La semaine dernière, j'ai assisté au forum citoyen de la commission Bouchard-Taylor qui se déroulait à Sherbrooke. Il s'agissait du tout dernier de la tournée régionale. J'ai un peu hésité avant d'y aller car il y avait dilemme. J'avais le choix entre cet exercice démocratique et un spectacle donné au Théâtre Centennial par Tinariwen, un important groupe rock malien, lui aussi en tournée au Québec… J'ai opté pour le plus «dépaysant» des deux.
Je n'étais pas le seul car c'était complet et ce, depuis belle lurette. Environ 250 personnes se trouvaient dans une salle où se bousculaient micros et caméras. Il s'agissait de l'une des meilleures foules depuis le début de la tournée des régions aux dires de Charles Taylor. Un vrai show rock! D'ailleurs, si la commission Bouchard-Taylor était un groupe de musique, ce serait Grateful Dead, un band rock psychédélique américain des années 70, en raison de cette horde de fidèles (les journalistes) qui suivent le groupe d'un spectacle à l'autre. De plus, il y a un parallèle à faire entre les mélodies répétitives du rock psychédélique et les interventions citoyennes à la commission. Hé hé!
Soyons sérieux. J'étais réellement curieux. Nos politiciens municipaux nous disent souvent, chiffres à l'appui, que Sherbrooke est une ville exemplaire quant à l'accueil des immigrants; Gérard Bouchard l'a même souligné lors de la conclusion de ce forum. La politique d'accueil et d'intégration des personnes immigrantes de la Ville de Sherbrooke ferait même des jaloux. Une panoplie de programmes issus d'initiatives locales est offerte aux gens des différentes communautés. Sur le plan culturel, il y a, entre autres, le Festival des traditions du monde de Sherbrooke, qui prend de l'ampleur chaque année. De plus, par un timing digne du gars des vues, on dévoilait, le jour même de la tenue du forum citoyen de la commission Bouchard-Taylor, les lauréats du deuxième gala des prix Reconnaissance mérite immigrant (REMI), qui se déroule à Sherbrooke. Merveilleux, non?
…Mais si tout cela était du tape-à-l'oil? Justement, M. Bouchard disait en introduction du débat qu'il fallait se méfier des statistiques au cours de cet exercice. À Sherbrooke, les endroits où le multiculturalisme se vit véritablement, ce sont les quartiers défavorisés. Je dirais même que c'est dans les cours d'école de ces quartiers que se déroule le rapprochement culturel essentiel à la société québécoise.
J'espérais donc entendre de ces nouveaux Sherbrookois qui ont un point de vue de l'intérieur, ceux pour qui l'intégration n'est pas un long fleuve tranquille. Au lieu de ça, les immigrants qui ont pris la parole au forum citoyen de Sherbrooke semblaient choyés par la société québécoise. Une chance que certains ont souligné le problème de l'accessibilité à l'emploi pour les nouveaux Sherbrookois. «Plus les immigrants sont instruits, plus ils ont de la difficulté à s'intégrer», disait l'un des intervenants.
Malgré tout, l'Estrie fait bonne figure. D'autant plus que l'Université de Sherbrooke travaille à la mise au point de critères afin de reconnaître les compétences des immigrants. Un pas dans la bonne direction.