L’écho des Cantons

Le sentier de la honte

Deux curieux débats ont récemment émané des environs du Marché de la gare de Sherbrooke, un lieu que je fréquente assidûment. Le premier concerne les bruits causés par le train Orford Express (tchou-tchou, ding-ding…) et la musique d'ambiance de la terrasse du Savoroso, qui minent la quiétude des riverains, alors que le deuxième porte sur la difficile cohabitation des marcheurs, cyclistes et patineurs (sans oublier les animaux de compagnie de tout ce beau monde) sur une section de la promenade autour du lac des Nations.

C'était trop beau pour être vrai. Sherbrooke possède enfin un endroit rassembleur et agréable, mais il fallait que la chicane pogne comme dans un party de famille lors d'une année de référendum. Dommage.

Un peu de civisme, bordel de merde

Au lieu de signaler le passage litigieux du sentier comme étant une «zone dangereuse», la Ville de Sherbrooke a opté pour le désigner en tant que «zone zen». C'est optimiste et un peu simpliste, mais j'avoue que je préfère ce quasi-statu quo à la ligne dure. Si les Sherbrookois ne pouvaient pas cohabiter sur un petit bout d'asphalte, un triste constat s'imposerait: en cette ville, les gens civilisés ne sont pas légion. Il serait moche que cette promenade devienne «le sentier de la honte». J'espère qu'on n'en arrivera pas là.

Tout de même, s'il devait s'avérer que le zen ne fonctionne pas, voici quelques propositions «crédibles et sérieuses» de mon cru pour régler le problème:

1- La relaxante: dégustation obligatoire de tisanes apaisantes et kiosques de sensibilisation au Bloc Pot aux deux extrémités du passage.

2- La radicale: distribution de bâtons de bois aux marcheurs (c'est pratique pour la promenade, mais aussi pour viser les roues des cyclistes et patineurs trop agressifs).

3- La coûteuse: construction d'un téléphérique permettant à ceux qui veulent jaser de faire le trajet par les airs au lieu de marcher à six de large (comme ça, la Cité des rivières l'aurait enfin, son téléphérique).

4- La traumatisante: installation de haut-parleurs qui diffuseraient en continu la toune de Vangelis, celle qui joue tout le temps avant les feux d'artifice (on n'est pu capables).

5-  La «Big Brother»: mise en place de caméras qui filmeraient tout le sentier et permettraient d'établir un système de dénonciation des Sherbrookois pas assez zen à notre goût (du genre: «Ouin… Lui, il pédale un peu trop vite!»).

Si après ça, on ne m'appelle pas M. Solutions, il y a maldonne.

La morale du bruit

Quant à tout ce «tapage» au Marché de la gare, personnellement (et sans plaisanteries), je trouve que les plaintes à cet égard ne sont pas fondées. Je me balade souvent en soirée dans le secteur et, à mon avis, le bruit n'y est pas excessif. C'est tout aussi tranquille qu'une chambre de nouveau-né.

De plus, je dois dire que les riverains qui se plaignent de ne pas pouvoir dormir avec les fenêtres ouvertes n'ont pas vraiment ma sympathie car d'autres Sherbrookois sont en bien plus mauvaise posture qu'eux. J'ai un ami qui habite tout près d'un certain bar du centre-ville qui fait carrément vibrer le quartier tous les jeudis, vendredis et samedis soir. Pour lui, même les fenêtres fermées, c'est le boum-boum de fanfare jusqu'aux petites heures du matin. L'autre soir, la basse était tellement dans le tapis qu'il a osé faire une plainte à la police. Comment celle-ci a-t-elle réagi? Eh bien, au lieu de se rendre au bar en question et d'exiger de baisser le volume, deux agents sont allés sonner chez mon ami pour lui dire de ne plus faire de plainte. Belle leçon de civisme, hein?!

La morale: le voisinage, c'est comme la famille, on fait avec.