Impertinences

Les vrais perdants

À voir les premières réactions au débat, je me dis que je suis décidément un marginal. Faudrait peut-être que je me tape un long voyage hors Montréal pour me mettre au diapason de la population. Ce matin, j’ai l’impression que je n’ai pas vu le même débat que tout le monde. Et un peu que j’habite un autre pays.

Dumont gagnant? Come on! Bien sûr, il a eu quelques répliques assassines. Et il a le ton juste du bon petit gars plein de bon sens qui se tient debout, du gendre idéal, du cousin sympathique. Mais tout ça avait l’air d’une façade bien fragile. Mario Dumont me donne souvent l’impression d’un gagnant de concours oratoire du Club optimiste gonflé à l’hélium. Un champion de parlement jeunesse qui continue le même jeu dans la cour des grands. Bon, en expliquant que, de toute façon, l’exercice du cadre financier sera à refaire par les autres partis au lendemain du budget fédéral, il s’en est tiré un peu. Mais à mon avis, sa "bombe atomique" avec l’histoire du viaduc, elle lui a pété dans la face. Je dois donner l’avantage à Charest, là-dessus.

De Boisclair, j’espérais quelque chose de plus costaud, des coups qui portent, des dénonciations plus virulentes du fédéralisme complaisant et paternaliste qui tient le Québec en dépendance. Au lieu de ça, il a utilisé son jab tout le long du débat. Il interrompait tout le monde et lançait des chiffres d’un air agressif. Il ne s’est pas planté mais il n’a pas prouvé qu’il avait une vision claire et rassembleuse.

Et je ne m’expliquerai jamais pourquoi Boisclair n’est pas revenu sur le "lapsus" de Charest à propos de la partition. Charest a clairement laissé planer le doute sur la partition. Et un premier ministre du Québec qui laisse cette idée prendre des assises ne travaille pas pour le Québec. Boisclair aurait pu le talonner là-dessus. Sans doute que le chef péquiste estime que même évoquer la question lui nuit puisqu’elle attache à l’idée d’indépendance toutes sortes de visions apocalyptiques. Mais joueur peureux comme ça, Boisclair n’a aucunement fait avancer le débat alors que c’était le temps de le faire.

Ce qui fait que Charest a eu l’air de s’amuser à ce débat, alors qu’il avait pourtant un bilan pas très reluisant à défendre. Il avait l’air d’un gros matou s’amusant avec deux petites souris. Les souris ne sont pas mortes mais le chat ne s’est pas trop fait mal non plus…

Mais c’est clairement Montréal qui a le plus perdu hier. La seule grande ville du Québec n’a jamais été évoquée. Exit. Déjà partitionnée du reste du Québec politique. Stratégiquement, le clivage à Montréal est clair. Il y a l’Ouest, indécrottablement libéral, et le Montréal francophone qui, je serais porté à dire "par résistance", vote PQ. L’ADQ demeure ici une espèce d’aberration. Preuve supplémentaire que Montréal est désormais sur une autre planète que le reste de la province, c’est Québec solidaire qui pourrait éventuellement brouiller les cartes dans quelques comtés.

Aucun parti n’ayant quoi que ce soit à gagner en terre montréalaise, c’est dans les régions que ça se jouera. Ce sont donc les régions qu’on chouchoute. Je ne dis pas qu’il n’y a rien à proposer pour revitaliser les régions, mais quand même! Il y a une limite au mépris de Montréal. Dans un prochain débat, il faudra avoir un bloc de discussion portant sur Montréal. En fait, ça prendrait peut-être même un parti montréaliste. Et, pourquoi pas, ce parti pourrait proposer l’indépendance de l’île. Je me demande si le reste du Québec organiserait une grande marche d’amour?

LES VRAIS GAGNANTS

J’ai regardé le débat d’hier avec une gang de Québec solidaire qui se réunissait pour suivre les échanges à La Place à côté, avenue Papineau. Sans être un militant, je suis un sympathisant. (Typiquement Plateau, n’est-ce pas? J’assume…) Mais je ne suis pas un inconditionnel.

Après le débat, à TQS, Dutrizac recevait Françoise David, de Québec solidaire et Scott McKay, du Parti vert, question de les faire participer au débat dont ils avaient été écartés. J’avoue que McKay a eu l’air d’un chef unidimensionnel qui surfe sur la vague verte et qui patine (plutôt mal) sur toutes les autres questions. Mais Françoise David a été impeccable. Elle avait réponse à tout, avait des chiffres réalistes et le ton juste. Pour tous ceux qui ont eu l’idée de regarder cette émission post-débat, elle a clairement été la gagnante.

Mais pour moi, les vrais gagnants là-dedans, ce furent TQS et Dutrizac qui ont eu la bonne idée de sortir des sentiers battus des spécialistes, des sondeurs et des spin doctors, ces cheerleaders en tailleur et ces mascottes en veston-cravate. À défaut d’avoir un mode de scrutin qui favorise les idées alternatives, ce sont les médias qui doivent compenser. Surprise, c’est TQS qui s’y colle! Bravo!