Impertinences

OUT!

Les Outgamestm sont terminés. Le bilan dira que les assistances ont été très ordinaires mais qu’on ne s’attendait pas à beaucoup plus. C’était avant tout un événement de participation. L’organisation a été impeccable, et la ville et ses citoyens, très accueillants. Bravo pour nous, nous sommes les champions de la tolérance!

Bravo, oui, bon… Sauf que ces Outgames(tm) et la très généreuse couverture médiatique dont ils ont bénéficié semblent aussi avoir provoqué une espèce de trop-plein dans la population. Pas de réaction haineuse ou de ressac réactionnaire, juste une espèce de lassitude généralisée. Je ne sais pas pour vous mais dans mon entourage, jamais je n’avais entendu autant de déclarations du genre: "Ben oui, bravo, vous êtes tapettes, gouines ou j’sais pas quoi mais y’a autre chose dans la vie!" Moi aussi, j’avoue. Il n’est pas question de leur retirer des droits mais, à Montréal du moins, l’impression qui se dégage, c’est: "Coudon, ça va pas si mal que ça, vos affaires! Vous êtes en forme, vous vous éclatez encore plus que nous autres les hétéros, vous avez de l’argent en masse à dépenser, y’a peut-être des causes plus urgentes à défendre." Les Québécois adorent Michel Tremblay. Ils ont massivement vu et apprécié C.R.A.Z.Y. Ils ont élu André Boisclair à la tête du Parti Québécois. Ils appuient largement le mariage gai même si Mgr Ouellet proteste du haut de sa chaire. Ils aiment Clémence et Dany Turcotte. On peut-tu passer un été sans continuellement entendre parler de vous autres?

Les temps ont bien changé. Et tant mieux. Je m’en suis rendu compte alors que j’étais en train de manger sur une terrasse, à Montréal. Un couple gai arrive et s’installe à la table à côté de moi. Clairement une rencontre toute fraîche, sans doute faite à ces fameux Outgames(tm). Ils sont tout en bécots et en pognage de mains. Rien de scandaleux, très cute, attentionnés, souriants. Un Québécois francophone aux pommettes rondes et un grand anglo anguleux qui parle français avec un charmant accent. L’air athlétique tous les deux.

Je connais des homosexuels mais il ne m’est pas arrivé souvent d’en voir se bécoter juste à côté de moi. Et, je ne peux pas mentir, je me sentais bizarre. Si je dînais tous les jours à côté d’un couple gai, sans doute que ça ne me ferait plus rien. Pas que ça m’écoeure, ce n’est pas ça. Mais ça surprend encore. Je ne les regardais pas, je lisais mon journal. Mais je me suis demandé si je n’aurais pas dû les regarder un peu, leur dire un petit bonjour. Tout à coup qu’ils pensent que si je reste plongé dans mon journal, c’est parce que je suis un p’tit straight borné qui ne veut pas les voir? Et puis, si je les regardais, c’était la même chose. Ils me faisaient ressentir mon devoir d’ouverture d’esprit. En fait, ce n’est pas eux. C’est l’époque, les Outgames(tm), le Québec et sa précieuse réputation de tolérance qui me faisaient ressentir ça. Eux, ils s’en foutaient, visiblement, et ils avaient bien raison. Je n’ai pas tardé à m’en foutre moi aussi, ayant été absorbé par la lecture des nouvelles du Proche-Orient dans mon journal. Mais pendant une fraction de seconde, c’est moi qui me suis soucié de ce que deux gais pouvaient penser de moi. C’est moi qui avais peur de déranger ou de choquer. Mais ça n’a pas duré très longtemps et la vie a continué. C’est une grande victoire pour les homosexuels et pour tous les humains, peu importe avec qui ils baisent.

Sauf que toute minorité qui défend ses droits se butera tôt ou tard aux limites de la société majoritaire. C’est vrai pour les Québécois dans le Canada. C’est vrai pour les gais, lesbiennes, bisexuel(le)s et transgenres. Et on commence à la sentir, cette réaction. Oui, il y a encore des obstacles et des préjugés. Mais plein de gens dans la vie mènent des combats de tous les jours et ne pourront jamais rêver de la tribune que les gais ont réussi à obtenir. Les handicapés, les dépressifs, les laids, les gros…

Et puis, comme ils se réclament à juste titre du droit à la différence, ça ne ferait pas de tort si, de temps en temps, on voyait des gais se battre pour d’autres différences que la leur. D’ailleurs, au début de ces Jeux, le nom de l’événement me faisait tiquer par son anglitude triomphante. Je me disais qu’ils n’avaient aucune considération pour la différence québécoise. Mais en fin de compte, je trouve que c’est le plus approprié. Parce que cet été, pour la première fois, j’ai eu l’impression que les gais étaient out. Les shows clinquants, les paillettes, les corps parfaits et exhibés, les butchs et leurs blondes… On a déjà vu. On ne vous hait pas mais on s’en sacre un peu… Les fifs sont out!

Et vous savez quoi? C’est une des plus belles preuves de leur intégration.