Avant d'être à l'emploi de Voir Estrie, il m'arrivait de produire des spectacles (c'était le meilleur moyen d'assister aux performances de groupes que j'aimais, tout en restant dans mon patelin). Pour promouvoir mes événements et m'assurer d'une bonne foule, j'appliquais un procédé un peu spécial de «triangulation» (terme emprunté au merveilleux monde de la recherche universitaire). Premièrement, il fallait que le spectacle soit bien annoncé dans quelques médias. Deuxièmement, le show devait bénéficier d'un bon bouche à oreille. Et finalement, un affichage (qu'il soit véritable ou «virtuel») devait être effectué de manière exhaustive et efficace. Quand ces trois éléments étaient réunis, le succès était au rendez-vous…
Pour ce Pop culture, je me permets de poursuivre ma réflexion quant au troisième élément de cette formule gagnante, soit l'affichage.
Montre-moi ton affiche et je te dirai qui tu es
Je suis d'avis qu'une bonne façon de savoir si une ville comporte un milieu culturel effervescent est de s'intéresser aux affiches de shows placardées un peu partout. À Sherbrooke (et tout particulièrement en son centre-ville), les posters se suivent mais ne se ressemblent pas. Dans les entrées de quelques charmants commerces et sur certains murs laissés à l'abandon, les affiches jouent du coude pour avoir une place bien à la vue des badauds. C'est très bien ainsi car cela signifie que les activités sont nombreuses et diversifiées.
Un autre signe que le milieu culturel sherbrookois est particulièrement dynamique ces temps-ci: les affiches des spectacles de la scène locale sont de plus en plus jolies, voire artistiques. L'ère du poster avec uniquement la grosse bouille de l'artiste ou qui ressemble à une liste d'épicerie (car on y énumère une quantité industrielle d'information) est révolue. Ainsi, plusieurs groupes de musique et troupes de théâtre d'ici voient chacun de leurs spectacles comme une occasion de peaufiner leur image à l'aide d'un poster confectionné avec soin. Le résultat peut être humoristique, ludique ou esthétique, mais le but premier est d'être original afin de se démarquer et de se faire remarquer.
Ce que je trouve le plus intéressant dans tout ça, c'est la dynamique qui se crée entre les artistes de la région; les musiciens et les comédiens font souvent appel aux gens en arts visuels pour leurs affiches. Il y a donc des échanges qui se font entre les différentes sphères artistiques. Avec des artistes qui s'intéressent à l'art des autres, le milieu culturel évite d'être compartimenté. C'est un peu comme une toile qui se tisse et qui permet de réunir un beau paquet de monde. Avec un tel réseau, le bouche à oreille que je mentionnais plus tôt est facilité et peut donc faire son ouvre…
Évidemment, la scène sherbrookoise n'est pas la première à porter une attention particulière à son image. Les artistes d'avant-garde ont toujours eu des affiches exceptionnelles. On n'a qu'à consulter le bouquin Art of Modern Rock: The Poster Explosion de Paul Grushkin et Dennis King (publié chez Chronicle Books) pour le constater.
On est loin d'un livre sur les belles affiches de Sherbrooke, mais j'espère que la scène locale continuera dans cette voie.