Impertinences

Analyse cartoonesque de l’Afghanistan

On entend toujours la même ritournelle pour défendre l’intervention militaire canadienne en Afghanistan. L’effort humanitaire et le militaire vont main dans la main. En fait, j’imagine que la main de l’humanitaire doit s’accrocher à la ceinture de munitions du militaire puisque celui-ci a besoin de ses deux mains pour tenir la mitraillette. La logique qu’on nous ramène tout le temps, c’est qu’il serait absurde de construire des écoles et de laisser les talibans les détruire les unes après les autres. Il paraît que c’est ce qui se produit à répétition. On se croirait dans un dessin animé, comme le Coyote butant toujours contre un obstacle l’empêchant d’attraper le Road Runner.

Pour en sortir, je suggère donc une stratégie à la Bugs Bunny quand il s’obstinait avec Daffy Duck. On construit une école de plus puis on la détruit nous-mêmes. Quand les talibans arriveront sur les lieux, ils seront confondus. Il y a des chances que, juste pour s’opposer aux agissements des vilaines forces occidentales, ils décident de reconstruire l’école. Nous aurons alors gagné la guerre psychologique.

Sans niaiser, je ne suis pas un expert militaire, loin de là. Mais est-ce qu’on construit ces écoles justement dans le but qu’elles soient détruites et que ça donne un prétexte au gouvernement pour partir à la chasse aux méchants? Parce que tant qu’à construire une école, il ne nous est jamais venu à l’esprit qu’il faudrait la protéger, nuit et jour, contre les talibans? C’est juste une question comme ça.

LES TALIBANS AUSSI AIMENT LEURS ENFANTS

Vous avez vu cette pub qui montre un papa chercheur de pétrole dans sa relation difficile mais quand même pleine de tendresse avec son fils écolo? Buvant un milk-shake avec son ado, il remarque que celui-ci plie sa paille pour rejoindre la crémeuse substance collée à l’intérieur du verre bombé. Le papa flashe. Il vient de découvrir comment aller chercher le pétrole dans une nappe souterraine sans faire des trous partout et détruire l’environnement. On voit le père défendre l’idée et réussir à implanter la nouvelle technique dans son entreprise. Le fils est tout fier de son papa, vice-versa, attendrissement, jingle, logo.

Cette pub est une merveille de manipulation émotive. Le message principal est bien sûr que les pétrolières se soucient de l’environnement. Quand vous aurez fini de rire, constatez à quel point le deuxième message est encore plus efficace. Ça dit que les gens qui travaillent dans l’industrie du pétrole sont aussi des êtres humains qui aiment leurs enfants. Je n’en doute pas une seconde mais ça n’a aucun rapport.

Parce qu’un coup parti, on pourrait démontrer que les talibans aussi aiment leurs enfants. Ils ont beau leur polluer l’esprit avec une idéologie rétrograde et meurtrière, je suis sûr que, comme le chantait Sting à l’époque de la guerre froide à propos des Russes, les intégristes musulmans aiment leurs enfants eux aussi. Et vice-versa surtout. Allez donc expliquer à un enfant que si vous avez tué son père, c’était pour son bien. Maintenant, allez l’expliquer à toute une génération d’enfants qui ne comprennent même pas votre langue…

Je suis bien d’accord avec le fait que les talibans sont des méchants. Mais les forces pro-démocratiques ne pourront pas tuer tous les méchants. Même si elles pouvaient techniquement y parvenir, ce ne serait pas souhaitable. Parce que ces méchants-là ont des enfants, des femmes, des parents qui les aiment quand même. L’effet premier semble toujours être d’unir la population locale contre les envahisseurs.

LES APPRENTIS SORCIERS EN AFGHANISTAN

Ce qui nous ramène aux dessins animés. Qui n’a pas vu le classique de Walt Disney montrant Mickey Mouse en apprenti sorcier? Sur le scherzo symphonique de Paul Dukas illustrant un poème de Goethe, on voit la célèbre souris, engagée pour faire du ménage dans l’atelier d’un magicien, tenter sa chance et enchanter un balai pour faire la job à sa place. Au début, ça semble fonctionner. Mais le balai s’emballe et finit par foutre le bordel. Mickey, tentant de l’arrêter, le coupe en mille morceaux. Mais voilà que les bouts de balai se transforment en autant de petits balais qui se remettent à foutre le bordel.

Mettez la tête de George W. Bush à la place de celle de Mickey Mouse et remplacez le balai par Oussama Ben Laden. Au début, l’Amérique "enchante" quelques intégristes religieux pour balayer les méchants communistes… Puis, la créature s’emballe…

On peut bien hacher du taliban à qui mieux mieux, ça ne donnera pas pour autant des citoyens afghans sympathiques aux valeurs démocratiques occidentales. Maintenant, comment on fait pour désenchanter le balai?