Impertinences

Petites chroniques d’été

QU’EST-IL ARRIVE AUX NEWFIES?

C’est le genre de détail par lequel on se rend compte qu’on n’est plus jeune-jeune. Avec le temps, il y a des mots, des expressions qui disparaissent et qui sont remplacés par de nouveaux. Seulement voilà, en vieillissant, on reste accroché, sans y penser, aux anciennes dénominations. Et tout à coup, paf, ça sort, et on se rend immédiatement compte qu’on vient de s’enfarger dans le temps qui passe.

Je me souviens avoir déjà trouvé bien dépassés les vieux qui parlaient autrefois de la Commission des liqueurs pour parler de la Société des alcools. Dans ma génération, une liqueur, c’était une boisson gazeuse. D’ailleurs, ce terme est aujourd’hui beaucoup moins répandu, il me semble. Et récemment, je me suis rendu compte que j’appelais les dépanneurs Couche-Tard des Provi-Soir. Oups…

Dans cet ordre d’idées, qu’est-il arrivé aux Newfies? Vous savez, ceux des bonnes vieilles jokes de Newfies qui ne pognaient pas de canards à la chasse parce que, d’après eux, ils ne lançaient pas leurs chiens assez haut? Quand j’étais petit, avant même de savoir que le terme désignait les habitants de Terre-Neuve (qui étaient en quelque sorte les Belges de la Confédération), le mot "Newfie" me faisait rigoler. C’est un mot qui sonne drôle. Et en plus il désignait une stupidité profonde dont on pouvait se moquer en toute impunité, comme s’il s’agissait d’une tribu de Homer Simpson. Quand une blague commençait par: "Une fois, c’est un Américain, un Français pis un Newfie…", on se disait: "All right, on va s’amuser". Et quand ça commençait par: "C’est deux Newfies…", alors là…

Je n’entends plus de jokes de Newfies. Elles ont été remplacées par des blagues de blondes, pour la plus grande partie, et par George Bush pour le reste. Voilà en passant de bien beaux sujets de thèses d’université en sociologie: "De la disparition de la référence newfie dans les histoires drôles québécoises comme preuve des effets culturels du transfert d’une économie canadienne Est-Ouest vers un libre-échange Nord-Sud." Ou encore: "Les blagues de blondes: une délocalisation du concept de tête de Turc nationale préfigurant l’effritement des identités géopolitiques et la mondialisation d’une culture unique".

Mais le concept a beau être démodé, il existe encore. C’est ce qui fait que le Conseil de la fédération si cher à Jean Charest ressemblera toujours à une blague: "C’est une fois un Britanno-Colombien, un Albertain, un Saskatchewanais, un Manitobain, un Ontarien, un Québécois, un Néo-Brunswickois, un Néo-Écossais, un Prince-Édouardien pis un Newfie…" Dommage, par contre: il n’y a jamais de punch.

COMPLOT MILITARISTE

Les annonces de Tim Hortons me laissent croire que quelqu’un dans le marketing de la chaîne s’imagine que l’exaspération fait vendre des beignes. Après les insupportables péripéties du ti-couple, voilà les gloussantes copines qui se donnent rendez-vous près des citrons et le tarla (ben oui, un coup parti, qu’est-il arrivé aux tarlas?) qui se demande ce que goûte l’oméga-3 dans son baguel multi-grains. Chaque fois que je les vois, dégoulinantes de mièvrerie excitée, j’ai étrangement envie de tirer de la mitraillette, là, maintenant, tout de suite.

Puis je me dis qu’en y pensant bien, il doit y avoir du Stephen Harper derrière tout ça. On dirait des annonces de Tim Hortons, mais en réalité, il s’agit de recrutement subliminal pour l’armée canadienne. En fait, c’est un contrat-échange. Les annonces sont scientifiquement conçues pour crinquer l’agressivité des jeunes hommes, le discours politique canalise ensuite cette envie de violence vers l’enrôlement dans les Forces armées. Et qu’est-ce qui suit inévitablement l’armée canadienne partout où elle campe? Bingo: un Tim Hortons.

D’ailleurs, tchèquez ben ça, je prévois l’ouverture d’un Tim Hortons au pôle Nord en même temps que l’inauguration du port en eaux profondes et le lancement de la flotte arctique canadienne. Les Russes plantent leur drapeau avec des poteaux qui font des kilomètres de haut, les Canadiens ouvrent des Tim Hortons. Car Harper ne se laissera pas faire. C’est très payant pour lui d’avoir l’air d’un gars qui ne se laisse pas faire. Les idées qu’il propose divisent les Canadiens. Alors qu’un bon vieil ennemi qui empiète sur nos frontières, ça te soude un peuple. Harper s’est dit qu’il ne perdra pas le nord. Au Canada, on est capables, nous autres aussi, d’avoir des îles Falkland…

LONGUE VIE AU FESTIVAL DU COCHON DE STE-PERPETUE!

Cette semaine à Radio-Canada, un charmant reportage racontait l’atmosphère bon enfant et le délire vaguement psychotronique entourant le festival du cochon de Ste-Perpétue. On y apprenait aussi que ce festival s’autofinance et qu’il a érigé une scène extérieure sans subventions, scène qui profite d’ailleurs à toute la municipalité. Gilbert Rozon devrait aller y faire un tour, l’an prochain. Il pourrait même participer au concours du cochon graissé…