Impertinences

Britney Duceppe

Après les partielles de lundi dernier, Gilles Duceppe avait l’air de Britney Spears au MTV Music Awards. Il a fait du lipsync sur la chanson "on prend note du message, on va travailler fort", mais il semble complètement incoordonné, les stepettes manquent d’enthousiasme, le regard est perdu.

Quant au parti de Stéphane Dion, les libéraux fédéraux donnent l’impression qu’ils se réveillent d’un moment d’hypnose. L’électorat québécois vient de claquer des doigts et ils sont tout étonnés d’avoir Dion pour chef. Comme s’ils venaient de se rendre compte qu’ils font la poule sur scène depuis des mois. Celui qui a excellé dans un trio défensif s’opposant aux offensives souverainistes se montre incapable de piloter le premier trio. On ne fait pas un Mario Lemieux avec un Doug Jarvis.

Mais surtout, rappelez-vous que si Dion a été élu, c’est en partie parce que Michael Ignatieff avait ouvert la porte pour "accommoder" le Québec. Ainsi, quand les libéraux se consolent de voir dans les résultats un recul de l’option souverainiste, ils montrent la paille dans l’oeil de leur voisin en ignorant la poutre qu’ils ont ailleurs.

Ce ne sont pas seulement les souverainistes qui perdent du terrain sur la scène fédérale au Québec, les fédéralistes purs et durs aussi. La même chose qu’au provincial, en fait.

Si les deux frères ennemis que sont le Parti libéral et le Bloc québécois sont ainsi doucement écartés, c’est que les plaques tectoniques de la politique canadienne sont en train de bouger. La vérité, c’est que les souverainistes qui restent (et il en reste quand même beaucoup) n’y croient plus. En tout cas, ils se disent que ce n’est pas pour tout de suite, et ils en ont assez de mettre en veilleuse leurs autres options politiques. D’où le fait que le Bloc se retrouve tout écartillé.

Jeux de blocs

Si le Bloc s’affirme clairement à gauche, anti-guerre et pro-environnement, il perd des électeurs en région aux mains des conservateurs qui, en plus d’avoir su jouer la carte de la nation québécoise, ont l’attrait du pouvoir. Si, par contre, il se recentre en défenseur de l’industrie et tarabiscote sa position sur l’Afghanistan pour ne pas passer pour un ramassis de mauviettes gauchistes, il pousse vers le NPD des Québécois souverainistes qui ont envie d’une opposition idéologique aux conservateurs plus rigoureuse et vigoureuse que le sempiternel "Les Québécois sont pacifiques".

Plusieurs en concluent que le Bloc a fait son temps à Ottawa et qu’il serait temps de le saborder pour enfin prendre part pleinement aux débats canadiens. Les souverainistes redeviendraient alors invisibles au fédéral, laissant le soin à des Coderre, des Trudeau, des Mulcair, des Cannon et des Bernier le soin de représenter le Québec. Et nul doute qu’ils travestiront les appuis ainsi obtenus sur d’autres questions en un appui de leur vision du fédéralisme. Aussi nul soit le Bloc pendant cette crise d’identité qui l’afflige, c’est une perspective qui occulte complètement la question pourtant viscérale de la place du Québec. Et croyez-vous que le parti de Harper se serait montré aussi ouvert (en apparence, du moins) au Québec si le Bloc n’avait pas été là?

Au contraire, pour vraiment représenter la diversité de l’opinion publique au Québec, ça prendrait deux Blocs. Un Bloc de gauche, une sorte de NPD décentralisateur, et un Bloc de droite, qui pourrait défendre la guerre en Afghanistan tout en appuyant la reconnaissance de la nation québécoise (et réclamer Équipe-Québec aux prochains championnats du monde de hockey avec le Bloc de gauche, par exemple…).

Évidemment, c’est illusoire avec le mode de scrutin actuel. Tout au plus le Bloc peut-il permettre à ses candidats plus de liberté sur certaines questions dans l’idée de représenter la diversité des comtés, tout en restant uni dans la défense des intérêts du Québec. C’est mince comme argument.

Ça prouve qu’il n’y a pas qu’au provincial que le mode de scrutin fausse les données et ouvre la voie à tous les détournements. Et puis, je serais curieux de voir. Avec un scrutin proportionnel, des Canadiens de l’extérieur du Québec qui en ont assez de cette farce constitutionnelle nationale pourraient appuyer le Bloc. Il n’y en aurait pas beaucoup mais sûrement quelques-uns. Et ça changerait tout. Le Bloc (ou les Blocs) n’aurait plus à prétendre parler au nom de tous les Québécois. Il parlerait franchement au nom de tous les Canadiens qui appuient l’indépendance du Québec. Il pourrait même compter quelques Canadiens hors Québec sur sa liste. Ça changerait au moins le ton.

Tout ça, bien sûr, c’est de la politique-fiction. Mais comme les plaques tectoniques bougent, tout est possible. Et le tremblement de terre arrivera peut-être plus vite qu’on pense.