Impertinences

Pas de cadeaux pour le privé

C’est quand même extraordinaire, tous les efforts qui sont déployés pour nous convaincre de laisser entrer le privé dans les soins de santé. En fait, je n’en reviens pas qu’on se laisse encore balancer les mêmes arguments spécieux sur le privé, qui serait une telle bénédiction que tous ceux qui s’y objectent sont assimilés par nos bienveillants médias de droite à ceux qui refusaient de croire que la terre est ronde.

Sur ce sujet, le jupon de La Presse, notamment, dépasse tellement qu’il traîne dans la bouette. Rappelons que ce journal est une propriété de Power Corporation qui possède aussi de juteuses compagnies d’assurances. Et, comme par hasard, il ne se passe pas une semaine sans qu’on y lise à quel point ce serait génial de pouvoir créer de belles cliniques privées, payées par des assurances privées, pour soulager le pauvre système public qui craque de partout et qui suinte la C. difficile par tous ses orifices.

Parmi les chantres les plus zélés de cette privatisation, on retrouve aussi invariablement l’Institut économique de Montréal (aucune surprise ici, ils mettraient des compteurs d’air dans les maisons s’ils en avaient la chance), et l’incontournable Claude Castonguay. On prend toujours soin, dans les médias, de désigner Claude Castonguay comme étant le père de l’assurance-maladie au Québec. Lui-même semble d’ailleurs très bien accepter cette épithète, même s’il paraît que ce n’est pas si vrai que ça. Il serait membre des Hells qu’on l’appellerait Claude "le père de l’assurance-maladie" Castonguay.

Et pourtant, depuis des années, on ne le voit que réclamer plus de place pour le privé, un ticket modérateur, etc. Le bon peuple impressionnable doit penser: "Heille, ça doit être vrai… même le père de l’assurance-maladie le dit!" On devrait plutôt dire que Castonguay est le mononc’ pas fin de l’assurance-maladie, ce serait plus juste.

Ce débat est surréaliste. Aucun parti ne veut s’afficher clairement pour le privé et le honni "système à deux vitesses", et pourtant le privé gagne sans cesse du terrain. Le bon docteur Couillard s’inquiète de l’ouverture de cliniques privées, maugrée, tempête un peu. Le chien aboie, la caravane passe. C’est rendu bien étroit, la démocratie, si tout ce que nous pouvons choisir, c’est la "bette" de celui qui nous dira qu’il n’a pas le choix…

Ce que j’aimerais voir, c’est un débat à visière levée, avec questions du public, comme dans certains débats des chefs pour les élections. Les pro-privé se choisissent un champion, les pro-public font de même. Et on y va à fond. Face à face.

Les médecins et infirmières qui pratiqueraient au privé, on les prendrait où? Dans le réseau public, j’imagine, ils sont tous là. Et comment on va faire pour que le service dans le réseau public ne se détériore pas en conséquence? On va former plus de médecins et d’infirmières pour compenser? Pourquoi on ne le fait pas maintenant? Ça coûterait trop cher à l’État de les payer? Au bout du compte, ce seront les "assurés" qui les paieront, que ce soit par leurs assurances privées ou par leurs impôts. En quoi est-ce que le système en entier bénéficierait du fait que les plus fortunés puissent se réserver les meilleures ressources, tant humaines que technologiques, du milieu médical? Personne n’en a encore fait la démonstration.

COMME LA CRÉATION DE LA RICHESSE

C’est la même chanson que la création de la richesse. Selon à peu près les mêmes voix, d’ailleurs, il serait impératif au Québec de créer de la richesse avant de la redistribuer. Un jour, j’aimerais bien qu’on m’explique. On m’a appris que rien ne se perd et rien ne se crée mais que tout se transforme. La richesse, donc, dans un monde fini aux ressources limitées, soit tu l’extirpes de la nature, soit tu la prends à quelqu’un d’autre. Autrement dit, créer de la richesse, c’est une illusion. On ne fait que la concentrer. C’est donc le contraire de la répartir.

Mais si on peut vraiment créer de la richesse, ne soyons pas dogmatiques, c’est une excellente nouvelle. Ça veut dire que le mouvement perpétuel est aussi possible et qu’on pourra bientôt fournir de l’énergie gratuite à toutes les populations de la terre!

Le minoritaire aux bottines d’acier

Pendant ce temps, à Ottawa, on est plus proche de l’immobilité perpétuelle. Stephen Harper a beau être minoritaire, on a l’impression qu’au rythme où vont les choses, il pourrait rester en poste sans déclencher d’élections pendant 30 ans, maintenir la présence canadienne en Afghanistan contre la volonté d’une majorité de la population et continuer de se foutre de l’environnement, tout ça parce que Stéphane Dion ne veut pas aller en élections parce que son leadership est trop faible et qu’il est détesté au Québec. Quand les libéraux ont élu Stéphane Dion comme chef, ce n’était donc pas seulement une gaffe pour les libéraux. C’était une gaffe pour tout le Canada.