Impertinences

Dans un pétard mouillé, il y a encore de la poudre…

La pointe d’iceberg que l’enquête de l’ex-juge Grenier a révélée concernant les dépenses illégales d’Option Canada aura beau scandaliser les militants indépendantistes, je ne vois pas venir de tsunami d’indignation à l’horizon. Quand bien même on aurait la preuve que le gouvernement fédéral libéral de l’époque aurait importé des cargaisons d’immigrants pour les faire voter au Québec, qu’il aurait dépensé des millions pour soutenir de braves bénévoles travaillant pour le Non, il n’y aura pas de poussée de fièvre indépendantiste. Je serais bien content de me tromper, mais après le scandale des commandites, je pense que l’élastique était pété. Vol ou pas, à un moment donné, il faut tourner la page. Si un référendum pour l’indépendance se gagne un jour au Québec, ça n’arrivera pas en annulant le dernier par un quelconque protêt sur la game.

Mais ceux qui voudraient qu’on oublie tout ce qui s’est passé à l’époque en disant que c’est de l’histoire ancienne vont un peu vite en affaires. Le Québec et le Canada baignent encore dans l’après-référendum de 95 jusqu’au cou. Charest est à Québec à cause de la minceur de la victoire du Non. Tout comme Harper est au pouvoir à Ottawa à cause du scandale des commandites. Et Stéphane Dion, le père du plan B (avec Harper qui soutenait la partition, ne l’oublions pas), a été invité à entrer en politique par Jean Chrétien justement pour faire cette job-là. Alors je veux bien croire que ça fait longtemps, mais quand tout le paysage politique est encore occupé par tant d’acteurs à qui ce dernier affrontement constitutionnel a donné leur rôle, on ne peut pas dire que ce n’est plus pertinent.

Bien sûr, au Canada anglais, tout le monde s’en fout. Étrange, quand même, à quel point le fédéral peut pisser l’argent au Québec autant qu’il veut quand il s’agit d’empêcher l’indépendance. Mais que le Québec obtienne un contrat fédéral ou de l’argent de la péréquation, et le ROC entier sifflera son mépris.

En fait, le Canada se comporte avec le Québec comme un mari abuseur envers sa femme. Il la dénigre dès qu’il a une chance, il se mêle de ses affaires, lui refuse de créer ses propres liens et ne lui donne de l’argent qu’au compte-gouttes pour la maintenir dans la dépendance. Si elle commence à songer à le quitter, il menace de ne rien lui donner, laisse planer l’idée qu’il lui enverra une taloche à lui en faire perdre des morceaux et lui lance qu’elle se retrouvera à la rue.

Mais si elle semble sérieuse, les valises aux mains sur le pas de la porte, là, il se jette à ses pieds, lui jure qu’il l’aime et qu’il fera des efforts pour changer. Toutefois, dès qu’elle décide de rester et de lui accorder une autre chance, c’est le cadenas sur la porte, comme dans le cas du rapatriement unilatéral et de la loi C-20. Et le "bitchage" qui recommence.

Et ne nous leurrons pas, ce cercle vicieux ne peut se briser que de deux manières: l’assimilation des Québécois francophones (la femme qui prend son trou pour de bon et perd son identité) ou l’indépendance du Québec ("Bye-bye mon grand, tu seras mieux sans moi anyways"). Tout le reste, inconsciemment sans doute, c’est le Canada qui gagne du temps. Comme Harper, qui a un bilan affreux en matière de protection de la minorité francophone mais qui s’en tire parce qu’il parle français. Vous avez remarqué sa voix douce et monocorde? C’est de l’hypnose…

Bien sûr qu’il y a au Canada plein de gens gentils, et même plusieurs qui ont appris le français, en plus. Mais quand la plus grande influence en faveur du fait français dans l’Ouest du pays, c’est un tigre du zoo d’Edmonton qui a été élevé en français à Granby, on peut se poser des questions.

Au bout du compte, le Canada anglais s’est construit par sa capacité à nier la différence du Québec francophone. C’est sa seule victoire. Pour le reste, le Canada est un pays un peu drabe, sans grande personnalité ni confiance en lui, comme le sont souvent les maris abuseurs. Ils ont besoin qu’on ait besoin d’eux. C’est ce qui explique la virulence des réactions anti-Québec et la profondeur de l’insensibilité du ROC à l’égard du Québec; qu’il s’agisse de Jan Wong à propos de la tuerie au collège Dawson ou de l’attitude des médias Canadian envers l’affaire Shane Doan, le Canada a un besoin psychologique fondamental de mépriser le Québec. Et on voudrait nous faire croire en l’unité du Canada?

La vérité, c’est que le Canada est artificiellement uni, comme l’Allemagne était artificiellement divisée. Et pour maintenir cet artifice, il faudra encore bien des Option Canada et des programmes de commandites. Depuis le temps qu’on nous parle du coût qu’aurait l’indépendance, il serait peut-être temps de parler du coût de l’unité…