Je n’ai pas marché pour Kyoto en fin de semaine. Je suis tout à fait pour le respect du protocole de Kyoto mais les marches inondées de slogans verts, j’avoue que j’ai eu ma dose. Ça a sûrement son utilité politique en démontrant que les gens qui se soucient de l’environnement sont prêts à prendre le temps de le manifester, mais je me dis que ça ne rejoint pas du tout ceux qui ne sont pas déjà convaincus. Avec toute l’esthétique granole-tam-tam-moraliste-sauvons-les-ours-polaires qui entoure ces manifestations, ça finit par ressembler à des défilés de Krishnas.
Et le ton du discours écolo tape d’autant plus sur les nerfs qu’il est de plus en plus récupéré par n’importe qui ressentant le besoin de se draper dans la couleur à la mode. Le citoyen moyen, qui ne court pas les manifs, est bombardé de messages "verts" ces temps-ci. Sauf que ceux qu’il verra le plus souvent, les plus beaux, avec des images de champs de blé, de ciel bleu et de regards d’enfants tournés vers l’avenir, ce seront des annonces de chars. Hybrides, of course, mais quand même. "Vous voulez sauver la planète? Achetez un char!" Quel culot!
En passant, il faut absolument voir le documentaire Who Killed the Electric Car?, sur la question de l’automobile. C’est à la mode de dénoncer les partisans des théories du complot. Mais quand un complot est prouvé et documenté, tout le monde devrait en être informé.
Si les fabricants d’automobiles avaient un réel souci de l’environnement, en plus de fabriquer des voitures vraiment électriques, il y a longtemps qu’ils nous auraient envoyé un message de type "la modération a bien meilleur goût" nous disant quelque chose comme: "Vous avez une pinte de lait à acheter au dépanneur du coin? Allez-y à pied." À la place, en plus de nous fourguer des technologies qui ne feront qu’étirer notre dépendance au pétrole, ils essaient de faire passer l’achat d’une voiture hybride pour un des gestes les plus écologiques qui puissent exister. Comme si c’était acheter son ciel.
Et puis, entre les spots doucereux de véhicules roulant dans la verte campagne accompagnés de guitare acoustique, les vendeurs de chars ne manquent pas de nous montrer un zouf tellement maniaque de sa bagnole, tellement enivré de son plaisir de conduire, tellement orgasmé par son confort qu’il finit par faire le tour de la ville juste pour acheter une pinte de lait, justement. Le jupon dépasse et traîne dans l’huile.
Tout ça contribue à rendre les manifestations pour de grandes causes écolos un peu désespérantes. J’ai participé la semaine dernière à un spectacle-bénéfice pour sauver la rivière Rupert de sa dérivation par Hydro-Québec. Comme cause, c’est aussi important que le Suroît (et que les ports méthaniers). Mais pendant qu’une salle du Café Campus même pas pleine s’émotionnait du sort de cette dernière grande rivière sauvage du Nord québécois, en bas, un party tout ce qu’il y a de plus "boum-boum" battait son plein, noyant complètement dans la grosse basse les prestations la plupart du temps intimistes des artistes présents.
Le message était clair. Causez toujours, la majorité s’en sacre et veut faire le party. Ouch… La majorité a beau être d’accord avec les arguments des écologistes, ceux-ci n’en ont pas moins l’air de casseux de party. Et on ne vote pas pour les casseux de party. Sympathique mais non, désolé…
Sauf que quand on entend les arguments invoqués contre la démarche écologique, alors là… Selon les conservateurs, le respect de Kyoto coûterait trop cher à l’économie canadienne. Comme si la détérioration de l’environnement ne nous coûtait rien. Et pas seulement en qualité de vie, en argent aussi. Mais les anti-écolos ne voient que l’argent qui existe déjà et que certains pourraient perdre. Rien d’autre n’a d’importance.
Ces arguments ressemblent étrangement à ceux qu’apportaient les esclavagistes pour défendre leur mode de production. Or, l’esclavage était immoral, tout comme l’est le mépris de l’environnement. Les écolos ont beau m’énerver aussi, leur discours a beau parfois être empreint d’une sorte de religiosité gossante, il n’en demeure pas moins qu’ils ont raison pour l’essentiel. Et qu’il y a bien un party qu’il va falloir casser quelque part. Il fait vraiment trop de bruit…
RIRE EST UNE SI JOLIE FAÇON DE MONTRER LES DENTS
Encore un bref retour sur la dernière élection. Il y a un fait très positif qui est passé inaperçu. Quand le grand public a su qu’il était possible de voter voilé, le Directeur général des élections a été inondé de messages haineux. De ce côté-là, rien de bien réjouissant. Mais ce qui a fini par faire plier le DGE et le pousser à retirer l’accommodement déraisonnable qui permettait de voter à visage masqué, c’est la perspective que, pour protester, un grand nombre de citoyens aillent voter déguisés en Spider-man, en clown, en n’importe quoi de loufoque qui aurait masqué leur visage. Ça aurait été le bordel total dans les bureaux de scrutin. On a donc levé cette permission qui accommodait les croyances religieuses d’une infime minorité mais qui choquait la majorité. Pas à cause de menaces de violence mais bien à cause d’une menace de joke. Que voilà une jolie façon d’exercer son pouvoir démocratique.