À peine commencées, les vacances se terminent. À défaut de satisfaction, il convient d'en tirer des leçons philosophiques sur le sens de la vie et l'élasticité (vraiment toute relative) du temps.
Sinon, comment supporter l'insupportable: une saison automnale qui débute un dimanche 9 août, juste après le bain des enfants?
Bienvenue à bord de la galère 2009-2010. Oui, déjà.
Première tâche de l'automne, me réapproprier mon bureau. Les astrophysiciens sont, à ce sujet, formels et unanimes: le grand chaos cosmique primordial n'attend que vos dix jours de vacances annuelles pour reprendre le contrôle. Si peu de constance dans la continuité, c'est à désespérer de la matière.
Chez nous, c'est à force de sortir (puis de rentrer) les valises, la tente, les sacs de couchage et les tapis de sol, dans un va-et-vient proprement glaciaire, que nous finissons par transformer mon bureau-chambre-de-rangement en indescriptible foutoir.
J'observe donc l'état des lieux, je cherche à deviner le sens et la nature de ces piles de livres, de ces tas de feuilles, de ces formations branlantes qui ont poussé malgré moi, stalagmites de papier et de détritus.
À la mi-août, on découvre, mieux qu'en octobre ou en mai, de nouvelles relations entre le sens et l'espace. L'influence géologique des vacances, sans doute: après quelques jours au bord d'un lac, le paysage redevient une forme d'organisation de la pensée. Le sens n'est plus cette chose abstraite, intangible, unidimensionnelle. Il reprend du volume, des contours. Il prend de la place.
Me voilà donc face au désordre, bras ballants, tel Howard Carter dans l'antichambre du tombeau de Toutankhamon, merveilles en moins. À la place: notes documentaires et comptes impayés, carnets illisibles, colle de menuisier, crayons de cire, jeu d'épreuves rangé sous une bouteille de détergent – et le contenu d'une poubelle éparpillé là-dedans.
Mais surtout: des livres. Des dizaines de bouquins, consultés plus ou moins hâtivement et abandonnés n'importe où. La Flore laurentienne et Génération X, des dictionnaires, quelques services de presse et plusieurs Calvino. Des livres à prêter, d'autres à rendre, d'autres à bazarder. Des romans oubliés du printemps 2009, en chemin vers les oubliettes ou la table de chevet.
Par quelque inexplicable miracle, les ouvrages empruntés à la bibliothèque sont rassemblés sous le ventilateur, où ils accumulent une belle couche de poussière et 20 ou 30 dollars d'amende (ma contribution au financement de nos belles institutions publiques).
Tout en cartographiant les dégâts, l'évidence me frappe: il va falloir ranger tout ça. Et tant qu'à devoir remettre tous ces livres sur les tablettes, pourquoi ne pas en profiter pour mettre (enfin) un peu d'ordre?
Ah, l'hygiène des bibliothèques… Sur combien de blogues ai-je vu cette question ressassée depuis quelques années? On semble s'y intéresser davantage depuis que Google incite notre civilisation au désordre. "Ne classez pas, nous dit-on, laissez nos algorithmes s'en charger."
Quoi qu'il en soit, on en revient toujours à cette question élémentaire: classer ou ne pas classer – et, si oui, de quelle manière? Par auteur, titre, couleur, collection? Chronologie, thème, taille? Ordre d'acquisition, de lecture, d'appréciation?
De temps à autre, un disciple de Perec propose une nouvelle méthode de classement – comme si ce domaine se prêtait réellement à la nouveauté. Un blogueur affirmait, par exemple, classer ses livres par genre littéraire – mais en dégradé, afin que les genres se fondent l'un dans l'autre. Il s'agit de ranger, par exemple, entre les romans policiers et les recueils de poésie, les ouvres à la fois policières et poétiques. (Il existe sans doute des exemples plus convaincants.)
Je n'ai jamais éprouvé qu'une vague curiosité pour ces questions de classement – et pourtant, me voilà debout dans mon bureau, de la paperasse jusqu'aux genoux, en train de rêver à une bibliothèque bien rangée. L'idée est d'autant plus absurde lorsque l'on considère que mes rayons contiennent presque autant de livres à lire que de livres à classer.
Alors, lire ou classer? La question ne se pose même pas.
Et voilà qui, à mon humble avis, jette une lumière accablante sur ce faux problème. Vouloir classer une bibliothèque témoigne moins d'un désir d'organisation que du fantasme d'avoir assez de temps libre pour classer des livres.
Et le temps libre, avec septembre qui s'apprête à nous déferler en pleine tronche, risque plutôt de se raréfier.
Ah non, je ne classe pas un bouquin dans ma bibliothèque tant qu’il n’est pas lu. Jamais. Pour moi, ce serait un crime. Pourtant, il n’y a rien d’aussi inoffensif que de classer un volume sur un étagère de bibliothèque.
En fait, je classe par nom d’auteur. D’un côté les auteurs de roman, de l’autre tout le reste: bibliographie et essais. Ah oui, les volumes de référence (dicos) sont tout près de moi sur deux étagères au-dessus de ma table d’écriture…
Et les livres à lire? Sur une étagère orpheline, sorte de salle des pas perdus. Tant que ces livres n’ont pas été entièrement lus, ils y restent, avant de terminer sur un des rayons de ma biblio.
ps: j’ai un Generation X dédicacé par l’auteur: le seul autographe de ma carrière de lecteur!
Déjà entendu parler d’un certain Melvil Dewey (1851-1931), Monsieur Dickner… hum? Parce que c’est beaucoup grâce à ce libraire américain que vous pouvez trouver les livres que vous cherchez à votre bibliothèque, celle que vous avez même la générosité de subventionner, à ce que j’ai compris.
Ce M. Dewey a en effet élaboré le système de classement encore utilisé de nos jours. À la fin des années soixante, alors que j’étudiais au Cégep Bois-de-Boulogne, je travaillais deux heures par jour à la bibliothèque du collège à remettre à leur place les volumes retournés par les étudiants. Et je puis vous assurer que l’on peut presque trouver ou replacer un livre les yeux fermés avec ce type de classement…
Le système Dewey est simple et pratique, et permet de facilement repérer ce qu’on cherche. Peut-être qu’en allant payer vos amendes accumulées, vous pourriez demander qu’on vous remette une copie dudit système indiquant le mode de classification, ce qui devrait tenir sur une page ou deux.
En adoptant cette méthode pour enfin mettre de l’ordre dans votre fouillis, vous pourriez tout classer selon deux sections distinctes: la première pour tout ce que vous avez déjà lu et ne requérant qu’un rangement ordonné et, la seconde, pour ce que vous n’avez pas encore lu.
Avec l’une et l’autre sections organisées selon ce système ayant depuis longtemps fait ses preuves, vous saurez enfin ce que vous avez, combien vous possédez d’exemplaires en double d’un même titre (sait-on jamais…), et où tel petit livret ou telle grosse brique se cache.
À moins que vous ne préfériez en fait le fouillis, le désordre propice aux découvertes inattendues – plutôt qu’une plate et si peu inspirante organisation…
Je suis comme vous Monsieur Dickner. Mes livres lus et non lus sont mêlés. Beaucoup traîne sur les meubles du salon et de ma chambre. J’ai quand même 6 bibliothèques chez moi. Eh oui elles sont toutes remplies. J’ai décidé donc de me délester de quelques vieux livres que quelques érudits voudront bien acheter lors d’une éco-fête qui aura lieu dans mon quartier. Je n’aime pas me défaire de mes livres que j’ai lu. Mais je n’ai pas bien bien le choix. Je n’ai plus de place pour de nouveaux.