L’écho des Cantons

Sherbrooke chante en anglais, so what?

La semaine dernière, j'ai reçu la visite d'une équipe de tournage de Télé-Québec. On voulait m'interviewer, avoir mon opinion. Je n'ai pas pu dire non, car c'est ma chaîne de télévision préférée!

La journaliste-réalisatrice Josée Labrie effectue un reportage pour Méchant Contraste!, une émission qui traite de société et de culture. Le topo qu'elle prépare porte sur la scène musicale sherbrookoise. L'idée est bonne, car depuis quelque temps, l'effervescence est palpable; plusieurs groupes de Sherbrooke ont enregistré des albums de qualité, jouent devant des salles pleines et ont du succès ailleurs en province, voire ailleurs dans le monde. Je crois qu'on assiste présentement à l'âge d'or de notre scène locale, et ce, malgré le fait qu'il n'y a (dans la grande majorité des cas) aucun support des instances politiques ou du monde des affaires.

Justement, la musique se fait de façon extrêmement indépendante à Sherbrooke; personne ne vient y mettre son nez. Ce contexte non interventionniste permet une grande liberté et amène certains phénomènes, dont celui-ci: plusieurs groupes d'ici décident de chanter en anglais (Pete Möss, Jake and the Leprechauns, Half Baked, Sexyboy…). C'est ce qui intéresse l'équipe de Méchant Contraste!. Le débat me paraissait un peu cliché au premier abord, mais il est vrai qu'on observe une certaine tendance. J'ai donc déblatéré quelques trucs à ce sujet devant la caméra. Je ne sais pas trop comment cela va sortir dans le reportage avec le montage qui sera effectué. J'avoue avoir des craintes, car les questions linguistiques sont toujours délicates. J'ai donc décidé de clarifier mon point de vue dans cette chronique. Vive les médias écrits!

«I want to pogne»?

Faut-il s'inquiéter du fait que des formations musicales d'ici optent pour la langue de Shakespeare? Dans le contexte actuel et malgré le fait que j'ai la défense du français à cour, je crois que non (en tout cas, pas pour l'instant). Plusieurs artistes de la chanson francophone obtiennent un succès retentissant au Québec, particulièrement auprès de la jeunesse: les Cowboys Fringants, les Vulgaires Machins, Loco Locass… Certains chantent en français par engagement, pour la cause. Le message passe et la langue française est célébrée. Ça compense amplement pour tous les Simple Plan et Pascale Picard de la province. De plus, je suis d'avis qu'il faut continuer à encourager les groupes qui chantent en français à l'aide de subventions et en imposant un certain pourcentage de contenu francophone aux radios de la province. Ne revenons pas en arrière.

Toutefois, ce ne sont pas tous les groupes qui font de la chanson pour des raisons politiques ou avec l'intention de profiter des quotas radiophoniques. Ça vient souvent des tripes! La musique est le fruit des influences de celui qui la fait. Quand elles viennent d'Angleterre ou des États-Unis, il y a bien des chances que ça sorte en anglais.

C'est le cas de plusieurs formations de l'Estrie. Ainsi, ce n'est pas par facilité ou opportunisme que certains groupes d'ici chantent en anglais, mais bien parce que ça va de soi: le chanteur de Pete Möss est anglophone, l'auteur des textes de Jake and the Leprechauns a étudié la littérature aux États-Unis… Pourquoi aller à contre-sens quand la chanson se fait pour de nobles raisons?

Pete Möss