Impertinences

Politique et spectacle

RETOUR SUR BROKEBACK MOUNTAIN

Qui eût cru qu’André "le technocrate bionique" Boisclair pouvait être aussi cabotin? En tout cas, il avait l’air de s’amuser ferme dans son caméo de dérangeur de cow-boys sous la tente. Le sketch des Justiciers Masqués n’était peut-être pas un moment d’anthologie mais la référence est actuelle et c’était quand même rigolotement baveux.

Mais j’avoue que toute cette affaire me déçoit moi aussi. Sauf que ce n’est sans doute pas pour les mêmes raisons que la majorité de ceux qui ont déchiré leur chemise comme la Bombardier. (D’ailleurs, ça doit lui coûter cher de chemises par année, celle-là.)

Deux choses me choquent là-dedans. D’abord, que des humoristes invitent des politiciens à faire partie de leurs sketchs. C’est tellement clair que les politiciens s’en servent pour se rendre plus cool. Et c’est rare que ça leur pète dans la face. Je comprends donc tout à fait qu’ils embarquent là-dedans. Ce que je comprends moins, c’est qu’on les invite.

Quand un politicien de haut niveau accepte de participer à un numéro d’humour, on peut s’attendre à ce que le sketch en question ne soit pas trop méchant à son endroit. Au pire, il aura droit à un rappel de certaines maladresses, mais elles s’en trouveront grandement amoindries du fait qu’il accepte d’en rire. Les humoristes, que ce soit au Québec ou au Canada anglais, seront forcément moins féroces en face du gars que s’ils faisaient un gag sur lui ou qu’ils l’imitaient sans qu’il ne soit là. C’est humain.

Le seul humoriste qui, à ma connaissance, a réellement dérangé les politiciens qu’il rencontrait a été Pierre Brassard dans son personnage de Raymond Beaudoin, du temps des Bleu Poudre. Il était d’ailleurs loin d’être le bienvenu dans l’entourage des hommes et des femmes politiques, ce qui à mon sens est une belle preuve de pertinence. Jean-René Dufort peut aussi faire preuve d’un sarcasme dévastateur. Mais pour le reste, on reste la plupart du temps très gentil…

Et je trouve que c’est là abdiquer tout le potentiel corrosif de l’humour. À la limite, c’est se prêter au jeu de la propagande. Or, les politiciens ne manquent pas de tribunes pour vendre leur salade. Et quand ils profitent de temps d’antenne dans une émission d’humour, ils empiètent dans le champ de la critique. En tout cas, moi, ma ligne est claire: j’inviterai un politicien dans un show dont je fais partie le jour où le même politicien m’invitera à prendre la parole à l’Assemblée nationale ou à la Chambre des communes. Kif-kif.

L’autre chose qui me dérange, c’est avec quelle désinvolture André Boisclair s’est excusé. J’aurais préféré voir l’aspirant premier ministre du Québec dire que lui, il avait trouvé l’idée drôle, qu’il regrettait si ça choquait certaines personnes mais qu’il trouvait ça important de ne pas toujours se prendre au sérieux, n’importe quoi pour minimiser l’importance de la chose ou pour faire connaître son angle là-dessus. Mais dire si facilement que si c’était à refaire, il n’accepterait pas l’invitation, c’est avouer qu’il prend des décisions importantes à la légère. Les Québécois peuvent accepter qu’un leader n’aille pas toujours dans le sens qu’ils souhaitent. Mais le faire sans conviction, ça ne passe pas.

Mais qu’il ait accepté, come on, y’a rien là. Kim Campbell a posé nue et c’était une formidable preuve d’ouverture d’esprit et d’audace. Bob Rae a plongé tout nu dans l’eau et c’était charmant. Boisclair joue en veston-cravate dans un sketch où Harper et Bush sont caricaturalement mis en bobettes et c’est un scandale. Y’aurait pas un peu d’homophobie dans la réaction?

DU GROS FUN DE DELEGUES

Vous ne trouvez pas qu’ils ont eu l’air de s’amuser ferme, les délégués libéraux en congrès à Montréal? Ils étaient là à se faire courtiser par tous les camps, à apprendre à connaître des frères d’idéaux provenant des quatre coins du Canada, à refaire le monde autour de quelques bières jusqu’aux petites heures du matin. Si ça se trouve, Stéphane Dion doit peut-être son nouveau statut à une tournée de shooters! C’est beau, la démocratie.

N’empêche qu’il faut reconnaître que cette formule pour élire un chef est pas mal plus sexy que la formule par courrier adoptée par le Parti Québécois. Il me semble que les jeux d’alliances, la présence physique, l’électricité dans l’air, tout ça a manqué au PQ lors du couronnement de Boisclair. C’était comme suivre une course de chevaux en ne regardant que le départ et l’arrivée.

En fait, je n’aime pas quand les politiciens envahissent le domaine du spectacle. Mais quand eux-mêmes en donnent un, je trouve que ça ne fait pas de tort…