Sois belle et tais-toi
C'est un intéressant débat qui a émergé la semaine dernière alors que la Ville de Sherbrooke annonçait vouloir faire la vie dure à ceux qui s'affichent illégalement sur les poteaux et lampadaires du centre-ville. On donnera des constats d'infraction (jusqu'à 4000 $ si c'est un cas de récidive) en plus de facturer les frais de nettoyage aux contrevenants. Le problème est véritable: il y a effectivement eu des abus et les opérations de nettoyage coûtent des sous, mais c'est la solution qui est inadéquate.
L'approche adoptée par la Ville est non seulement bête, mais je la trouve surannée. Pour moi, cette mesure est du même ordre que le couvre-feu que voulait établir le maire d'Huntingdon, le «très honorable» Stéphane Gendron. Nos élus devraient plutôt agir en bons pères de famille et adopter des solutions conciliantes.
Afficher son détachement
La Ville compte une seule colonne Morris (un gros cylindre garni d'affiches annonçant différents événements). Elle est vitrée et se trouve sur la rue Wellington, au pied de l'hôtel de ville. C'est nettement insuffisant; Sherbrooke n'est pas un village. Même Magog, qui est une plus petite ville, en compte un bon nombre. Si nos dirigeants pensent que quelques mètres carrés suffisent à contenir toute l'effervescence de la vie culturelle sherbrookoise, ils se trompent.
De plus, la vitre de cette unique colonne empêche une certaine «démocratisation» de l'affichage; les petits joueurs comme les plus gros ont besoin de promouvoir leurs spectacles. Enlevez-moi ce verre!
Le véritable problème, ce n'est donc pas l'affichage, mais le manque d'endroits qui le permettent. Ce qu'il faut, ce sont des colonnes Morris dispersées ici et là.
La Ville ne règle rien à moyen terme avec sa réglementation moyenâgeuse; elle ne fait qu'afficher son détachement, voire son incompréhension à l'égard d'un important pan de la vie culturelle sherbrookoise.
Grosse nunuche
Une autre réflexion m'est venue dans la foulée de ce débat. Le conseiller du centre-ville et président du Comité de sécurité publique, Serge Paquin, a qualifié l'affichage pour la promotion d'événements locaux de «pollution visuelle». Il est vrai que certaines affiches manquent de classe, mais de façon générale, je ne suis pas d'accord avec M. Paquin. Pour moi, l'affichage fait partie du design vernaculaire d'une ville.
Qu'est-ce que le design vernaculaire? C'est un concept qui réunit les manifestations visuelles et citoyennes qui confèrent de la personnalité à l'urbanité. Pensez à Montréal, New York, Berlin… Ces villes sont tapissées d'affiches et plusieurs considèrent que ces métropoles comptent parmi les plus stylisées du globe. Sherbrooke ne se compare pas à ces villes, mais la reine des Cantons-de-l'Est a un certain style et je suis d'avis que l'affichage y contribue.
Est-ce que pour être belle, une ville se doit d'être sans personnalité? Si c'est le cas, Sherbrooke deviendra une grosse nunuche à force de se faire dire «sois belle et tais-toi».
Excellente approche. Excellente suggestion. Et tout ça joliment exprimé, écrit par quelqu’un qui est très proche du milieu culturel qui vient de se voir retirer un outil de promotion essentiel.
Cependant, pour éviter l’affichage anarchique sur la colonne Morris, je suggère de conserver le verre (le plexiglass ?) qui recouvre les affiches, mais d’en élargir l’accès. Même si on en confie la gestion au Granada, elle ne devrait pas servir exclusivement aux spectacles présentés dans ce magnifique théâtre. Et bravo pour le Tremplin et félicitations à la Ville pour le généreux appui financier. Le Tremplin bénéficie, justement d’un espace dans l’unique colonne Morris qui orne notre centre-ville pour promouvoir la diversité des spectacles et événements qu’on y présente. Mais il y a d’autres lieux de diffusion qui réclament aussi une légitime visibilité.
J’adore l’idée de multiplier les « colonnes Morris » et des idées semblables sont déjà étudiées et proposées par des acteurs de développement du Centre-Ville..Des idées qui sont sans doute plus réalistes et moins utopiques que le projet d’hôtel qui émerge à nouveau dans l’imaginaire de Cité des Rivières.
En ce qui concerne l’affichage sur les poteaux et les lampadaires, je réitère ma suggestion: que l’on tolère l’affichage respecteux d’événements locaux mais que l’on exige le retrait des affiches dès que les événements sont passés (tout comme on le fait pour les affiches électorales que l’on s’empresse – sic – de retirer dans les jours suivant les élections).
Et j’en profite pour vous saluer, Monsieur Petit, et vous féliciter pour le spectre culturel élargi que vous savez couvrir avec brio et humilité. Longue vie à Voir Estrie.
« Pollution visuel? » Quel mépris pour les artisans sherbrookois qui tentent de faire battre le coeur culturel de la ville! Ces artisans n’ont que très peu de moyens financiers. Ils ne peuvent pas se payer des pleines pages dans le tabloïd La Tribune. En supprimant le droit aux artistes de s’afficher pour faire connaître leurs activités, on leur donne un bon coup solide dans les reins. On se demande après ça pourquoi les initiatives locales éprouvent de la difficulté à rejoindre un plus vaste public tandis que Peter McLeod peut remplir ses salles…
Pas fort, Paquin. Vraiment pas fort.