Impertinences

Overdose de ballounes

Je suis tanné de ces ballounes gonflées artificiellement dont les médias nous inondent. Les chicanes de Casseau, les propos de Ségolène, les sondages botchés, voire carrément tendancieux. On fait une grosse "une" qui crie, le lendemain, tous les chroniqueurs, éditorialistes et blogueurs y vont de leur analyse, le surlendemain, tout le monde dit que la couverture médiatique était disproportionnée.

C’est comme si un Yvan Ponton surgissait aléatoirement sur tous les écrans pour lancer: "Improvisation comparée de style "cacophonie médiatique" ayant pour thème…", et là, vous avez le choix: le racisme, la violence des jeunes, les accommodements raisonnables, la solidité des viaducs, la radio-poubelle, telle ou telle déclaration de Gendron, Mailloux, Proulx, Falardeau, Ti-PET, Dutrizac et gnagnagna. "Nombre de joueurs: illimité. Durée: une semaine."

Et là tout le monde se pitche, chacun cherche son angle, les thèmes sous-jacents, les précédents. C’est une honte! Untel doit démissionner! Où s’en va le monde? Le Québec nous tue, la jeunesse est pourrie. Il n’y a plus de balises, plus de saisons ni de projet de société. Ah, le projet de société! Et, en fin de course, tout le monde s’entendra pour dire que l’ampleur du problème a été gonflée hors de proportion par les médias, ne semblant nullement saisir qu’ils y ont contribué eux-mêmes.

Je l’ai fait moi aussi et je le referai. Mais j’essaie de m’abstenir dès que je sens ce genre de balloune. Même dire qu’on en parle trop, c’est encore en parler plus.

Tenez, par exemple, je ne parlerai pas des propos supposément souverainistes de Ségolène Royal. Elle a cherché ses mots devant un micro qui lui a été pointé sous le nez et, comme d’habitude, elle a essayé de dire ce qu’elle pensait que son interlocuteur voulait entendre. Pas de grandes analyses à faire avec ça. Non-ingérence, non-indifférence. La France ne peut et ne doit pas en faire plus. Non mais, vous imaginez la France appuyant ouvertement l’indépendance du Québec dans un référendum? Des plans pour que les États-Unis refusent de la reconnaître juste pour le kick…

Mais tout de même, dans les réactions à ce genre de feu de paille, il y a parfois des perles. Stephen Harper s’est laissé prendre au jeu et a émis un communiqué qui stipule que "L’histoire nous montre qu’il est plus que déplacé qu’un dirigeant étranger intervienne dans les procédures démocratiques d’un autre pays". Ah bon. Et envahir l’Afghanistan, c’était quoi? Bon, là-dessus, on pourrait argumenter qu’il n’y avait pas vraiment de "procédures démocratiques" en partant. Mais le soutien américain à un Canada uni, c’était quoi? Et les gestes visant à isoler la Palestine parce qu’elle a choisi démocratiquement le Hamas? Peut-être qu’on ne peut pas intervenir avant, mais qu’après, c’est correct.

Autre balloune: des étudiants musulmans sont exemptés de cours de flûte sous prétexte d’une interprétation particulièrement casse-la-joie du Coran. C’est inacceptable, c’est l’équivalent d’empêcher d’enseigner l’évolution, mais je comprends la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, la même qui a dû défrayer une fortune en frais légaux dans l’histoire du kirpan, de s’y être pliée pour avoir la paix, d’autant que la mesure ne touche que quelques élèves. Vivement des normes nationales affichées et affirmées! Bon courage, M. Bergman Fleury (qui préside le comité ministériel qui devra se prononcer sur les accommodements en milieu scolaire).

En attendant, on compile tout ça tranquillement. Parce que si on fait une semaine de crise médiatique pour chaque accommodement abusif réclamé par quelques crinqués que la majorité de leurs communautés respectives trouvent aussi déconnectés que tout le monde, je prédis un voyage triomphal de Le Pen au Québec d’ici deux ans.

À l’opposé de ces sujets qui sont dans la loupe des médias, d’autres déclarations semblent hors du champ de vision. Par exemple, l’économiste de la Banque de Montréal Sherry Cooper a déclaré que, malgré le dossier déplorable de la Chine en matière de droits de la personne et d’environnement, le Canada devrait aborder les questions économiques et politiques de façon séparée en ce qui concerne ce géant, parce qu’il serait trop dommageable pour notre économie de manquer le "bateau Chinois". Voilà qui est clair. On peut laisser pourrir le bateau cubain pendant des années parce qu’on peut s’en passer. Mais la Chine, on peut juste pas. Ça a le mérite d’être honnête.

Sauf que ça m’inquiète un peu. Si on se met à dissocier politique et économie pour la Chine, est-ce que ça ne se pourrait pas, juste un peu, par inadvertance, comme par un mimétisme involontaire, comme quand on prend un peu l’accent de la personne avec qui on parle, qu’on commence à faire la même chose ici? Je m’interroge. Je pense que ça prendrait un projet de société.