Plusieurs gens du milieu des arts de l'Estrie m'ont déjà fait remarquer ceci: on retrouve très peu d'artistes professionnels âgés dans la trentaine au sein des organismes culturels de la région. C'est assez éloquent lorsqu'on s'intéresse aux troupes de théâtre de Sherbrooke. Elles sont dirigées par des artistes qui ont passé le cap de la quarantaine (c'est le cas du Petit Théâtre de Sherbrooke, du Théâtre des petites lanternes et du Théâtre du Double Signe) ou qui sont encore dans la vingtaine (la troupe des Turcs Gobeurs d'Opium est un bon exemple). On se retrouve donc avec deux générations de comédiens et, à peu de chose près, il n'y a pas d'entre-deux.
Par ce commentaire, je ne désire pas vieillir ou rajeunir personne. Mon intention est plutôt de souligner cette situation que je trouve plutôt particulière.
Est-ce que les mères de l'Estrie ont donné naissance à moins d'artistes dans les années 70? Ben non. Dans le cas du théâtre, on peut mettre une partie du blâme sur la disparition de l'interface scolaire pour l'enseignement du théâtre de l'Université de Sherbrooke (plusieurs souhaitent ardemment le retour d'un tel programme), mais à mon avis, c'est plus compliqué que ça.
Je crois que la principale cause concerne le manque de soutien des instances politiques au développement culturel. Il y a quelque temps, cette aide faisait défaut alors que le milieu en avait cruellement besoin. Les organismes déjà en place devaient se partager une bien trop petite «tarte financière». Ainsi, plusieurs artistes d'ici ont quitté l'Estrie pour de plus grandes villes. Les Cantons-de-l'Est ont donc subi un exode artistique qui a affecté la vitalité du milieu. Celui-ci s'en remet à peine…
Depuis peu, on tente de réparer les pots cassés en aidant le milieu culturel de façon appréciable. La dernière mesure qui va en ce sens provient d'une entente entre la Ville de Sherbrooke et la Commission scolaire de la Région-de-Sherbrooke (CSRS). Ces deux partenaires ont bâti un programme visant, entre autres, à favoriser l'accès des élèves de la CSRS aux réalisations des organismes culturels professionnels soutenus par la Ville. Ainsi, dès l'an prochain, les groupes d'écoliers seront plus nombreux lors des manifestations culturelles des artistes d'ici.
Cette entente, c'est du «gros bon sens»; ça équivaut à acheter des aliments de l'Estrie lorsqu'on fait notre épicerie. Augmenter la fréquentation, par nos jeunes, des spectacles faits à Sherbrooke représente beaucoup plus qu'une certaine aide financière pour les artistes d'ici. S'il est implanté comme il se doit, ce programme amènera la jeune génération à s'intéresser à la culture faite localement. La télévision et Internet lui donnent accès à tout ce qui se fait sur la planète. Il me semble que l'école se doit de ramener l'accent sur ce qui se passe autour, dans la communauté. Ainsi, on réduira les chances qu'il y ait un second exode de nos talents artistiques…