Impertinences

André Boisclair, opportuniste myope

Personnellement, j’aurais préféré Pauline Marois comme chef du PQ. Mais tant qu’à renouveler, semblent s’être dit les militants péquistes, allons-y à fond. Ainsi, bien plus que de son statut de femme, je crois que Pauline Marois a été victime de se retrouver dans un angle mort entre les générations. Elle n’était pas assez nouvelle pour répondre au besoin de renouveau que ressentaient les péquistes. On voulait se débarrasser de l’image d’un parti vieillissant, passé de mode. Et ce fut le sacre de la belle façade nommée André Boisclair.

J’étais prêt à lui donner une chance. Il paraît qu’il travaille fort et qu’il connaît ses dossiers. Et puis, je ne doute pas une seconde de ses convictions indépendantistes. Pour faire dans la psycho-pop, j’ai comme l’impression que c’est le but de sa vie, faire l’histoire, pour réparer ce qu’il a longtemps perçu comme une tare, sa "différence". Elle a beau être affichée et assumée maintenant, il doit toujours en rester quelque chose.

En fait, je me suis dit que le mouvement indépendantiste avait peut-être trouvé en André Boisclair un chef qui, à défaut d’être profondément inspirant, saurait être efficace. Parce que Boisclair n’est pas un idéologue. C’est un opportuniste. Et, des fois, ça peut aider.

Par exemple, je crois que Boisclair n’est ni fondamentalement de droite, ni fondamentalement de gauche. Il empruntera le discours qui lui permettra de rallier le plus grand nombre. De toute évidence, il a conclu que c’était le discours de droite qui lui permettrait de faire le plus de chemin. Qui peut l’en blâmer? Le Parti libéral d’un ancien conservateur a gagné les dernières élections, et c’est un encore-plus conservateur qui mène le troisième parti qu’est l’ADQ. Québec Solidaire a beau attirer les intellos du Plateau et quelques croisés du communautaire, valait mieux s’aliéner cette petite gang-là si ça pouvait permettre de faire beaucoup plus de gains ailleurs.

Quand André Boisclair dit qu’il veut faire évoluer le Parti Québécois pour qu’il soit au diapason de la population, c’est exactement ce qu’il démontre. Il ne tente pas de convaincre les Québécois qui ne seraient pas déjà d’accord avec lui de sa vision des choses. Il tente de trouver le bon endroit où se poser et d’amener ses troupes à l’y suivre.

Sauf que les bonnes occasions qu’il voyait se sont toutes transformées en traquenards. D’abord, il a complètement sous-estimé la force de l’aile gauche du PQ. Ses déclarations sur le fait qu’il fallait "libérer le capital" et que c’en était fini du copinage entre les chefs péquistes et les leaders syndicaux ont fragilisé les seuls appuis solides à son parti.

Sa visite en France, où il aurait pu briller avec son élégance, a viré en catastrophe médiatique. Et puis, Boisclair espérait incarner un indépendantisme à l’image du nouveau Québec, ouvert aux immigrants et aux autres cultures, inclusif, citoyen. Mais voilà que toute cette histoire d’accommodements raisonnables éclate et démontre qu’une bonne part du Québec en a ras le bol de s’adapter.

Pourtant, ç’aurait été l’occasion idéale de démontrer la pertinence de l’indépendance. Un Québec indépendant n’entrerait plus en rivalité avec le multiculturalisme fédéral et pourrait pleinement décider du modèle d’intégration qu’il adopterait. En outre, les immigrants seraient informés d’avance, dans des ambassades du Québec, que la Charte québécoise des droits exigera d’eux quelques adaptations. Mais il a eu peur d’aller là.

Parce qu’au-delà de scrupules qu’il aurait et qui feraient défaut à Mario Dumont, il y a le fait que Boisclair est vraiment coincé. S’il se montre trop critique envers les communautés culturelles, il sape des années d’efforts que le mouvement souverainiste a mis pour les rejoindre. Son cauchemar, c’est qu’on reprenne hors contexte une déclaration un peu musclée de sa part dans un journal canadien-anglais, et qu’on ravive cette association séparatiste=raciste qui a fait tant de tort au projet d’indépendance.

D’un autre côté, s’il se montre trop exoticophile, c’est toute la vieille base nationaliste des régions que Boisclair peut se mettre à dos. Déjà que ça grinçait un peu de voir un homosexuel mener les troupes indépendantistes… Voilà un débat dont il se serait visiblement passé.

Entre un Mario Dumont qui s’accroche au terroir, un Jean Charest tellement identifié à la droite qu’il peut même se permettre de saupoudrer quelques mesures sociales en cadeau, un Bernard Landry qui l’accuse d’amateurisme et des journalistes qui lui disent que ses mea-culpa ne sont que des aveux de faiblesse, Boisclair en a fini par perdre le seul atout qu’il avait: son image "in". Il n’est plus le dynamique jeune homme qui fait face aux défis avec le sourire. Le voilà avec un air de petit garçon qui s’est fait pogner à faire un mauvais coup.

À moins que ça aussi, ce ne soit un calcul. Comme si, tanné d’être représenté en annonce de pâte dentifrice et en fêtard disco, Boisclair avait décidé de donner dans le pathos. Encore là, ça me semble être le mauvais calcul.

Souris, André. C’est tout ce qu’il te reste…