étrangère au progrès?
Chacun ses illusions – mais ne nous leurrons pas: l'évolution et le progrès sont profondément inscrits dans nos cerveaux d'Occidentaux, que ça nous plaise ou non. À moins que vous ne soyez un moine bouddhiste, vous êtes programmé à vous situer en retard ou en avance par rapport à autrui.
J'aimerais pouvoir dire que la diversité de la production actuelle nous a libérés des écoles, que nous pensons de façon moins linéaire que par le passé, que les notions de progrès et d'évolution sont, en somme, dépassées. Mais est-ce qu'il ne s'agit pas d'une contradiction dans les termes?
Le progrès est une drôle de notion. Il semble évident en technologie ou en science, mais demeure terriblement flou dans le domaine artistique – et à plus forte raison en littérature, où le support n'a pas sensiblement changé depuis, disons, l'apparition du livre de poche dans les années 30. (Ne me faites pas rire avec les blogues.)
Il faut dire que tout est difficile à cerner en littérature. Il s'agit de l'un des derniers bastions qui résistent à la rigueur scientifique. Impossible d'expliquer objectivement pourquoi un texte vieillit mal. Ou de quelle manière un roman contribue à l'avancement de la discipline.
Ou encore les obscures raisons pour lesquelles on se sent en retard par rapport aux plus importantes littératures étrangères.
Bref, ma lecture de Palahniuk est parasitée par toutes ces questions: le texte est-il à jour, à la fine pointe, ou déjà un peu dépassé? Résistera-t-il au passage du temps, demeurera-t-il lisible dans 20 ans? Autant de questions qui gâchent le plaisir. La véritable modernité, au fond, consiste à se débarrasser de la modernité.
Surprenant ce choix de Palahniuk ? D’ascendance Ukrainienne ??? Est-ce vrai ? Encore un de l’ex!
Fight Club ( le film « A David Fincher film » …..Mischief . Mayhem . Soap ..c’est écrit sur l’enveloppe de la cassette….mettant en vedette Edward Norton et l’autre là …. le mari d’Angelina, comment s’appelle-t-il encore ? ah oui Tyler !!! B.P. …les unes et les autres se souviendront des épaules sinon du nom …) tout de même, date de 1999 et le roman avant d’être le scénario est plus ancien encore, donc tout ca de dix ans et plus…
Le cassage de gueules comme oeuvre d’art ? Tiens et si l’art et la can litt étaient un combat…. parfois même de chien ?
Qu’est-ce donc que cette bouillie de « modernité » ou encore de « progrès » en littérature? Pourquoi aller se triturer les méninges avec de telles questions existentielles inextricables et auxquelles les meilleures réponses n’ajouteraient de toute façon rien à rien?
En ce qui me concerne, cher monsieur Dickner, un texte est bon ou il ne l’est pas. Et cela, peu importe l’époque ou le pays d’origine. Tout le reste n’est que polémique futile.
Palahniuk ?
Le Soljenitsyne de la banlieue amerloque ! Rien de moins !