Impertinences

J’essaie de comprendre

Amis lecteurs, sachez que je lis vos commentaires. Je n’y réponds presque jamais mais j’en tiens compte. Je considère toute cette correspondance souvent très éclairante comme ma maison de sondage interne. En réaction à ma dernière chronique, un lecteur, Martin Picard, m’a gentiment souligné que le Québec médiatique ne manquait pas d’analystes politiques chevronnés et qu’il préférait mes chroniques sur un mode plus humoristique.

C’est vrai que le côté comique de mes réflexions a pris un peu le bord ces derniers temps. C’est que ce n’est pas toujours facile. Il y a des bouts où ce qui se passe dans l’actualité me rentre trop dedans. J’en suis un peu groggy, perplexe, Pour la scène, c’est un autre exercice, qui vient avec la dynamique de gang des Zapartistes. Mais quand je me retrouve ici, dans l’étrange intimité d’une chronique écrite, il y a des moments où je ne peux pas faire autrement que d’essayer de "faire du sens".

Je sais, c’est un anglicisme. Mais je pourrais aussi prendre l’expression au pied de la lettre en français. Si quelqu’un me donnait l’adresse d’un artisan qui fabrique du sens, avec du bon bois de sagesse du terroir, de la babiche de raison pure et du vernis de clairvoyance, j’irais en acheter un set complet. Ce n’est pas la crise existentielle mais disons que je suis secoué dans mes valeurs et mes espoirs.

Ce qui ressort aussi des nombreux témoignages reçus en réaction à mes chroniques électorales et post-électorales, c’est le clivage entre le Montréal francophone et le reste du Québec. Et nombreux sont les Montréalais qui ont envie de dépasser le lançage d’insultes. Il le faudra bien.

Pour ma part, j’ai envie de prendre un break de l’opposition perpétuelle. Y’en a marre de la marge. J’ai été un fan du Manic, des Nordiques et des Expos (crisse que je m’ennuie du baseball!). Ça m’a fait pas mal de deuils au fil des dernières décennies. D’ailleurs, depuis que je me suis rallié aux Canadiens, question de ne pas devenir un aigri isolé qui boude un des seuls éléments vraiment rassembleurs dont le Québec dispose, disons que j’ai l’impression que ma guigne de partisan m’a suivi. Et aux dernières élections, j’ai eu le sentiment que le même sort attendait peut-être (peut-être!) l’option politique qui m’inspire le plus…

C’est épuisant à la longue. J’ai envie de comprendre. De me mettre au diapason de la démocratie québécoise. Je suspends donc temporairement mes convictions. Je ne les abandonne pas, je les laisse simplement au vestiaire, le temps d’en essayer d’autres. Je serai en quelque sorte un voyageur idéologique.

Tenez, par exemple. Après le show électoral des Zapartistes, je suis allé manger chez McDonald. Il y en avait d’encore ouverts à cette heure tardive sur mon chemin et j’avais faim. Mais j’avais aussi envie de comprendre. Une majorité du Québec francophone venait de voter pour l’ADQ. Or, une majorité de gens mangent régulièrement chez McDonald. Il n’y a que les gauchistes-granos-élitistes (typiquement Québec solidaire…) pour bouder les arches graisseuses. Eh bien j’ai décidé que je franchirais plus souvent la frontière. Je vais regarder Le Banquier, je vais écouter du Céline Dion. Je vais sincèrement tenter d’y trouver du plaisir, de saisir l’esthétique, la vibe. Et si un résident d’Adéquie veut m’inviter à faire une ride de 4 x 4, j’irai volontiers faire un tour, et ce ne sera pas pour se crêper le chignon mais pour avoir du gros fun sale.

Et, je le jure, tout ça est lancé sans aucune ironie (désolé, Martin…). Chacun développe des goûts et des valeurs au contact de son milieu. Je me dis souvent que si j’avais été élevé à la campagne, je serais sûrement un gros fan de country. Tout urbain que je sois, je ne peux pas m’empêcher d’embarquer quand j’en entends du bon, et il m’arrive de mettre la télé au poste canadien-anglais de vidéos country pour changer d’air un peu. Eh bien voilà, je vais donner plus de place en moi à cette fibre-là. Et je verrai ce que ça me fera.

Il y a quelques années, je me suis acheté une casquette, un peu dans la même optique, pour voir ce que ça me ferait. Ça ne faisait pas du tout partie de mon style à l’époque. Mais maintenant, dès qu’il pleut ou qu’il neige, vous me verrez avec ma casquette des Pirates pour protéger mes lunettes. C’est difficile d’expliquer comment, mais j’ai l’impression que cette casquette m’a permis de m’ouvrir à ce qui ne "fittait" pas avec moi avant, de voir la vie un peu différemment. Mais avec la brume qui règne aujourd’hui autour de moi, j’ai l’impression que ça va prendre plus qu’une casquette pour y voir mieux…