Passons aux aveux: j'appartiens à ces gens qui suivent avec une curiosité maniaque la série télévisée Lost.
Il s'agit d'un enthousiasme difficile à communiquer. Le plaisir de la série consiste, après tout, à s'envaser dans une abondance d'indices contradictoires, imbriqués dans une trame narrative tarabiscotée.
Or, parmi ces indices, on compte de très nombreux livres. On les surprend dans les mains des personnages, abandonnés sur des tables, cachés un peu partout dans les replis de l'intrigue.
On trouve d'ailleurs, sur le Web, des bibliographies plus ou moins officieuses. La liste comprend des titres comme Alice au pays des merveilles, Catch 22, la Bible et le Coran (bien entendu), Une brève histoire du temps, Les Frères Karamazov, l'Épopée de Gilgamesh, Moby Dick, Des souris et des hommes, Abattoir 5, sans oublier un certain nombre de best-sellers (plusieurs Stephen King) et quelques références à Alfred de Musset, Virgile ou Freud.
En tout, quelque 70 livres pour 82 épisodes – un ratio qui laisse songeur.
Pourquoi, en effet, les créateurs d'une émission grand public, écoutée en moyenne par 16 millions de téléspectateurs, ont-ils décidé d'utiliser le livre à si grande échelle, à une époque où la population des États-Unis lit de moins en moins?
Le choix n'est sûrement pas gratuit. Rien n'est gratuit dans l'industrie télévisuelle.
Certains lostologues prétendront que, malgré un très vaste public, la série s'adresse en réalité à un sous-groupe culturel friand de littérature et d'érudition obscure: les geeks.
(Pas étonnant d'ailleurs que la série ait inspiré une encyclopédie coopérative en format wiki: lostpedia.org, un espace bordélique où les plus maniaques peuvent spéculer sur le sens d'un infime détail ou de l'ensemble de la série. Le retour en force de l'herméneutique, mes amis!)
Cela dit, serait-il possible que cette trame incessante de livres ne s'adresse pas exclusivement au public geek?
Le livre serait-il en mutation dans l'imaginaire collectif?
RAREFACTION
Remontons un petit moment au 19e siècle, si vous le permettez.
Les bibliothèques municipales sont peu nombreuses et, du reste, un vigoureux analphabétisme prévaut au sein des classes laborieuses. Le livre fait par conséquent figure d'objet prestigieux, coûteux, difficile d'accès, et les bourgeois achètent de la reliure au mètre pour meubler leurs bibliothèques.
Le texte en tant que tel n'a, pour sa part, qu'une importance toute relative.
La situation change peu avant la Seconde Guerre mondiale. Une révolution se produit alors, sans doute aussi importante que celle provoquée par ce vieux bricoleur de Johannes Gutenberg: l'apparition du livre de poche.
Exit les reliures coûteuses: le lecteur glisse désormais une édition souple de Salinger ou de Gustave Flaubert sous sa ceinture et part lire sur le bord de la rivière.
On assiste à une véritable révolution platonicienne: grâce au livre de poche, la lecture se démocratise et devient populaire. Le phénomène est si important qu'il donne un essor nouveau à la littérature.
Cet âge d'or dure grosso modo jusqu'aux années 80, à la suite de quoi un certain nombre de facteurs provoquent une baisse progressive de la lecture du livre aux États-Unis – environ 10 % entre 1992 et 2002, selon le National Endowment for the Arts.
La révolution arrive à son terme: malgré l'abondance et le prix abordable des livres, la lecture se raréfie à nouveau dans le quotidien des Américains. Et que se passe-t-il alors? Le livre redevient aussitôt un objet iconique, comme au 19e siècle, avant la déferlante du livre de poche.
Le Wall Street Journal annonçait récemment, dans sa section immobilière, un retour en vogue des bibliothèques domestiques. L'auteur cite un sondage de l'association des constructeurs de maisons selon lequel 63 % des acheteurs considèrent une bibliothèque souhaitable et essentielle.
Évidemment, rayez de votre mémoire ces trois planches d'épinette qui ploient sous une collection de vieux Folio échevelés: il est ici question de pièces entières, meublées avec des rayonnages en acajou, des escabeaux et des enfilades de reliures en cuir soigneusement sélectionnées chez l'antiquaire par votre décorateur personnel.
Oprah Winfrey consacre d'ailleurs la une de son magazine à sa propre salle de lecture privée – et en citant Jorge Luis Borges! -, ce qui constitue toujours une secousse significative sur le sismomètre de la culture pop.
La lecture est dépassée, le livre revient en force.
Ah misère.
Je sais ,je sais, cela n’ajoute pas grand chose au fil de la démonstration ci-dessus élaborée; par contre cela fait intervenir un autre élément propre à notre micro-société en cette année du centenaire du Club de Hockey Canadien; Il s’agit bien entendu de BÉLIVEAU ( Jean, le joueur de centre et non Paul , le grand artiste peintre ). Vous me direz pourquoi ???
Bien sûr les plus de cinquante ans se souviendront d’avoir entendu Jean Béliveau interviewvé et tout le monde de s’exclamer avec admiration « comme il parlait sinon bien , avec aisance » . La nouveauté dans les oreilles d’alors c’est que « la parlure » des sportifs du temps, venait de dépasser l’onomatopoée. ou le borborygme dans le coin des bandes. Ayyoe !!!!
Alors, un des repsonsables des Éditions MARABOUT avait organisé à Québec une parade où JEAN BÉLIVEAU assis dans le trône d’ une décapotable qui remontait la côté d’Abraham , distribuait gratuitement des livres de la maison MARABOUT. On n’est pas loin de X13 et de Daigneault . Comment s’appelait ce responsable ?
Le livre s’infiltre partout.