L’écho des Cantons

Le dernier des indépendants

Je me souviens qu'à une époque pas si lointaine que ça, le centre-ville de Sherbrooke était la destination par excellence des mélomanes à la recherche de nouvelle musique. Vers la fin des années 80, on y trouvait un grand nombre de magasins de disques. De mémoire, il y avait Mélodies, Gramophone, Wilson, Musicomaniac, Le Discret… Plus récemment, il y eut Musik Hall, Disk'hier, Juke Box (qui existe encore, mais cette boutique de la rue Wellington se spécialise désormais dans la bande dessinée américaine)… En cette année 2008, ils ne sont plus que deux: le Tourne-livre pour l'usagé et le Musique Cité pour le neuf. Évidemment, les difficultés de l'industrie du disque et l'arrivée massive des grandes surfaces (Wal-Mart et autres) sont principalement responsables de cette situation… Dommage.

Le 2 juin prochain, Musique Cité célébrera ses 50 ans d'existence. Comme la photo en fait preuve, le magasin se situait au départ tout près de l'intersection des rues King et Wellington. Avant la loi 101, Music City était le nom du commerce (probablement un clin d'oil à Nashville, dont le «slogan» est Music City USA); d'ailleurs, Musique Cité en est une traduction un peu boiteuse… Depuis les années 60, c'est au 169, rue King Ouest qu'on retrouve cette enseigne qui accumule les titres: le plus vieux commerce de détail du centre-ville de Sherbrooke, le plus vieux magasin de disques de Sherbrooke… Aux côtés d'Archambault et HMV, les deux autres disquaires encore ouverts à Sherbrooke (A&A, Discus et Music World ont tous fermé boutique), Musique Cité fait office de dernier des indépendants… un peu comme le village d'Astérix.

Sylvain Lecours en est le propriétaire depuis 1992 (avant lui, Normand Gaumond gardait le fort, et ce, depuis le début). Récemment, sur les ondes de Radio-Canada, il participait à une table ronde animée par Monique Giroux portant sur les disquaires indépendants. À son avis, l'avenir n'est pas rose pour lui et ses pairs. Certains optimistes disent que le téléchargement de la musique aide les petits joueurs, mais lorsqu'on s'intéresse aux chiffres, on voit qu'il n'en est rien.

Le discours de Sylvain Lecours est simple: achetez votre musique chez un disquaire! Iriez-vous chez le boucher pour acheter vos meubles de patio? Contrairement à ce qu'on peut imaginer, l'équipe de Musique Cité perçoit Archambault et HMV comme des alliés. Ces gros joueurs lui envoient souvent des clients qui recherchent des disques plus spécialisés, des importations, des raretés, des vinyles…

Pour «survivre», Musique Cité se doit d'offrir un service impeccable et d'être à l'écoute de sa clientèle (principalement des gens allumés dans la vingtaine ou la trentaine). Voilà pourquoi on y trouve un pan de mur réservé aux styles punk, métal et hardcore, alors qu'un autre est consacré au country western québécois. Des genres aux antipodes musicaux, mais qui permettent un certain équilibre… financier.

Sylvain Lecours a donc un immense respect pour tous ses clients, car les passionnés de musique sont les ingrédients de base de la potion magique de Musique Cité. Bon 50e!