Des fois, j’ai le goût de me partir une religion.
Pas pour les économies d’impôts (quoique…), pas non plus pour faire construire des fumoirs au nom de l’accommodement raisonnable. Non, c’est que je me dis que pour contrer l’influence grandissante des religions obscurantistes, passéistes et sexistes, la raison seule ne suffit pas, l’État de droit non plus. C’est trop mou, pas assez partisan, pas assez mobilisateur. Voyons les choses en face: cette intangible chose qu’est l’air du temps semble venter de plus en plus en direction des intégrismes en tout genre. Ce n’est plus l’adage "Faut le voir pour le croire" qui règne, règle d’or du scepticisme. C’est maintenant l’heure du "Faut le croire pour le voir", propre aux Bush comme aux Ben Laden de ce monde. Comme il fallait d’abord croire à la présence d’armes de destruction massive en Irak pour les voir…
De toutes parts, les traditions séculaires reculent devant les exigences communautaristes. Les litanies qu’on entend de plus en plus souvent dans les lignes ouvertes et dans les discussions avec les chauffeurs de taxi ressemblent à celles-ci (il y a deux variantes):
"Au Québec, on a tout laissé tomber de notre tradition catholique, et maintenant, on laisse faire n’importe quoi à des religions bien plus rétrogrades et on n’a plus de base pour résister", dans le cas des nostalgiques du Temps d’une paix qui disent en somme: "Je vous l’avais bien dit" à leurs cadets baby-boomers.
Et on entend aussi: "Au Québec, on s’est battu pour se libérer du joug religieux, pour créer une société égalitaire et inclusive, et on se laisse maintenant imposer des reculs inacceptables sous prétexte d’ouverture à l’Autre", provenant de tous ceux qui auraient souhaité que les valeurs du Québec moderne établissent un creuset plus efficace et qui craignent la montée de ghettos communautaristes qui réduisent peu à peu le territoire du pays qu’ils ont rêvé, avant même qu’il n’advienne.
Mais, sérieusement, on ne pourra pas plus revenir à plus de foi catholique de la part de la majorité qu’on ne pourra exiger moins de zèle des pratiquants d’autres religions. D’où l’idée d’inventer une alternative. Mais pas une secte à la Raël où il faut se regarder l’anus dans un miroir, une vraie religion, nouvelle et améliorée, ploguée sur les valeurs de son temps. Luther l’a bien fait à son époque. Et le Népal a fusionné l’hindouisme et le bouddhisme pour mettre fin à la chicane sur son territoire.
Pourquoi alors ne pas fonder quelque chose de nouveau pour occuper les merveilleuses églises qui jalonnent tout notre territoire au lieu d’en faire des condos? Garder les beaux principes de base de la religion catholique, "scrapper" quelques vieilleries, ouvrir les portes à tous. Ce n’est pas au Bloc que le curé Gravel aurait dû aller. Il aurait dû faire sécession d’avec Rome et partir son affaire…
Il aurait pu s’inspirer des Juifs qui, au-delà des fêtes qui renvoient à la croyance en Dieu, ont des fêtes qui commémorent des moments dans l’histoire de leur peuple. Lors de la fête de Souccot, par exemple, ils font des cabanes sur les balcons pour se souvenir de l’exode dans le désert. Ça, je trouve ça plutôt séduisant. C’est donner vie à l’histoire, se connecter au passé qui nous a façonnés.
Qu’est-ce que ça pourrait donner ici? Je me souviens, pendant les grosses pannes d’électricité du Grand Verglas, d’avoir passé dans un bar une soirée inoubliable. Les chandelles avaient remplacé l’éclairage, on ne servait plus que du fort puisque le frigo ne marchait plus et qu’un bac de glace n’aurait pas suffi à garder la bière au froid assez longtemps, et un client pianiste s’était mis à l’oeuvre pour remplacer le système de son et mettre un peu d’ambiance. C’était vraiment charmant.
Tout à coup, l’électricité est revenue. On a donc rallumé les lumières, le pianiste est retourné rejoindre ses amis et le bar a repris sa vie normale. Mais au bout d’un moment, tout le monde a fait la même constatation: on se privait d’un moment spécial. Le proprio a donc éteint les lumières et le système de son, un autre pianiste s’est installé au piano et la soirée sans électricité a repris son cours.
Pourquoi ne pas reprendre l’idée une fois par année, un jour ou même une fin de semaine complète, de préférence au début de l’hiver pour qu’on s’en rende vraiment compte mais pas dans les grands froids pour pas qu’on souffre trop? D’abord, il y aurait un côté pratique. Ça nous forcerait à avoir des chandelles au cas où une vraie grosse panne surviendrait. Ça jouerait un peu le rôle d’un exercice de feu. Ce serait l’exercice de panne. Mais surtout, ça nous ploguerait sur notre histoire, ça nous ferait comprendre comment vivaient nos ancêtres, comment ils arrivaient à s’amuser. Et c’est ouvert à tous.
Comme ça, au lieu d’en être réduit à demander à d’autres cultures de modérer un peu leurs transports religieux, on pourrait essayer de les convertir…
Mais bon, j’ai beau trouver ça logique, le problème, c’est que je n’y crois pas, moi non plus…