Impertinences

Quelques arpents de taxes

C’est officiel, la TPS sera encore une fois réduite. Dans l’éternel bras de fer que se livrent les gouvernements provinciaux et fédéral depuis des décennies au sujet des champs de compétences et des points d’impôt, voilà une chance inouïe de récupérer du terrain perdu. Que Stephen Harper ouvre cette porte plus par idéologie économique que par ouverture aux demandes du Québec importe peu. La dernière fois qu’une telle occasion s’est présentée, Charest a préféré ne pas occuper ce terrain. On peut comprendre, les manifestations pour réclamer plus de taxes se font rares dans les rues. Mais cette fois, il serait vraiment fou de ne pas en profiter.

Le Québec pourrait hausser sa TVQ. Sans même égaler le niveau de taxation combinée qui prévalait avant la réduction fédérale, il récupérerait ainsi des milliards, paraît-il. De l’argent qui appartiendrait au gouvernement du Québec et qui viendrait des Québécois, pas de la péréquation. De l’argent pour lequel on n’aurait pas besoin de quêter pour finalement le ravoir bardé de conditions et de drapeaux du Canada.

Et puis, pourquoi ne pas saisir la chance d’établir des taxes ciblées? Le vent est au vert, non? Allez, on fonce, on ne taxe pas plus le pain et le beurre mais on en remet sur le suremballage, les VUS et les transactions de change, pourquoi pas?

TAXONS LA PUB!

Et un coup parti, pourquoi ne pas taxer le temps d’antenne et l’espace publicitaire, présentement déductibles? Depuis des années, la pub envahit de plus en plus nos vies, gruge notre temps, morcelle nos lectures sans vergogne; personne n’a songé qu’il était là, l’argent? Les artistes peuvent vous le dire. Ils sont payés des pinottes pour puiser au fond d’eux-mêmes et se remettre en cause afin d’incarner un rôle profond à travers mille angoisses dans l’espoir de toucher le spectateur dans son âme, et ils font encore plus d’argent pour faire "miam-miam" la langue sortie dans une pub de burgers. Ça finit par être indécent.

C’est pourtant simple. Une industrie peut toujours faire fabriquer ses cossins dans un sweatshop quelque part dans le monde, même l’industrie des services peut déménager un centre d’assistance annuaire à Madagascar.

Mais pour vendre au Québec, les grandes compagnies doivent faire de la publicité au Québec. Un panneau publicitaire à Pékin ou une pub à la télé salvadorienne ne feront rien bouger dans les magasins québécois. Avec la vente au détail, c’est le seul service qui ne soit pas déménageable. Elles sont là, à "shipper" leurs profits grandissants dans des paradis fiscaux, à faire traduire des pubs américaines pour que ça leur coûte moins cher de production au Québec, quitte à ne jamais montrer la bouche du comédien qui parle pour que ça ne paraisse pas, mais elles ont un pied attaché à notre temps de cerveau disponible. Qu’est-ce qu’on attend?

LES ZAPARTISTES EN VISITE AU FÉDÉRAL

Avec ma bande de saltimbanques politiques, nous étions invités à remplacer les politiciens fédéraux qui se défilent de plus en plus du souper annuel réunissant les politiciens fédéraux et les journalistes de tout le Canada couvrant la vie parlementaire à Ottawa. Pour vous situer, c’est à ce bien-cuit fédéral que Michaëlle Jean avait fait une folle d’elle en disant qu’elle était "hot". Outre Stéphane Dion (qui s’en est étonnamment bien tiré) et Jack Layton qui a livré un hommage aux journalistes, il y avait au menu un humoriste anglophone, Bob Robertson, et Les Zapartistes.

Toute la soirée se déroule dans une étrange atmosphère directement liée au bilinguisme inégal des convives. Le maître de cérémonie Daniel Lessard, de Radio-Canada, en pousse une bonne en français. Les tables francophones rient, les tables anglophones attendent la traduction. Elle vient, et le même rire se fait entendre, en anglais. C’est un Blue Bonnets en version humoristique. Puis, la blague suivante est énoncée d’abord en anglais. Tout le monde la rit. Il n’est plus nécessaire de traduire…

Toute l’impossibilité de ce pays fictif tient dans cette schizophrénie linguistique. D’ailleurs, en passant, merci à Vincent Marissal pour ses informations sur l’atmosphère de ce type de soirée. Quand, en aparté de notre présentation en français, nous avons dit en anglais aux journalistes unilingues que s’ils avaient l’impression d’en avoir manqué une bonne, ils n’avaient qu’à demander à leurs collègues francophones de traduire comme d’habitude, il paraît qu’on les a bouchés pour le reste de la soirée. Cool…

D’ailleurs, ça s’est très bien passé. Qu’en tant que souverainistes avoués, nous ayons pu faire rigoler des anglophones du ROC, c’était non seulement un plaisir, c’était aussi la preuve d’une profonde culture démocratique. Ça ne peut jamais nuire.