La série finale de la coupe Stanley mettant aux prises les Oilers d’Edmonton et les Hurricanes de la Caroline nous aura fait passer par une montagne russe d’émotions – et de prédictions. À 2-0 Caroline, c’en était fait des Oilers, les journalistes couvrant la série nous rapportaient le doute décelable dans le coin de l’oeil des joueurs d’Edmonton: c’était fini pour eux. Sauf que ça ne s’est pas passé comme ça…
Et quand les Oilers ont égalisé la série, là, c’était différent. Le momentum avait viré capot et c’était maintenant les Hurricanes qui allaient assurément se faire battre… Sauf que…
Le seul dossier où l’on a vu autant de revirements dernièrement, c’est la perspective de l’indépendance du Québec. Il n’y a pas si longtemps, on était en plein scandale des commandites, et l’indépendance semblait sur le point d’arriver comme tombe un fruit mûr. En novembre, le Parti Québécois se donnait un nouveau chef qui avait le vent dans les voiles. Boisclair incarnait la jeunesse, le renouveau tant attendu. Aux élections fédérales, en janvier, le Bloc se lançait dans la course en envisageant de récolter 50 % des votes au Québec. Ça sentait la coupe…
Sauf que… Non seulement le Bloc a-t-il perdu quelques pourcentages de votes, mais c’est, contre toute attente, le Parti conservateur qui y allait d’une percée lui permettant de former un gouvernement minoritaire qui a maintenant toutes les allures d’un gouvernement majoritaire tant les partis de l’opposition ne sont pas prêts à se lancer dans de nouvelles élections. L’électorat non plus d’ailleurs. Beau risque, prise 2 ou coup de barre passager?
L’effet du scandale des commandites est loin et les Libéraux ne sont plus au pouvoir. Les chemises qu’il y avait à déchirer ont toutes déjà été déchirées. Le "mystère de Québec" semble se consolider. On se demande si le Bloc est encore pertinent à Ottawa. Duceppe est sur la défensive. Derrière le sourire, le chef péquiste a l’air de se chercher. Les vieux combattants de l’indépendance, ne se sentant plus désirés, quittent le navire. Et ça grouille à gauche avec la formation de Québec Solidaire. De plus, on apprend d’un côté que l’homosexualité d’André Boisclair ne passe pas en région, et de l’autre, que plusieurs dans la communauté gaie lui reprochent de ne pas assez s’affirmer en tant qu’homosexuel. Damned if you do, damned if you don’t… Les chicanes internes reviennent. Boisclair a de plus en plus l’air d’une duchesse de carnaval sur un char allégorique avec un flat.
Et là, on assiste à ce phénomène tellement fréquent, tellement répétitif à travers notre histoire que, si on réussissait à y harnacher une centrale électrique, on aurait une énergie renouvelable à peu de frais. C’est le découragement des indépendantistes. Suivi, on l’oublie toujours, par une reprise de confiance fiévreuse. Les indépendantistes québécois sont des maniacodépressifs. Un jour, c’est dans la poche, c’est le début d’un temps nouveau, la veille du grand soir, et puis pouf, c’est l’étiolement des forces, la fermeture définitive de la fenêtre d’opportunité, la résignation, voire l’assimilation lente et inexorable dans l’américanité anglophone.
Présentement, tout est noir. À entendre parler plusieurs souverainistes, Boisclair et sa gang de jeunes apparatchiks téteux vont précipiter la disparition du Parti Québécois. Le Bloc ne saurait lui survivre. Faute d’espoir de victoire, une bonne part de l’électorat souverainiste baisse pavillon. Ils ne veulent plus de référendum, ils ont trop peur de le perdre. Et, ne se sentant plus la force d’y croire, ils remettent en cause la légitimité de leur rêve (ce qui ne se fait étrangement jamais quand il semble sur le point de se réaliser…).
Pourtant, le premier devoir des indépendantistes, c’est d’y croire encore. Sûrement que bien des fans des Hurricanes se sont dit que c’était fini après que leur équipe eut perdu le sixième match 4 à 0. Qu’est-ce que ça leur a donné? En fait, peu importe qui ils appuyaient, les fans qui auront cru en leur équipe même quand elle semblait finie auront eu pas mal plus de fun au bout du compte…
Ce n’est pas tant d’un nouveau grand chef historique que les forces indépendantistes ont besoin. C’est plutôt d’une dose de lithium…
Là-dessus, bonne Saint-Jean!