Impertinences

On se calme les nerfs avec le Québecistan…

O.K., je vais arrêter de niaiser avec la puck, je vais la jouer transparent. Ça fait une semaine que je cherche un moyen d’aborder le sujet qui me tracasse mais je ne sais pas comment. C’est cette histoire de Québecistan qu’a évoquée Barbara Kay dans le National Post, ainsi que la lettre de l’ambassadeur israélien au Canada, Alan Baker, qui reprochait à Gilles Duceppe d’avoir participé à une marche où l’on brandissait des drapeaux du Hezbollah.

Comme bien des Québécois, mon sang bout quand un scribouillard en mal de sensations fortes nous assimile, directement ou indirectement, à des fascistes et des antisémites. Y’en a marre! Et je ne peux pas faire autrement que d’y voir non pas une réelle inquiétude mais une manipulation de la culpabilité à des fins politiques. Comment expliquer que l’ambassadeur israélien ait parlé de Duceppe mais non de Denis Coderre, qui participait aussi à la marche, si ce n’est dans l’intention de salir les souverainistes? Et au fond, Kay fait la même chose. Ce n’est que l’appartenance au Canada qui retient le Québec de glisser vers le pro-terrorisme…

D’abord, on va mettre quelque chose au clair. L’antisémitisme est inacceptable et Israël a le droit d’exister. Trop d’interlocuteurs pro-palestiniens, derrière un écran de fumée de récriminations sur les agissements de l’armée israélienne, cachent en fait un refus de l’existence même d’Israël. C’est important de le rappeler. Israël a donc aussi le droit de se défendre, ce qui n’empêche pas qu’on puisse remettre en question la proportion de ses représailles.

Je vais réécrire ce paragraphe chaque fois que j’aborderai une question touchant Israël et les Juifs, question de rassurer les inquiets sur mes valeurs profondes. D’ailleurs, j’ai déjà fait une chronique à la radio où je disais que je ne boirais pas de Mecca-Cola, ce Coke-à-cause qui redistribue une partie de ses revenus à des organisations venant en aide aux enfants palestiniens, parce que son promoteur soutenait la disparition d’Israël. Je n’avais pas reçu de félicitations de l’ambassadeur d’Israël, à l’époque. De fait, les seuls commentaires positifs écrits que j’avais reçus provenaient d’un prof de sciences politiques très canadien-français et, selon toute évidence, souverainiste.

Mais au lieu de jeter de l’huile sur le feu en accusant de larges pans de la communauté juive d’être anti-québécois (ça existe aussi!) et d’en étaler des exemples, je vais tenter de dissiper ce qui est peut-être à la source du malentendu. Avec ce qu’ont vécu les Juifs au cours de leur histoire, la moindre des choses est de comprendre qu’ils puissent être méfiants…

Oui, il y a eu de l’antisémitisme dans l’histoire du Québec, quoique pas plus qu’ailleurs. Oui, il y a un nationalisme québécois mais il est inclusif et pluraliste. Et si parfois des Canadiens français et des Juifs ont vécu des tensions, ça a eu plus souvent à voir avec la question linguistique qu’avec la religion. La judéité n’est donc pas en cause.

Mais voilà, de par son histoire, le Québec a une sensibilité différente du reste de l’Amérique du Nord. À cause de sa position minoritaire, de son passé de colonisé, de son fond catho, le Québec s’identifie aux perdants. Une de ses fibres les plus fortes est la pitié. Il prend pour ceux qui perdent d’habitude. Ma mère a de la misère à suivre un match de sport, surtout une finale, parce qu’elle sera toujours triste pour les perdants. Le Québec est comme ça. Largement, en tout cas. Des winners qui écrasent tout, ça vient moins nous chercher qu’une Sylvie Fréchette victime d’injustice. Et ce qu’on a vu dans le conflit entre Israël et le Hezbollah, ce sont des tirs de roquettes, bien sûr, mais surtout Beyrouth dévasté, des milliers de victimes civiles, des camps de fortune pour les réfugiés, des pénuries. Israël a sans doute peur, et avec raison. Mais c’est le Liban, plus précisément les civils libanais, qui fait pitié.

Je reprendrai la simpliste et pourtant éclairante logique présentée dans le désopilant film Team America, World Police (attention, avertissement de langage vulgaire). Dans le monde, il y a des "dicks", des "pussies" et des "assholes". Pour traduire rapidement, des "graines", un peu simplistes et brutales mais courageuses, des "minous" pleins de bonnes intentions mais naïfs et un peu moumounes, et des trous de cul, qui s’amusent à foutre la merde partout. Le monde anglophone en général est composé de "dicks". Et présentement, Israël aussi. Au Québec, nous sommes des "pussies". Arrêtons de nous en faire accroire, c’est ça. Les terroristes, eux, c’est clair, sont des "assholes".

Et quand vous en venez à ne plus faire la différence entre un minou et un trou de cul, ça prouve que votre "dick" est vraiment trop excité…