Impertinences

À la guerre comme à la manif…

Aux nouvelles, les images s’entrechoquent. Des soldats canadiens-québécois, en larmes, portent la tombe du soldat Simon Longtin. On voit les témoignages de ses collègues, secoués mais déterminés à continuer le combat. Ils croient en leur mission. On coupe aux nuages de fumée entourant le sommet des tres amigos de Montebello. Les manifestants résistent à la brigade anti-émeute, foncent malgré les gaz. Ils sont déterminés à continuer le combat. Ils croient en leur mission.

Je sais bien que le niveau de risque est loin d’être le même et que des rangées de boeufs avec matraques et masques à gaz n’équivaudront jamais à des factions de talibans embusqués. N’empêche, le parallèle saute aux yeux. On ne croyait plus ça possible et pourtant, voilà des jeunes prêts à se battre, jusqu’à souffrir physiquement, pour leurs idées.

La différence, bien sûr, c’est qu’ils sont loin d’avoir les mêmes idées. Ceux qui s’engagent dans l’armée ont confiance dans les politiques du gouvernement et, j’imagine, adhèrent à l’idée que le front pour défendre nos valeurs démocratiques est en Afghanistan. Ceux qui militent contre les sommets à huis clos entre dirigeants et grands chefs d’entreprises n’ont aucune confiance dans les politiques du gouvernement et adhèrent à l’idée que le front pour défendre nos valeurs démocratiques est juste devant les barricades policières isolant les chefs d’État.

Dans le premier cas, le gouvernement non seulement approuve, mais suscite l’engagement de ces jeunes personnes et y applaudit, salue leur courage et se recueille solennellement devant leur sacrifice, pour tenter plus tard, plus ou moins subtilement, de le récupérer afin de mieux promouvoir leur idéologie. Quand quelqu’un se sacrifie pour nous, même si on ne lui avait jamais demandé personnellement de le faire ou qu’on n’appuie pas l’intervention, c’est très difficile de rester là à dire: "Ouin, pis, je ne lui avais rien demandé". Ce n’est pas juste une question militaire, d’ailleurs, toute la religion catholique est basée là-dessus. Il serait moralement impensable de se dire, du moins en public, que cette personne est morte pour rien. Alors que dans les faits, les humains meurent pour rien partout, tous les jours, et il est bien possible que celui-là aussi…

Dans le cas des manifestants altermondialistes, cependant, c’est une autre histoire. Les gouvernements réprouvent et répriment ces rassemblements d’opposants à leurs politiques. Ils sont bien obligés de les laisser faire, dans les limites du pas trop fatigant, liberté d’expression oblige. Mais on sent que s’ils ne se retenaient pas, il y en aurait une couple qui se feraient passer des "Bill Clennett" assez raide. Comme si ce mouvement grandissant pour plus de transparence et de démocratie, de plus en plus partagé d’ailleurs par des hommes et des femmes qui sont loin d’être des anarchistes cagoulés, n’était qu’hystérie collective, paranoïa de théoriciens du complot et poussée de fièvre d’anti-américanisme primaire.

Pourtant, les uns comme les autres agissent pour ce qu’ils croient être le bien commun. L’inéquité vient de l’argent qu’on dépense pour fermer la gueule aux manifestants et qu’on les caricature comme étant dogmatiques et mal informés, alors qu’on donne aux volontaires de l’armée les moyens d’aller jusqu’au bout de leurs convictions mais surtout de le faire en notre nom à tous, et avec notre argent. Mais il n’y a pas de fumée sans feu, même quand il s’agit de gaz lacrymogènes. Qu’une entreprise comme celle de ce sommet se heurte à autant d’opposition de façon si soutenue et qu’elle doive s’entourer d’une forteresse de mesures de sécurité pour pouvoir se dérouler devrait nous dire quelque chose. La démocratie parle par ces manifestants aussi. Ils ne sont peut-être pas plus représentatifs que les soldats. Mais ils ne le sont certainement pas moins non plus.

AU MENU POUR BUSH: UN PLAT DE RESISTANCE?

Je ne sais pas pour vous, mais moi, si j’étais cuistot au restaurant du château Montebello et que je savais que j’allais cuisiner un plat pour George W. Bush, j’aurais une irrépressible envie de, genre, subtilement, pichenotter une crotte de nez dans la sauce. J’imagine que les cuisines doivent être infestées de gardes du corps qui veillent mais, quoi, juste une petite crotte de nez, ça n’empoisonnera sûrement pas Bush, et il y a sûrement moyen de ne pas se faire remarquer…

Ou tiens, être le chef, je confectionnerais un truc contenant des morceaux de bretzel concassé. Dérisoire résistance, un peu puérile même, certes, et purement symbolique puisque secrète. Mais elle commence par là. Sans même parler de ce qui s’y trame, ces fameux sommets sont d’une arrogance infinie, nous coûtent des millions collectivement et font chier des régions entières sans jamais dédommager les citoyens qui en font les frais. À défaut que nos maires se tiennent debout et refusent de collaborer, que nos directeurs de commission scolaire refusent que leurs écoles soient transformées en bagne à manifestants et que les propriétaires de grands hôtels refusent ce coup de pub qui transformera leur voisinage en zone sinistrée, ça mérite au moins qu’on essaie un peu de gâcher leur sauce, non?