J'ai longtemps cru que tout jeune homme nord-américain qui se destinait à une carrière de romancier devait commettre, une fois dans sa vie, un texte sur la pêche à la truite.
Il s'agit d'une drôle d'idée, je l'admets, mais pas dépourvue d'une sorte de prestige suranné. On peut retracer ses origines jusqu'à Ernest Hemingway, qui nous donna d'obsédantes scènes de pêche – je pense à The Sun Also Rises ou à The Big Two-Hearted River. Ces textes, soigneusement enchâssés dans l'image de marque de Papa Hem, auront de toute évidence engendré, chez plusieurs lecteurs et aspirants écrivains, une fascination littéraire pour la pêche à la truite.
L'idée s'est définitivement chevillée à mon esprit après la lecture de Trout Fishing in America, de Richard Brautigan, qui brosse de la pêche à la truite un portrait plus déjanté, plus subversif. Chez Brautigan, on peut confondre un torrent et un escalier, le Kool-Aid et l'alcool fort.
Il est plaisant d'imaginer ces deux écrivains si différents, Brautigan et Hemingway, reliés par un même brin de monofilament. Un chaînon manquant fait de nylon translucide.
J'ai éprouvé, moi-même, cette étrange attirance. Je n'ai pourtant jamais pêché – ou si peu. Je suis un incompétent de la cuillère.
Je garde pourtant des souvenirs émus de la rivière Pellegrin, dans l'arrière-pays de Chandler, où j'ai pêché la truite jadis avec mon cousin Fred et mon oncle Gilles. Il s'agissait d'une magnifique rivière, tout en S, encastrée dans une gorge. Lorsque j'ai tenté de la retrouver par moi-même, vingt ans plus tard, je n'ai pas réussi. L'aventure s'est soldée par une bolée de mouches noires.
Ça n'a pas empêché la truite de rester, à mes yeux, le totem argenté de la fiction littéraire. Au contraire: le mystère est une valeur ajoutée.
Comme je l'expliquais la semaine dernière, j'enseigne en ce moment l'écriture créative. Cela se passe à Chicoutimi, et je dois donc me taper, chaque semaine, quelque dix kilomètres en taxi entre l'aéroport de Bagotville et le campus de l'UQAC.
Or il se trouve que, la plupart du temps, mon chauffeur est le même. Il s'appelle Yves.
Yves est un chauffeur de taxi comme je les aime. De la verve, mais pas bavard. Porté au dialogue. Il ne discute pas par habitude, ou pour combler le silence.
Il a autrefois travaillé sur la base militaire de Bagotville et il a plusieurs anecdotes sur les F-18 et les Hercules, les troupes américaines postées à Bagotville et les aléas de tondre la pelouse pour l'armée canadienne durant la guerre froide.
Vous avez remarqué comment on aime entendre certaines personnes parler? Ça ne dépend pas forcément de la scolarité, du niveau de langage, ou même de l'intérêt des anecdotes. Certaines personnes possèdent un autre atout: le rythme. Leurs phrases freinent et accélèrent, sautent les terre-pleins, font des U-turns, grillent les feux rouges.
Yves parle comme ça.
Je suppose que l'on retrouve ce rythme chez de nombreux chauffeurs de taxi. Ces gens font la discussion à cour de jour. Les clients défilent sur la banquette, et chaque client est un interlocuteur – ou un monologuiste. Les chauffeurs absorbent tout.
Et cela se fait non sans un certain sérieux.
Tenez, lorsque le répartiteur demande une voiture pour le 11, rue Simon-Crubellier, une ombre de sourire passe sur le visage d'Yves. Il connaît l'adresse, il sait que cette annonce cache une histoire, un sens secret. Dans un petit milieu, tout se sait, on finit par connaître les clients réguliers.
Mais "un taxi, c'est comme un confessionnal", affirme Yves. Rien n'en sort.
Je commençais à trouver des vertus littéraires à Yves, et je songeais presque à l'inviter en classe, afin qu'il vienne s'adresser à mes étudiants.
Je suis passé à deux doigts de le faire après m'être aperçu qu'Yves pêchait la truite. Il a un camp dans une ZEC, dans les monts Valin, et il passe ses étés sur les lacs et les rivières, à taquiner la mouchetée. Nous avons jasé de canots et d'équipement, et il a diagnostiqué l'un de mes problèmes: en ruisseau, l'hameçon no 6 est trop gros. Il faut monter la ligne en 8, et même en 10.
Yves avait déjà des vertus littéraires, il ne manquait que ce chaînon manquant: la pêche à la truite.
La session n'est pas finie, mais je lui ai déjà donné un A+.
Brautigan est un pur produit de l’époque hippie. Avant d’être reconnu comme un écrivain, je crois que c’était plutôt un profond animal urbain de San Francisco, bien plus que le pêcheur de truite que l’on connaît de lui grâce à sa prose sur ce passe-temps.
La pêche à la truite comme prétexte à l’absurdité poétique ou la poésie absurde, voilà probablement la véritable raison de ce projet. Quand je pense à « La pêche à la truite en Amérique », je me rappelle souvent les vieilles capsules du Ministère fédéral de la faune (ou qqe chose d’approchant) – dans les années ’70 – où nous était présenté un animal et son habitat naturel.
Brautigan, s’il avait été exposé à ce genre de propagande canadienne, aurait sans doute repris ce matériel pour en faire une poésie hilarante dénonçant l’Homme moderne en rupture avec son environnement.
Salutations!
la pêche , révèle que ceux qui la pratiquent ont une vie intérieure; méditer au fil de l’eau , quelle pratique bouddhiste !
les chargés de cour, du réseau de l’ université du Québec , apportent leur soutien à Orléans express. Mais on peut aller au Saguenay aussi en train , c est plus long , mais c ‘est un beau voyage par la riviere Batiscan.
Uranus est entré en Bélier le 11 mars ( jour du séisme au Japon ) et Mars va rejoindre Uranus, sur les permiers degrés duBélier le lundi 04 avril…. attention aux accidents!!!!
Dommage que n’ayez pas vraiment le temps de vous frotter aux vrais érudits branchouillés qui pullulent dans l’anonymat du centre-ville. Vous pourriez y faire des découvertes et des rencontres fabuleuses avec un oeil aiguisé de l’extérieur. Il y a tout un Urbazoo à Chicoutimi qui ne demande pas mieux que d’être observé tout en prenant un café.
Au plaisir de vous rencontrer peut-être?