Impertinences

J’applaudis Stéphane Dion

Avec tout ce qui se passe au Proche-Orient, savez-vous qu’il y a une course à la direction au Parti libéral du Canada? Absolument. Même que Stéphane Dion en fait partie, je vous le rappelle. Et, si on oublie un peu sa "face à claques", il faut admettre qu’il est jusqu’à maintenant un des candidats les plus articulés.

Entre autres, sur le rôle que devrait jouer l’armée canadienne dans les conflits internationaux. Dans une lettre parue dans Le Devoir le 11 août dernier, M. Dion explique que, selon lui, il faut se garder de deux naïvetés quant au rôle de l’armée du Canada. La première est que "puisque la préservation de la paix est la vocation de nos soldats, ceux-ci ne doivent jamais utiliser leurs armes (…)". Mais aussi: "La naïveté inverse est de surestimer la force armée en tant qu’instrument pour répandre la justice et la démocratie dans le monde."

Selon cette grille d’analyse, le Canada a eu raison de participer à l’intervention en Bosnie parce qu’elle avait de bonnes chances de mettre fin à la violence et de permettre un progrès politique dans ce pays. Même chose pour l’Afghanistan. Mais pas en Irak, parce que, selon lui, il était prévisible que l’intervention militaire ferait diminuer les chances de la démocratie dans ce pays et dans l’ensemble du Moyen-Orient. Le seul candidat québécois de cette course rappelle aussi que le Canada a eu raison de mettre en garde ses amis américains contre les dangers de leur entreprise et de ne pas y participer. "Pour nous, ajoute-t-il, les États-Unis sont un allié et non un modèle, distinction qui échappe à notre premier ministre actuel." Belle précision.

Plus loin, Stéphane Dion explique: "Les Canadiens doivent continuer à venir en aide à des populations en danger, là où leur présence est souhaitée et où ils ont des chances raisonnables de faire diminuer la violence. Ils ne doivent pas refuser les engagements qui comportent la nécessité d’utiliser les armes et le risque de subir des pertes. Mais ils doivent s’abstenir de participer aux entreprises qui ont pour effet d’augmenter la violence plutôt que de la faire reculer."

Encore ici, c’est bien envoyé. Tout ça est rationnel, logique, humaniste sans pécher par excès d’idéalisme, pragmatique, très "valeurs canadiennes". Sur ce conflit que se passe à des milliers de kilomètres de chez nous, je donne un 10/10 à M. Dion. Ce n’est pas du pacifisme à tout prix mais c’est à des lieues de l’attitude de bully des États-Unis de Bush.

Je suis quand même loin de souhaiter que le père du plan B accède à la direction du Parti libéral du Canada mais je garderai précieusement cette lettre en mémoire. C’est bien le même Stéphane Dion qui, pour faire reculer l’appui à l’indépendance, a soutenu les partitionnistes du West Island et qui, tout en évoquant un "chaos" qu’il nourrissait en fait par ses propres propos, a sous-entendu que l’armée canadienne pourrait être appelée à intervenir pour protéger le droit de citoyens canadiens à rester Canadiens?

Les références à cette stratégie sont bien floues mais une chose est sûre, c’est que jamais cette approche inquiétante n’a été formellement démentie. On a préféré à l’époque jouer le jeu dangereux de laisser planer le doute pour faire peur aux souverainistes. Et la peur de la violence, c’est déjà la violence.

Or, si selon M. Dion l’armée canadienne doit "s’abstenir de participer aux entreprises qui ont pour effet d’augmenter la violence plutôt que de la faire reculer", il me semble clair que ça élimine d’office toute potentielle intervention de l’armée canadienne dans un Québec qui aurait démocratiquement choisi l’indépendance. Je sais bien, avec Boisclair qui triomphe sans gloire aux partielles avec un taux de participation digne d’un 5 à 7 le dimanche, elle a l’air bien loin, l’indépendance. N’empêche. C’est un bluff de plus qui vient de tomber. Et c’est à l’avantage autant des Québécois indépendantistes que de tous les Canadiens. Merci, M. Dion. Dans un Québec indépendant, je soutiendrai votre candidature comme ministre de la Défense…