Impertinences

Le cube rubik de la politique québécoise

D’abord, il faut noter que lors des élections du 26 mars dernier, c’est le Parti libéral qui a pris la plus spectaculaire débarque de son histoire récente en termes de votes récoltés. Tout ça au profit de l’ADQ autonomiste, ce qui devrait faire réfléchir les rouges. Mais puisqu’il s’est retrouvé troisième pour la première fois depuis qu’il est un parti de gouvernement, c’est le PQ qui est le plus en état de choc. Et les hypothèses fusent de toutes parts pour diagnostiquer ce qui s’est passé.

Il y a ceux qui aimeraient bien que le Québec devienne un pays indépendant mais qui ne faisaient pas confiance à Boisclair pour convaincre une majorité de Québécois de voter Oui. Ceux-là voient encore le salut de leur Cause sous la forme d’un hypothétique messie qui allierait le charisme de Lévesque à la volonté de Parizeau. À défaut de cet être suprême, ils sont visiblement restés chez eux, ont tenté l’expérience adéquiste ou alors ont appuyé Québec solidaire.

Les péquistes orthodoxes ne manquent d’ailleurs pas de souligner que ce sont les voix de Québec solidaire qui ont fait pencher la balance dans plusieurs circonscriptions et que si ces votes avaient appuyé le PQ, celui-ci serait au pouvoir aujourd’hui. Ils oublient que le PQ a été l’artisan de sa propre déconvenue face à la gauche. On ne peut pas considérer un tiers parti comme une valeur si négligeable qu’il ne mérite même pas qu’on négocie une coalition avec lui avant l’élection, et ensuite le pointer du doigt pour la défaite. Si Boisclair avait laissé le champ libre à Québec solidaire dans quelques comtés, comme cela a déjà été proposé, en retour de l’absence de Québec solidaire dans une majorité de comtés, on aurait aujourd’hui non seulement un gouvernement péquiste, mais sans doute un ou deux solidaires à l’Assemblée nationale. Ce qui, n’en déplaise à ceux qui se moquent de la gau-gauche, aurait été plus représentatif des volontés de l’électorat québécois.

D’autres en viennent à la conclusion qu’il va falloir remettre en cause non pas l’option souverainiste (ils savent bien que le PQ éclaterait s’il abandonnait cet objectif ultime) mais le moyen référendaire pour y parvenir. Et, conséquemment, laisser l’indépendance en veilleuse. Ça peut sembler logique. Le PQ tel que dirigé par André Boisclair n’a pas caché qu’il voulait tenir un référendum au cours de son mandat s’il en avait obtenu un. Le parti a ensuite enregistré son plus faible appui depuis qu’il est un parti de gouvernement. Les Québécois ne veulent donc pas de référendum.

Pas maintenant, ça, c’est indéniable. Mais l’absence de désir pour un référendum ne veut rien dire en ce qui concerne l’appui à l’indépendance. Il y a bien sûr ceux qui n’en veulent pas parce qu’ils sont fédéralistes et qui en ont assez qu’on remette en cause l’appartenance du Québec au Canada. Ils voteront Non si on leur pose la question mais aimeraient mieux qu’on ne la leur pose plus jamais puisqu’ils craignent qu’éventuellement, une majorité vote Oui.

Mais pour plusieurs, aussi, la perspective d’un troisième Non évoque un psychodrame d’une ampleur telle qu’ils repousseront l’ultime tentative à une période paroxystiquement favorable à l’indépendance. Ça leur prendrait l’élection à Ottawa d’un gouvernement dirigé par Don Cherry et qui serait ouvertement favorable à ce que les frogs s’en aillent. Si un référendum se tenait malgré tout, ils voteraient Oui.

Et il y a ceux qui, soit par manque de mémoire ou par masochisme, sont prêts à donner une nouvelle chance au fédéralisme nouveau incarné par Harper. L’autonomisme de Dumont est pour eux la voie d’évitement idéale. Mais face à un choix, plusieurs d’entre eux voteraient Oui.

Et il y a tous ceux qui ont voté pour l’ADQ dans un ultime ressac du tsunami défusionniste. Ceux-là ne voient plus l’avenir du Québec sur leur radar. Ils n’en ont que pour l’avenir de leur Boucherville ou de leur Baie-d’Urfé. C’est la faute à Charest, qui a ouvert le bal en permettant que le Québec devienne une fédération de municipalités. Le triomphe de l’esprit de clocher sur l’unité québécoise. Désolant spectacle…

Et puis, il y a ceux qui aimeraient bien que le Québec devienne un pays mais qui ne seront motivés à travailler en ce sens que si on leur propose un projet de société. Le FAMEUX projet de société! Mais quel projet pourrait retenir l’assentiment d’une majorité absolue de Québécois? Vous tirez à gauche, vous perdez les gens d’affaires nationalistes qui rêvent de faire du Québec un Texas franco-nordique hors taxes et privatisé. Vous tirez à droite, vous perdez ceux qui veulent construire un pays latino-scandinave bio et équitable.

Pourtant, ces choix se font présentement à l’intérieur du Canada. Il n’y a aucun "projet de société" clés en main auquel tout le monde adhère. Il n’y a qu’un jeu démocratique où plusieurs forces s’affrontent mais qui fait tout de même avancer les choses, cas par cas, dossier par dossier. L’indépendance, ce n’est pas l’ensemble de tout ce qu’on va décider. C’est QUI va décider, et comment ça va se passer.

En attendant qu’on le réalise, une chose tout de même me console: 72 % des Québécois souhaitent que le Québec dispose de son équipe de hockey nationale pour le représenter dans les tournois mondiaux. Une équipe "autonome", en quelque sorte. Une belle façon de tester le fédéralisme d’ouverture, Mario…