Impertinences

Il nous faut un mode de scrutin proportionnel

Dimanche dernier, je ne voulais absolument pas manquer Tout le monde en parle. Bernard Drainville du Parti Québécois, Christine St-Pierre du Parti libéral et Amir Khadir de Québec solidaire étaient parmi les invités. À défaut de voir un représentant de Québec solidaire au débat des chefs, c’était une rare occasion de voir les "partis traditionnels" croiser le fer avec la nouvelle formation de gauche.

Je n’ai pas été déçu. Khadir a livré une solide performance. Il était bien préparé, relax, et connaissait ses dossiers. Tout ce qu’on pouvait lui reprocher, au bout du compte, c’est que son parti n’avait aucune chance de faire élire qui que ce soit, pas même lui dans Mercier, et que la structure bicéphale et participative de Québec solidaire est un peu trop marginale au goût de plusieurs. C’est fort peu pour un parti qui stagne dans les sondages en dessous du Parti vert. Car pour le reste, il faut avouer que c’est Khadir qui a déclenché les plus vives approbations, de la part du public présent en tout cas.

En prime, les deux autres politiques présents ne se sont pas plantés pour autant. Christine St-Pierre a bien paru aussi mais elle n’avait pas grand-chose à dire. Comme son parti d’ailleurs. Drainville est apparu plus rafraîchissant. Le ton qu’il a pris quand il a parlé d’indépendance me semble être en phase avec la population. L’idée a beau ne pas être la préoccupation numéro un des électeurs, c’est le rôle du Parti Québécois de rappeler que l’indépendance (en plus, il a choisi ce mot) est une évidence à laquelle il faut bien se rendre si on veut mettre fin aux problèmes récurrents de financement des programmes, de déséquilibre fiscal, de la place du Québec sur la scène internationale. Pas de déchirage de chemise ou de grandes promesses lyriques. On en est là.

Le moment jouissif, c’est quand Khadir a parlé de la politique qu’il propose pour faire baisser le prix des médicaments en négociant avec les fabricants pharmaceutiques. Drainville a ensuite dit candidement: "Ben oui, mais qu’est-ce qu’on fait si les usines ferment?" Ce qui prouve que nous vivons le chantage de ces compagnies, du grand capital. Tôt ou tard, il faudra en tirer des conclusions. Québec solidaire est le seul parti à soulever ce problème de fond. Ne serait-ce que pour ça, il faut se réjouir de sa présence.

Il ressortait de cette émission que ce qui ferait le plus de bien à notre démocratie, c’est un scrutin proportionnel. Ça permettrait à Québec solidaire d’être présent là où ça compte, à l’Assemblée nationale, sans que ça nuise au camp souverainiste, sans qu’on perde son vote, sans qu’on soit otages. Il serait temps.

OÙ PRENDRE L’ARGENT?

C’est la question qui vient immédiatement après la promesse d’un nouveau programme social. Qui va payer?

Chez les libéraux, on fait dans la pensée magique. L’économie va aller mieux grâce à nous, les coffres de l’État vont se remplir de cette bonne économie, on fait un peu de coupe sélective dans du gras de fonctionnaire, on camoufle un peu et bingo! budget bouclé, déficit zéro. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simpliste? En prime, tous les fédéralistes provinciaux vous diront que le Québec bénéficiera de ses bonnes relations avec Ottawa.

Ce qu’ils omettent de souligner, c’est que ces bonnes relations ne prennent jamais la forme d’une correction permanente, structurelle, des déséquilibres entre les responsabilités et les revenus au fédéral et au provincial. De la péréquation, certes, mais de cadeaux qui entretiennent la dépendance et de fragiles arrangements ponctuels. Comme ça, si on veut continuer à recevoir ce qui aurait dû être à nous dès le départ, il faudra toujours montrer patte blanche et canadienne. Il ne faut jamais oublier que c’est précisément pour ça que Charest a accepté de faire le saut en politique provinciale. Il a beau s’être donné de belles allures de chef d’État, des fois, le jupon dépasse. Il l’a démontré la semaine dernière en ressortant les épouvantails.

Chez les péquistes, c’est un peu la même chose mais il s’ajoute ici que l’argent est à Ottawa et que ça prend un gouvernement prêt à se battre pour les intérêts du Québec pour aller le chercher. Ça a beau être vrai, rien ne dit que ça va marcher, ni que ce sera suffisant. C’est ici qu’il faut parler d’indépendance. Ça, ce serait une solution permanente. Boisclair tient un discours équilibré là-dessus, et on ne peut pas dire qu’il cache son option. Il la réchauffe tranquillement…

À l’ADQ, Mario a au moins le mérite d’afficher ses couleurs: il va couper. Sa technique est simpliste (comme tout son programme, d’ailleurs): identifier un secteur gouvernemental impopulaire, comme les commissions scolaires, et dire qu’on va couper ça, sans trop se soucier des conséquences.

Du côté de Québec solidaire, bien sûr, il faut faire payer les riches. Ça semble couler de source. C’est là qu’est l’argent, cette richesse qu’il faudrait créer avant de la redistribuer, mais qui existe déjà. Sauf que les riches ont cette capacité de s’en aller, de fermer des usines et de faire des menaces. On ne peut pas prendre ça à la légère. Mais qu’enfin un parti ose proposer ces solutions-là (comme son projet de taxer le capital des banques qui accumulent les profits records), qu’il ose s’interroger sur les conséquences de donner la priorité au paiement de la dette par-dessus tout, qu’est-ce que ça fait du bien!