L’écho des Cantons

Le Salon du livre et la littérature

Ces derniers jours, tout le monde qui m'a dit être passé par le Salon du livre de l'Estrie en profitait pour me témoigner un certain malaise. Ils sont plusieurs à dénoter que l'événement semble prendre une dangereuse tangente en délaissant la littérature, celle qui s'enseigne dans nos institutions collégiales et universitaires, au profit du livre sous toutes ses formes.

D'ailleurs, Steve Bergeron de La Tribune soulignait le 17 octobre dernier que le Salon du livre de l'Estrie était surnommé «Salon de l'ésotérisme» par ses détracteurs. Voilà qui est un peu vil, mais qui sous-entend un certain problème pouvant expliquer la baisse d'achalandage de cette année.

Je me permets une chronique sur le sujet, car j'aime beaucoup le Salon du livre de l'Estrie. C'est un atout précieux pour notre région. Je trouve que ses organisateurs font un merveilleux boulot pour plaire aux jeunes (on peut les comprendre de miser sur la littérature jeunesse considérant tous ces autobus jaunes qui se rendent au Salon) et à ceux qui sont friands de livres sur le cheminement personnel. De plus, ils accordent une place intéressante aux auteurs de la région: André Jacques (le lauréat du prix Alfred-Desrochers 2008), Michel Garneau, André Marquis, Mylène Gilbert-Dumas, Daniel St-Onge…

Toutefois, j'ai également cette impression que bon nombre d'amants de la littérature de l'Estrie boudent le Salon parce qu'ils ne s'y reconnaissent plus. Je crois que c'est surtout le cas pour les générations X et Y; on semble encore les avoir oubliées cette année.

Afin d'expliciter cette problématique, voici un extrait d'une lettre envoyée aux médias par les Suspects de service, un collectif d'auteurs de Sherbrooke qui a organisé une soirée de lecture dans le cadre du Salon du livre de l'Estrie et qui se dit déçu de l'expérience:

«Loin de nous l'envie de rejouer une pièce mille fois montée, où artistes de la relève et organismes de diffusion s'affrontent dans un combat perdu d'avance, mais, un jour, il faudra nous expliquer ce qui empêche le Salon du livre d'être aussi, au moins un peu, le Salon de la littérature. Nous voulons bien qu'un guide de l'auto soit aussi un livre et qu'il s'agisse d'en vendre le plus possible. Nous comprenons même que la calligraphie compte au rang des moyens employés pour intéresser les gens aux livres. Mais pourquoi se désolidariser aussi évidemment d'une entreprise comme la nôtre? Pourquoi inviter des auteurs reconnus à des tables rondes, et ne pas en dire un mot? Pourquoi avoir les mêmes "auteurs à l'honneur" que tous les autres salons du livre de province?»

Un début de solution

La semaine dernière, Hugues Corriveau, parrain d'honneur de cette 30e édition du Salon du livre de l'Estrie, disait lors d'un entretien accordé à Voir Estrie qu'il n'adhérait pas à l'idée d'une littérature régionale: «Je dis: soyons immenses, ne soyons pas régionaux. […] La littérature à Sherbrooke n'a pas à bien se porter. La littérature a à bien se porter.» À mon avis, il s'agit là d'un début de solution.

Hugues Corriveau