Je m'intéresse beaucoup au débat concernant l'avenir incertain de l'industrie de la musique. À vrai dire, il serait plus précis de parler de l'industrie du disque, car la musique, elle, se porte plutôt bien. Au Québec, la fréquentation lors des spectacles aurait augmenté d'environ 5 % de 2005 à 2006, et aux États-Unis, la vente de billets de spectacle aurait plus que doublé au cours des quatre dernières années. Les promoteurs d'événements culturels peuvent dormir sur leurs deux oreilles.
Vous devez vous en douter: les chiffres sont moins encourageants en ce qui a trait au disque. D'ailleurs, au MIDEM (le Marché international de la musique qui se déroulait du 27 au 31 janvier dernier), on parlait de 2007 comme d'une «année pourrie»: selon l'Observatoire de la musique (un organisme d'étude), le nombre de CD et de DVD vendus aurait chuté de 18,3 % et le chiffre d'affaires serait à -17,1 % par rapport à 2006. Ça fait mal! Évidemment, c'est le téléchargement illégal de la musique qui est à la source de cette situation. Les ventes légales de musique en ligne ont beau augmenter (40 % en 2007), elles ne compensent pas pour les pertes en vente de supports physiques. Ainsi, ce sont principalement les grosses maisons de disques qui sont touchées… et certains artistes.
Tout de même, je trouve encourageant de constater que les petits joueurs s'en sortent plutôt bien. Les labels indépendants, et les artistes émergents qu'ils représentent, observent une augmentation notable de leur chiffre d'affaires au cours des dernières années. Il semble que ces petites organisations aient plus de facilité à s'adapter aux nouvelles réalités de l'industrie musicale. Les stratégies employées pour faire connaître un artiste ou un disque ne sont plus les mêmes; dorénavant, tout se joue sur Internet.
Quand la gratuité devient payante
Cette situation, Guillaume Déziel l'a bien comprise, et il compte bien en profiter. Cet ancien Sherbrookois a créé, avec l'aide de quelques comparses, un site qui se nomme BAOM, comme dans bouche à oreille musical (www.baom.net). Il s'agit d'une plateforme qui s'apparente à MySpace, sauf que l'accent est mis sur le téléchargement légal et gratuit de chansons d'artistes qui, pour la plupart, cherchent à se faire connaître. «Il faut se servir des failles du système et, pour l'instant, la gratuité, c'est important. De plus en plus, on peut considérer la musique comme un produit d'appel; elle sert à vendre autre chose, comme le spectacle», explique Guillaume Déziel. Sur BAOM, une bonne chanson pourra gagner en popularité (et en visibilité) que l'artiste soit connu ou non. «Ceux qui ne jouent pas dans les radios commerciales se ramassent souvent avec des miettes. Si la musique n'est pas formatée, le système actuel ne permet pas de rejoindre un public. Avec BAOM, la musique de qualité peut se rendre jusqu'aux bonnes oreilles.»
Ce projet part des ambitions du jeune groupe sherbrookois Misteur Valaire; Guillaume Déziel s'occupe de certains aspects de la gérance de cette formation. «Misteur Valaire a un bon contenu et un public branché sur Internet. On a donc testé BAOM avec le groupe. En un an, il y a eu plus de 20 000 écoutes et plus de 8000 téléchargements. Au départ, on a seulement fait une vingtaine d'invitations et ensuite, c'est le bouche à oreille qui a fait son ouvre. C'est du marketing viral.» Un départ encourageant!